Rentrée littéraire – Dark est « La vie des fantômes »

Rentrée littéraire – Dark est « La vie des fantômes »
Rentrée littéraire – Dark est « La vie des fantômes »

« La vie des spectres », roman de Patrice Jean, sera sulfureux pour certains. D’autres le trouveront surtout visionnaire. Surtout, il décrit avec talent la grande désillusion de l’auteur face à un monde qui s’effondre.

Le narrateur de La vie des fantômes, double de l’auteur, sent chaque jour sa colère monter face à une société, un monde, qu’il ne comprend plus. Jean Dulac est journaliste à Nantes. Son domaine d’expertise est la culture.

Quand son éditeur lui demande de réaliser une série de portraits de personnalités locales, il tombe sur quelques spécimens de cette mouvance de gauche qu’il exècre. Pourtant, ce sont eux les nouveaux faiseurs d’opinion. Il le verra tous les jours. Sa femme ne jure que par eux. Son fils, adolescent rebelle, ne supporte plus les classiques, préférant les textes de rap radicaux.

Comme beaucoup de quinquagénaires, ces fameux boomers que condamnent les millennials, Jean Dulac a le désagréable sentiment de ne plus avoir sa place dans cette société qui, selon Patrice Jean, a perdu tous ses repères.

Une critique lucide

Parfois, le narrateur veut changer d’identité : « Je ne dois pas être la seule à ressentir cette lassitude de devoir endosser chaque matin la même tenue, la même vie, le même combat. Peut-être mourons-nous de lassitude de toujours jouer le même rôle ? En se détachant du monde, Jean Dulac tente de se sauver. La réalité le rattrape facilement.

Un simple fait divers va ébranler toutes ses certitudes. Une surveillante du lycée de son fils est victime de revenge porn : son ex-petit ami fait fuiter des images obscènes. Un ami du fils les publie sur Internet. Cabale contre lui. Mais lorsqu’il est tabassé par des inconnus, il endosse le rôle de la victime. En cherchant les véritables raisons de l’agression, Jean Dulac prend le risque de ne pas se ranger du côté de la majorité. Il est à son tour accusé par ses collègues, sa femme, son fils.

La première partie du roman, très factuelle, démonte la fabrication de certains mensonges médiatiques. Avec de lourdes conséquences. Une vérité trafiquée et Jean Dulac fuyant le domicile conjugal. Il se réfugie dans une vieille maison de son enfance et commence à discuter avec son meilleur ami, décédé alors qu’il n’avait pas encore 30 ans.

La vie des fantômes devient plus sombre, pessimiste, désespérée. Un autre reflet de la réalité. Le narrateur se recroqueville, abandonne toute relation sociale : « Je suis restée dans ma tanière, dans mon antre. À quel âge perd-on l’envie de déambuler dans les rues, d’étendre une serviette sur une plage, d’entrer dans les cafés ? »

Il croit qu’il tombe amoureux. Il ne se sent plus digne de l’être. C’est peut-être ça, vieillir, ne plus avoir besoin des autres, ne plus croire en eux : on a fait notre vie. « Loin d’être une simple et longue litanie d’un homme prématurément vieilli, le roman offre aussi une critique lucide des maux de notre temps.

Et s’offre même un surprenant retournement de situation avec l’apparition d’une nouvelle pandémie. Les taches défigurent une grande majorité de Français. Quand les scientifiques découvrent le remède à cette étrange maladie, on imagine un Patrice Jean jubilant détaillant le plan mis en place par les autorités pour « guérir » les infectés.

« La vie des fantômes » de Patrice Jean, Le Cherche Midi, 464 pages, 22,50 €
 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

NEXT Le salon du livre était bondé de 400 visiteurs