Chronique acerbe et humoristique d’un village croate

Chronique acerbe et humoristique d’un village croate
Chronique acerbe et humoristique d’un village croate

Chronique acide et humoristique d’un village croate

Enfin traduit en français, le roman d’Ante Tomic « Qu’est-ce qu’un homme sans moustache ? » est un régal.

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« Qu’est-ce qu’un homme sans moustache ? » Le titre du roman d’Ante Tomic n’est pas le seul pied de nez que l’auteur fait à ses lecteurs. Vous l’aurez compris, inutile de chercher la réponse à cette question essentielle dans ce court roman d’un humour rare. À 15 anset chapitre, alors que nous sommes pris dans la lecture, il se permet de résumer le chapitre ainsi : « Dans lequel il ne se passe rien, donc on peut sauter les pages suivantes. » Bien sûr, c’est faux.

Ce roman est un peu comme « Moche, sale et méchant » en Croatie. Dans ce village de 1000 âmes de l’arrière-pays dalmate, il y a quelques passions simples : la religion catholique, l’alcool et l’agneau à la broche. Cette dernière spécialité culinaire en dit long sur cette société si l’on en croit l’auteur : « C’est le symbole le plus frappant de ce cruel, primitif et patriarcal que l’on appelle « balkanique ».

Une galerie de personnages hauts en couleur

Entre l’Église, le bistrot et l’épicerie où l’on boit aussi, on croise des personnages écrasés par la pression sociale, les femmes ou le curé, ou les hommes stupides, fiers, misogynes et vulgaires. Chacun vaut le détour. Que ce soit l’épicier fan de séries mexicaines et qui marmonne l’espagnol ; le beau prêtre alcoolique repenti, harcelé par une veuve ; le Glandu (est-ce que j’en dirai plus ?), poète incompris qui écrit des haïkus en croate ; l’homme riche de retour d’Allemagne qui « se gratte l’oreille avec les clés de la Mercedes pendant que d’autres moins fortunés le font avec la tête rouge d’une allumette » ; le général qui a gagné ses galons pendant la guerre de Yougoslavie (en arrière-plan du roman) ; un ministre qui n’aime rien tant que l’agneau à la broche (nous y reviendrons !).

Scènes surréalistes

Tous ces personnages donnent lieu à des scènes surréalistes comme cette discussion hilarante sur l’appréciation théologique des seins en silicone, l’explication colorée du « franchissement du mur du son », la croyance selon laquelle les mouches ne supportent pas le grincement d’un morceau de polystyrène sur une vitre, la définition populaire du stalinisme (le pain trempé dans du yaourt) et l’acier à sandwich. Quel bonheur !

Une vision sans concession des archaïsmes de ce monde rural d’Europe centrale, d’un nationalisme primitif, évoquée par petites touches et toujours avec humour et une forme de désespoir face à tant de misère matérielle, intellectuelle et morale. Il n’en demeure pas moins que ce petit monde ressemble aussi au nôtre, dans notre petitesse, nos mesquineries, nos jalousies, nos mauvaises habitudes, nos frustrations et nos rituels. Ce qu’il y a d’humain en eux, nous le partageons.

«Qu’est-ce qu’un homme sans moustache ? » par Ante Tomic, Éditions Libretto, 213 pages, août 2023, de 13 fr. 60 à 15 fr. 10.

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Olivier Bot est rédacteur en chef adjoint depuis 2017, responsable de la rubrique Monde entre 2011 et 2017. Prix Alexandre de Varennes. Auteur de « Chercher et enquêter avec Internet » aux Presses universitaires de Grenoble.Plus d’infos

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