Édition. Il publie un plaidoyer pour la survie des bibliothèques

Édition. Il publie un plaidoyer pour la survie des bibliothèques
Édition. Il publie un plaidoyer pour la survie des bibliothèques

Il sourit quand on lui fait remarquer qu’il ne serait pas mauvais dans le rôle de Guillaume de Baskerville, le moine enquêteur bibliophile du « Nom de la rose » d’Umberto Eco. Sa grande stature, à près de 80 ans, son érudition et son attachement à la lecture pourraient en effet lui donner le statut d’un vénérable sage, mais Lucien-Xavier Polastron objecte : « Je ne suis pas un flic… » Mettons donc un avocat, pour défendre l’écrit dans toute sa noblesse, celui qui s’écrit sur le papier, et les caisses qui le tiennent à disposition de tous, les bibliothèques. Des étagères de culture qui sont pour lui des monuments en péril, et dont il rappelle l’histoire et le rôle dans un essai, « Ma poussière est l’or du temps » (1).

Lire sur un écran ou un téléphone n’est pas du tout la même chose qu’avec un livre papier”

Comme le rappelle la quatrième de couverture, ce lecteur invétéré est né en 1944 près de Perpignan, a passé son adolescence à Béziers avant de s’installer à Toulouse. Il vit actuellement à Agen, « en attendant de trouver une maison avec une pièce assez grande pour accueillir mes 15 000 livres, qui sont dans des cartons ». Le plaisir d’écrire s’est emparé de lui très jeune, au lycée Pierre-de-Fermat de Toulouse, « où j’ai commencé à écrire des histoires de châteaux forts : j’adorais faire parler les murs… Et à 18 ans, j’arrivais à placer des articles sur ce sujet dans des magazines ». A 25 ans, il est rédacteur en chef d’un magazine, « Maisons d’hier et d’aujourd’hui », et il parcourt les villages du Tarn, de Puycelsi à Castelnau-de-Montmiral, autour de la forêt de Grésigne. Puis, tombé amoureux de la Chine, il devient grand reporter pour de grands journaux français et rejoint Culture.

Revenons aux bibliothèques. « Celle de Béziers, dans ma jeunesse, était pour moi une sorte de paradis, toute en bois, silencieuse, avec des livres qui brillaient dans la semi-obscurité. C’était comme une église. Puis il y avait la bibliothèque art déco de Toulouse, très belle. J’y lisais presque un livre par jour. Petit à petit, d’autres bibliothèques m’ont séduite. Et à la même époque, j’ai vu se fabriquer en Chine le meilleur papier du monde, tellement absorbant qu’on ne peut pas écrire dessus des deux côtés, et j’ai écrit un livre, « Le papier, 2 000 ans d’histoire et de savoir-faire ».

Des livres en feu

En 1992, l’incendie de la bibliothèque de Sarajevo émeut Lucien-Xavier Polastron, qui écrit en 2004 « Des livres en feu, histoire de la destruction sans fin des bibliothèques ». Un sujet qui revient dans son dernier ouvrage. « Il y a actuellement un courant qui prône l’abandon du papier pour la dématérialisation, ce qui est une hérésie. Lire sur un écran ou sur un téléphone, ce n’est pas du tout la même chose qu’avec un livre papier : l’attention n’est pas la même. Or, les bibliothèques gérées par les collectivités ont tendance à se débarrasser du papier. Et on a commencé à considérer que les bibliothèques devaient rendre d’autres services que la lecture, en les appelant médiathèques. Des médiathèques d’où l’on éjecte les livres, en les mettant dans des boîtes à livres… ou en les jetant dans des bennes à ordures. »

Un style qui donne envie de passer un après-midi pluvieux dans un fauteuil crapaud”

La censure le préoccupe aussi. On connaît l’exemple de certains États américains qui écument leurs étagères de livres jugés « woke », mais on sait moins qu’au Canada, des écoles ont détruit des milliers de livres « nuisibles aux autochtones », dont des bandes dessinées de Tintin évoquant « les Peaux-Rouges ». Dans « Ma poussière est l’or du temps », il revient aux sources de l’écriture, explore des listes subjectives de livres essentiels, évoque des bibliothèques remarquables et feutrées, dans un style qui donne envie de passer un après-midi pluvieux dans un fauteuil crapaud.

Et que dévore-t-il ? « À force de lire des essais (sur l’architecture, la philosophie, la littérature…), je me suis remis aux romans, un livre qu’on retrouve tous les soirs, avec les mêmes personnages. » Et il cite les écrivains autrichiens Léo Perutz ou Thomas Bernhard, le Polonais Witold Gombrowicz ou les romantiques allemands. Enfin, Lucien-Xavier Polastron s’attaque à la première traduction française de « Orbis sensualium pictus » de Comenius, ouvrage de 1658, fondateur de la pédagogie par les images. À lire en février, sur papier bien sûr.

(1) « Ma poussière est l’or du temps, autobiographie de La Bibliothèque recueillie et mise en ordre par Lucien X. Polastron ». Éditions Les Belles Lettres. 192 pages, 23,50 €. Lucien-Xavier Polastron donnera une conférence à la Société académique d’Agen, le mercredi 9 octobre à 15 heures, et dédicacera des livres le samedi 12 octobre à la librairie Martin-Delbert, de 15 à 18 heures

 
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