« Je suis quelqu’un qui est très axé sur la routine »

« Je suis quelqu’un qui est très axé sur la routine »
« Je suis quelqu’un qui est très axé sur la routine »

Philippe Jaenada

Ceux qui se sont déjà aventurés dans un livre de Philippe Jaenada le savent… La méthode – on ne peut plus personnelle – a fait ses preuves : s’emparer d’un fait divers plus ou moins oublié, trouver la faille pour y glisser un œil curieux et mener une enquête dont les ramifications, y compris celles menant à la vie personnelle de l’auteur, confinent à l’idée de l’infini. Ce modus operandi a donné naissance à des romans robustes (autour de 600-700 pages), originaux et encensés.

La petite femelletrès bon travail sur l’affaire Pauline Dubuisson, accusée d’avoir tué son amant. La serpePrix ​​Femina 2017 et un fantastique Cluedo littéraire sur un triple meurtre dans un château fermé de l’intérieur. Au printemps des monstresune reconstitution obsédante et obsédante de l’affaire Lucien Léger, condamné pour le meurtre d’un enfant. Des livres qui pourraient ressembler à d’autres, tant est grande la tendance à revisiter les affaires criminelles, petite passion de l’époque, sauf que les livres de Philippe Jaenada sont marqués d’un « Z » qui signifie « Zorro ».

Les livres de Philippe Jaenada sentent Jaenada à dix kilomètres, avec son style d’explorateur à la Columbo (faussement candide, vraiment malin), son style (la digression, la parenthèse et la parenthèse dans la parenthèse), son point de vue d’archiviste et cette façon de se mettre en scène dans le récit sans jamais se rendre ridicule ou ennuyeux, en citant régulièrement sa femme (comme Columbo).

La méthode est donc connue, elle a été réutilisée pour les besoins de son nouveau roman de quête, La désinvolture est une belle chose.L’ouvrage, nominé aux prix Goncourt et Renaudot, est un long récit d’un road trip dans la d’aujourd’hui, à la recherche de la vérité sur la mort d’une jeune femme – Jacqueline Harispe, dite Kaki – qui se serait jetée par la fenêtre en 1953. « Ce qui m’a attiré dans cette histoire, c’est une photo d’elle, explique Jaenada.Cette photo provient d’une série du photographe néerlandais Ed van der Elsken qui en a fait un livre – L’amour sur la rive gauche . J’ai découvert sur ces photos un groupe de jeunes qui fréquentent un endroit du Quartier Latin, Chez Moineau, et j’ai ressenti quelque chose…”


Derrière votre enquête sur la mort de cette jeune fille au début des années 1950, on retrouve un livre sur la jeunesse…

PHILIPPE JAENADA – Je ne me suis jamais dit que j’allais faire le portrait d’une jeunesse. Je ne voulais pas écrire un livre sur la jeunesse, je ne voulais pas m’intéresser à ma propre jeunesse. Je voulais juste m’intéresser à ces personnages qui me touchent, mais beaucoup de gens, qui n’ont rien à voir avec eux, me disent « J’ai l’impression que c’est moi »et j’aime ça.

Parmi les personnages de ce groupe, on retrouve Guy Debord, le théoricien du situationnisme. Que fait-il là ?

Je ne l’aime pas, mais il fréquente ce café Chez Moineau. Sans lui, personne ne saurait qui sont ces gens-là parce qu’il leur a rendu hommage dans ses films et dans ses écrits, mais je lui en veux… Je lui en veux d’avoir observé ce qu’il voulait observer Chez Moineau – et il faut savoir le faire – et puis après, d’avoir rejeté ces gosses comme de la merde.

Votre méthode de travail a-t-elle évolué au fil des livres ou répond-elle toujours aux mêmes exigences ?

Cela répond toujours aux mêmes critères, je suis quelqu’un d’hyper-routinier. D’abord, je me désolidarise du roman, je plonge dans la vérité. Je commence par faire une razzia sur Internet sur mon sujet, puis je passe aux archives… Je ne commence à écrire qu’à partir du moment où j’ai rassemblé toute ma documentation et que tout est classé. Ensuite, je fais l’inverse, j’oublie que c’est réel, je fais comme si tout cela n’était que fiction, je fais mon métier d’écrivain et je ne fais rien d’autre qu’écrire.

« Les gens me disent que ce que je fais, c’est du travail… Mais pas du tout, c’est comme jouer au ping-pong. »

Cette façon de travailler et de raconter son enquête est une façon de faire les choses seul avec les habitudes d’un quasi-commercial…

Oui, un commercial qui n’a pas d’entreprise à représenter. Pour ce livre, je fais le tour de la France, je travaille dans des hôtels, je vais dans des bars, dans des restaurants, mais c’est un scénario pour les besoins de l’histoire. Seul, car pendant deux ans, je ne fais que ça et les personnages finissent par devenir des amis imaginaires. On me dit souvent que ce que je fais, c’est beaucoup de travail… Mais pas du tout, pour moi, c’est comme jouer au ping-pong.

Votre carrière d’écrivain spécialisé dans les romans policiers vous a conduit à vous intéresser de manière exceptionnelle à un cas contemporain, celui d’Alain Laprie, condamné pour le meurtre d’une vieille dame, qui clame son innocence. Vous en avez fait un livre, Sans preuve et sans confessionCe qui montre à quel point l’enquête a été menée rapidement. Où en est-on dans cette affaire ?

L’enquête a été rouverte en juin ou juillet 2023, elle n’a rien donné. On est dans un moment d’enlisement… Une dernière expertise va être demandée et on espère qu’elle sera acceptée. Alain, avec la médiatisation de son cas, il espérait des choses, et comme rien ne se passe, il ne va pas bien. Sa femme ne va pas bien non plus, je suis convaincu qu’elle souffre plus que lui…

C’était la première fois qu’un accusé s’adressait directement à moi, et quand il m’a raconté son histoire, je me suis dit :« surtout pas ». D’abord parce que je veux choisir mes histoires, et parce que j’ai du mal à raconter une histoire du présent parce que c’est une responsabilité. Mais quand j’ai lu son dossier – même si je ne voulais pas m’en occuper – je n’avais pas le choix… Après la sortie du livre, j’ai reçu d’autres messages de gars en prison – je suis un type sympa, mais je ne peux pas et je dois leur dire non.

La décontraction est une belle chose ★★★✩
Philippe Jaenada. Mialet-Barrault, 487 p.

 
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