Livres : le retour de François Degrande

Livres : le retour de François Degrande
Livres : le retour de François Degrande

L’auteur de Scy fait à nouveau la promotion des auteurs belges avec « Niznayou » de Françoise Pirart et « Ceci n’est pas » de Bernard Visscher. 2 histoires qui démarrent en Belgique, direction la Tchétchénie et le Portugal.

– «Niznayou» roman de Françoise Pirart, MEO, 2024.

Le héros de l’histoire est un jeune Tchétchène, qui se présente comme « Niznayou ». Il trouvera refuge en Belgique. Il est marqué par le souvenir des bombardements dévastateurs dans son pays natal.

« Niznayou », c’est Mehdi, né d’un père tchétchène et d’une mère russe. Son père était combattant pendant la deuxième guerre de Tchétchénie et n’a plus donné signe de vie depuis. L’enfant, après un long voyage, débarquera à Fonsny-la-Roche dans les Ardennes.

« Niznayou » se retrouvera dans une famille en Belgique, auprès de Jeff et Jeanne, ses grands-parents adoptifs. Le roman fera la lumière sur les raisons de la terrible disparition de ses parents adoptifs…

J’ai déjà mentionné Françoise Pirartune auteure belge, dans cette émission, pour un recueil de nouvelles, Tout est sous contrôle, paru chez MEO, qui m’avait fortement marqué à l’époque. A noter que Françoise Pirart a reçu un prix pour l’ensemble de son œuvre de l’Association des Ecrivains Belges (AEB) en février 2023.

Nous parlerons ici de son dernier roman, Niznayou, qui vient de paraître, également aux éditions MEO. Tout est réuni dans Niznayou pour créer une atmosphère rurale, proche de la nature. Nous sommes dans une petite ville ardennaise, Fonsny-la-Roche. Pourtant, on se rend compte assez vite que les ingrédients sont aussi là pour qu’un drame se produise…

Françoise Pirart explains: “Dans le cadre de l’association où je donnais des cours de français à des adultes étrangers, j’ai rencontré des Tchétchènes qui avaient fui la guerre, dont un homme qui avait même combattu. Je me suis alors intéressée aux deux guerres de Tchétchénie, dont on parlait finalement peu ici à l’époque. C’est ainsi que mon jeune héros a pris vie. ».

« Le fait de parler un peu le russe m’a permis de faire une rencontre importante : un homme, lui aussi d’origine tchétchène, qui m’a beaucoup aidée en me parlant de ce qu’il avait vécu là-bas et en me montrant des photos personnelles et quelques images filmées à l’époque. C’était émouvant. Juste avant la publication du roman, j’ai pu corriger quelques inexactitudes du texte grâce à lui. »

«Ma principale préoccupation était de m’assurer que cet enfant […] « L’enfant est toujours au centre. Même s’il y a des côtés sombres dans ce roman, j’ai essayé d’y insuffler beaucoup d’espoir. Chaque personnage sort plus fort de sa rencontre avec l’enfant, c’est comme une rédemption pour eux. Et lui, malgré la perte de sa famille, va trouver une sorte d’accomplissement ».

François Degrande conclut : L’ensemble de l’équipe fictive ne manque pas d’intérêt et le lecteur découvrira une galerie de personnages très intéressants, comme Tony, un passionné d’armes à feu qui s’adonne au tir en club en Belgique et qui est ouvert aux idées les plus extrêmes.

Les parallèles entre ce monde de jeu et la guerre réelle en Tchétchénie, le pont qui se crée entre la mécanique du tir comme passe-temps et la recherche d’une vraie victime, sont particulièrement subtils. Sans s’en rendre compte, le lecteur verra la barrière entre « jeu » et « réalité » s’effondrer.

Françoise Pirart fait en sorte que les épisodes s’enchaînent, avec une tension propre à la construction d’un scénario de série, avec art. L’écriture est fluide et va à l’essentiel. Et on retrouve là une qualité de l’auteur que j’avais déjà évoquée précédemment : la capacité à se mettre à la place des hommes comme des femmes, des personnes âgées comme des jeunes. Et de savoir dessiner avec justesse des personnages qui épousent des causes qui ne sont pas celles de l’auteur, on imagine.

– «Ce n’est pas“, novel by Bernard Visscher, Murmures des soirs, 2023.

Adam Monom quitte Bruxelles pour Lisbonne. Il a rendez-vous avec son amie Lilia, étudiante à Coimbra. Une tempête tropicale provoque le détournement du vol. Adam atterrit dans une ville qu’il ne connaît pas. Ses habitants sont habillés comme dans des œuvres d’art du XXe siècle. Son téléphone portable ne lui sert à rien…

Une cabine téléphonique lui permet de contacter Lilia. Rapidement, un fossé s’ouvre entre eux, comme si cent ans les séparaient. Comme si Adam était prisonnier d’un temps surréaliste, enfermé dans une fiction aux connexions impossibles avec la réalité.

Bernard Visscher Célèbre dans Ce n’est pas le centième anniversaire de la publication du Manifeste du surréalisme d’André Breton. On se souvient de l’excellent premier roman du cinéaste et réalisateur Visscher. « Rendez-vous incertain » avait d’ailleurs remporté le prix Saga en 2022.

Le narrateur, comme le texte, a les attributs du surréalisme ; il n’est donc pas fiable. Pas plus que le récit. On nous rappelle sans cesse que nous sommes dans un récit, avec un art de la métalepse. C’est Magritte qui donne le ton : la réalité n’est pas la représentation de la réalité. Mais il faudra attendre la page 115 pour que le titre du roman soit commenté…

Le geste de Visscher est fort car d’emblée, il fait ce que faisaient les surréalistes il y a cent ans : ils surprennent. Mais, sans rien dévoiler de la fin, disons simplement que la force de l’auteur est qu’à un moment donné, il revient à une forme de narration plus classique, jouant subtilement avec l’esprit surréaliste. Et si ce semblant de retour à la logique était le point culminant du surréalisme, en 2024 ?

Ce que je perçois, au-delà de l’heureuse variation de registre, c’est une voix reconnaissable. Et c’est la touche des grands auteurs. Et j’y ai vu un mariage heureux, inspiré par Dalí, entre la psychanalyse et le surréalisme.

 
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