Des mots et des livres. Tragédie de la Réunion

Des mots et des livres. Tragédie de la Réunion
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Note : 4/5

Voilà un premier roman qui mérite déjà notre attention dans la mesure où il se démarque clairement du flux habituel de la production littéraire. Vincent Constantin, l’auteur, est originaire de La Réunion. On devine qu’il est attentif aux références philosophiques mais aussi rituelles qui inspirent les habitants de l’île, à commencer par les plus modestes, dont il s’efforce d’évoquer leurs conditions extrêmement précaires. Mais il le fait par petites touches, préférant une poésie quotidienne teintée de naïveté, à un pathétique simplificateur.

Il est également intéressant de savoir qu’il a d’abord écrit son roman en créole, avant de le traduire lui-même en français.

Trois destins

Une autre caractéristique frappante de son texte est son caractère elliptique. Il lui permet de raconter le parcours de ses trois personnages principaux, sur dix ans, en les laissant nous raconter quelques moments forts.

Irina a douze ans lorsqu’elle se retrouve enceinte de son petit ami qui décolle aussitôt. Avorter? Elle refuse. Chassé par sa mère, qui lui dit plus tard : « Pourquoi vis-tu encore ? Comment fait-on pour ne pas se suicider», s’est-elle réfugiée chez son père, avec qui cette mère indigne avait également rompu tout lien. Elle élève donc son fils, Hérivelo, de manière soudée. C’est lui, en grandissant, qui témoigne de ce lien très particulier mais à bien des égards ambigu, avec la femme qui reste une femme-enfant profondément désemparée. C’est lui, par exemple, qui lui masse le dos nu, pour l’aider à faire face aux douleurs qui suivent l’accouchement. Comme s’ils étaient seuls au monde. « Ce jour-là, tout était silencieux, la voix de ma mère caressait mes oreilles et la tendresse de ses yeux caressait mon esprit », confie Hérivelo.

En chemin, Irina trouve toujours un emploi dans un salon de coiffure. Elle y rencontre la fille du patron, Ikala, qui n’a que quelques années de plus que son fils. Et elle l’accueille lorsque sa mère est tuée par son mari. Car dans ce monde, les hommes, même s’ils travaillent dur, lorsqu’ils cèdent à l’alcool, trouvent normal de battre leur femme. Les femmes font ce qu’elles peuvent pour survivre, tandis que les nouvelles générations tentent de trouver leur place, au sein d’une communauté en proie à tant de souffrances et cruellement privée de perspectives.

Il n’y a aucune arrière-pensée chez ces protagonistes, que l’auteur nous laisse percevoir comme une manière de surmonter les tragédies qui ne les épargnent pas. Il préfère avant tout mettre en avant l’attachement que lui inspirent ses personnages, plus que le sort qui pèse sur leur destin.

Saluons ce nouvel éditeur, Les éditions du Panseur, qui a su dénicher et accompagner un roman si singulier et si bouleversant. Une histoire qui, si elle n’a pas la prétention d’être un tableau social, saura toucher votre cœur.

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(Éditions du Panseur)

« Dans le battement des lames ».

Vincent Constantin. Editions du Panseur. 18 €.

 
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