Jean-Paul Dubois, parcours thérapeutique

Jean-Paul Dubois, parcours thérapeutique
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“L’origine des larmes”. Par Jean-Paul Dubois. Éditions de l’Olivier. 246 pages. 21 euros.

Lorsque Paul Sorensen tire deux balles dans la tête de son père, la scène se déroule à la morgue et l’homme assassiné est déjà mort depuis deux semaines. Le fils ne peut donc pas être accusé d’homicide. Pourtant, ces choses ne se font pas et en guise de sanction, le tribunal impose une obligation de soins à l’homme de 51 ans quasiment parricide, une peine qui l’envoie chez un psychiatre une fois par mois pendant un an.

Toutes les nuances de mélancolie

Au fil de ces séances, Paul, également fabricant de housses mortuaires, révèle les motifs d’une haine originelle qui remonte au jour de sa naissance, frappé par la mort simultanée de sa mère et de son jumeau. L’histoire du survivant qui, pour chaque ami, possède une IA, visite de manière obsessionnelle les replis d’une enfance triste avec un père cynique et complètement inaccessible.

La légère dystopie de l’histoire qui se déroule en 2031 libère le flux. De bruine en averse, le changement climatique pleure continuellement sur Toulouse qui passe du rose au gris, tandis que le psy de Paul atteint d’une pathologie oculaire interrompt régulièrement les aveux de son patient pour essuyer ses larmes artificielles. Celles de Paul, elles coulent intérieurement sur son enfance ravagée.

Alourdi par tant de chagrin, « L’Origine des larmes » pourrait se transformer en un récit bouleversant, mais ce serait méconnaître le talent de Jean-Paul Dubois. Même s’il nous raconte un monde qui s’effondre dans un climat perturbé, même si le père de l’histoire est une canaille de premier ordre à qui on n’accorde aucune circonstance atténuante, toute cette grisaille est traversée de magnifiques lumières. Les bruits de la pluie, le sifflement des pneus sur l’asphalte mouillé, les vêtements dégoulinants, l’œuvre de Kim Tchang-Yeul, artiste coréen qui ne peint que des larmes, enveloppent la patiente dérive des souvenirs escortés sur une plage du Pays Basque par un chien errant, gage d’un confort éphémère. La scène autour d’une Simca Versailles, un jouet dérisoire de Dinky Toys, vaut à elle seule affronter les averses tenaces de ce roman.

Alternant entre le burlesque et le tragique, le sec et l’humide dans cette chronique d’un désastre intime et climatique, Jean-Paul Dubois décortique les racines d’un deuil de toute une vie. En héros inconsolable, Paul Sorensen promène ses obsessions avec élégance.

 
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