comment ce livre sur le deuil animal est devenu un phénomène éditorial

comment ce livre sur le deuil animal est devenu un phénomène éditorial
comment ce livre sur le deuil animal est devenu un phénomène éditorial

C’est l’histoire d’un tube que personne n’avait vu venir. Un magnifique récit sur le deuil animal sorti discrètement en mars et qui s’est imposé comme le phénomène littéraire du printemps, de l’été et finalement de l’année. Écrit par un illustre inconnu, Cédric Sapin-Defour, 47 ans, professeur de sport et alpiniste, « Son odeur après la pluie » figure depuis des mois dans le top des ventes. « C’est dingue pour un livre qui n’est ni un thriller, ni un roman, ni du développement personnel », résume un libraire parisien.

Réimprimé des dizaines de fois, il s’est déjà vendu à plus de 140 000 exemplaires, et la belle histoire est en passe de devenir un conte de Noël. Mercredi, le livre a reçu le prix littéraire 30 Millions d’Amis, le « Goncourt des animaux ». Et à quelques semaines des fêtes de fin d’année, Stock, son heureux éditeur, vient de le rééditer avec une nouvelle couverture et une très belle photo d’Ubac, le chien de l’auteur décédé en 2016. Avec un nouveau tirage conséquent 35 000 exemplaires supplémentaires à gagner. Phénoménal pour un tel ovni littéraire.

Un « texte superbe et généreux »

Face au succès de « Son odeur après la pluie », les éditions Stock proposent une nouvelle édition à 35 000 exemplaires. Éd. Action

Lorsque Benoît Heimermann, rédacteur chez Stock qui connaît bien le monde de la montagne, a reçu cette histoire en janvier 2022, il a avoué avoir « été un peu interloqué ». « Il traitait d’un sujet que je ne connais pas du tout, je n’ai jamais eu de chien de ma vie. » Mais le professionnel est immédiatement séduit « par ce texte superbe et généreux ». La partie n’est pas gagnée d’avance. Il lui faudra convaincre les hautes sphères de la maison d’édition de miser sur ce texte relatant treize années de vie partagée et d’amour infini entre un homme et son chien.

Pari gagné. Mars 2022, le contrat est signé. «C’est vraiment la littérature qui a gagné», se réjouit Benoît Heimermann, qui a aussi eu l’idée de le soumettre à son vieil ami Jean-Paul Dubois. L’écrivain, lauréat du prix Goncourt 2019 avec “Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même manière”, a également été confronté à la mort de son chien. Il trouve « Son odeur après la pluie » « si belle et en accord avec ce qu’il ressentait » que l’écrivain lui écrit une préface dithyrambique et émouvante.

Si la presse et la télévision manquent le livre lors de son lancement, les libraires s’en emparent. « Ils ont joué un très grand rôle » confirme Benoît Heimermann. S’ensuit un excellent bouche à oreille, des ventes qui mijotent puis décollent. Mais imaginer un tel destin…

L’heure des textes sociétaux

Auteur de “Merci Will, et à bientôt” en hommage à son labrador, le sociologue Michel Fize salue la réussite de Cédric Sapin-Defour à l’heure où être dévasté par la mort de son compagnon à quatre pattes n’est pas toujours très bon vu . « Il est temps de briser le tabou du deuil et de la douleur. » Lui qui n’hésite pas à dire que le départ de son chien a été « plus douloureux que celui de (ses) parents » s’insurge contre la hiérarchie entre deuil imposée par notre société. Le sociologue milite pour une véritable reconnaissance du deuil animal et espère que le succès de « Son odeur après la pluie » fera avancer son combat.

Dans « Son odeur après la pluie », Cédric Sapin-Defour évoque la perte de son chien Ubac, son bouvier bernois qui a partagé sa vie pendant treize ans. Coll. pers. Cédric Sapin-Defour

Mais « Son odeur après la pluie » n’est ni le premier ni le dernier succès littéraire à émerger sans coup férir. Cette année, l’un des livres les plus remarqués de la rentrée littéraire est une histoire choc sur l’inceste, « Triste Tigre », signée par un auteur peu connu du grand public, Neige Sinno. Une surprise qui a remporté le prix Femina et généré plus de 40 000 ventes.

Les textes sociétaux s’imposent de plus en plus comme un phénomène éditorial. Il y a deux ans, la bande dessinée « Un monde sans fin » (Dargaud) de Christophe Blain et du climatologue Jean-Marc Jancovici s’était vendue à plus de 350 000 exemplaires. Quelques années plus tôt, en 2015, le conte naturaliste « La vie secrète des arbres » de Peter Wohlleben (aux Arènes), avait affolé les compteurs. Idem, à la même période, car « Sapiens, une brève histoire de l’humanité » (Albin Michel), du chercheur israélien Yuval Noah Harari, est resté… trois ans dans le top 20 des ventes.

 
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