Politique. De retour avec un nouveau livre, Ségolène Royal appelle à la tendresse – .

Politique. De retour avec un nouveau livre, Ségolène Royal appelle à la tendresse – .
Politique. De retour avec un nouveau livre, Ségolène Royal appelle à la tendresse – .
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l’essentiel
Pour l’ancien candidat à la présidentielle, notre société a changé pendant le confinement. “Cet effondrement de la tendresse” n’a fait que renforcer le pouvoir des financiers. Or, selon elle, il existe une incompatibilité entre les exigences du marché et des secteurs comme la santé, l’éducation ou l’énergie.

Vous prônez dans votre livre “le temps d’aimer”. Est-ce vraiment une urgence politique ?

Je pense qu’il y a eu un effondrement de la tendresse depuis le confinement. J’ai accompagné ma mère à la maison de retraite. Quand le confinement est arrivé, je me suis demandé comment la politique pouvait devenir si cruelle et imposer des choses aussi absurdes au citoyen. Nous étions dans un état d’émerveillement. On se demande comment on a pu accepter ça : l’interdiction des espaces verts pour les enfants et les jeunes alors qu’on était plus contaminés à l’intérieur, l’interdiction des visites dans les Ehpad… J’ai vécu ça en prenant conscience de la fragilité de nos ancêtres. Je n’avais jamais été confronté à cela auparavant et ce fut une découverte pour moi.

Cette expérience personnelle ne vous a-t-elle pas révélé quelque chose qui existait bien avant ?

A l’épreuve d’une catastrophe comme le COVID, on a pu voir que les politiciens n’avaient plus le sens de l’humanité et que le pouvoir était entre les mains des experts. Chaque matin, nous étions soumis à ce décompte meurtrier des morts mais jamais à celui des personnes guéries. Il n’y a jamais eu un mot de condoléances pour les familles concernées. Aucune réparation, aucune consolation non plus pour les soignants, dont on ne sait toujours pas combien ont perdu la vie dans ce dévouement aux autres. On se demande comment la politique est devenue si féroce, incapable de prendre en considération la souffrance des gens. Mais vous avez raison, c’est probablement une accumulation. Je pense que la raison sous-jacente de tout cela est le néo-libéralisme qui a imprégné toutes les décisions politiques aux niveaux européen et national, impliquant que tout fonctionnerait mieux avec la privatisation. On voit le résultat avec le scandale des Ehpad. Il y a incompatibilité entre la loi du marché et des secteurs comme la santé, l’éducation ou l’énergie. L’obsession budgétaire fait cesser de penser les politiciens.

Concernant la gestion du Covid, vous écrivez que le gouvernement a tout fait « pour renforcer la peur, donc la servilité ». Mais ne fallait-il pas protéger à tout prix ?

Non, car des personnes auraient pu être associées. On ne nous a pas expliqué. Comme le disait l’historien Marc Bloch, « le peuple mérite d’être mis dans la confidence ». Même les maires ont été contournés. Le sens commun de la proximité qu’ils incarnent, quelle que soit la tendance politique, n’a même pas été utilisé. Nous avons infantilisé les Français pour leur faire peur. Forcer les gens à rester chez eux est un pouvoir extravagant. Les décideurs n’avaient pas nécessairement les compétences et la perspicacité pour l’exercer.

Dans les pays non démocratiques, la vérité a été cachée aux gens. Avec l’arrivée de taux de mortalité beaucoup plus élevés…

Sans aucun doute.

En vous lisant, on a le sentiment qu’Emmanuel Macron cristallise à lui seul tout le mépris que vous portez à une certaine façon de faire de la politique ?
Non, ce n’est pas spécifiquement pour lui. Peut-être que quelqu’un d’autre aurait fait la même chose. Je ne m’en prends jamais directement à lui. Il y a des choses qui ont été faites avant lui qui n’ont pas été bien faites non plus. Je pense à la fusion des régions et à la façon dont les gens ont été bousculés. C’était le syndrome de la réforme pour montrer que la France se modernisait. Mon livre n’est pas destiné à attaquer le pouvoir en place mais à provoquer un réveil des consciences. On sait depuis septembre dernier que la réforme des retraites telle qu’envisagée va poser problème. Pourquoi cette obstination ? Pourquoi ce passage forcé ? Tout simplement parce qu’il n’y a que des comptables et des financiers derrière le pouvoir. Les politiciens pensent qu’ils seront jugés sur le déficit budgétaire. Ce qui est désolant, c’est qu’on bouleverse un pays déjà fragilisé et des gens qui souffrent de l’inflation. Quand j’ai supprimé l’écotaxe (1), j’ai été très critiqué mais je ne voulais pas bloquer le pays. Aujourd’hui, une dimension affective manque à la politique.

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Êtes-vous une femme plus libre puisque vous n’avez plus de mandat, plus de responsabilité ?

Non car j’ai toujours été libre ! J’ai toujours dit ce que je pensais et ce que je pensais être bon pour le pays. J’ai toujours parlé librement. Je considère que c’est un devoir envers les citoyens.

En dénonçant la « propagande de guerre par la peur » du président ukrainien, vous en avez surpris plus d’un, à commencer par vos propres amis. Où êtes-vous aujourd’hui?

Je ne veux pas revenir là-dessus. Quoi qu’on dise sur ce sujet extrêmement douloureux pour le peuple ukrainien, tout est exploité. Je ne commente donc plus le sujet.

Où vous situez-vous aujourd’hui par rapport au Parti socialiste ?

J’ai plaidé pour le rassemblement de la gauche et je pense que c’était le bon choix. Je suis toujours actif mais je ne suis soumis à aucun mouvement. Je crois que chaque époque se repense et qu’aujourd’hui, après la pandémie, nous ne sommes plus comme avant. Mais tout le monde fait comme si de rien n’était. C’est ce qui est dangereux et qui empêche un peuple de rebondir. Une nation est comme une famille. Pour qu’elle s’épanouisse, il faut de l’amour, un projet, des encouragements, de la justice, sans mépris, sans cruauté, sans peur ni menace. Aujourd’hui, les Français sont inquiets. Derrière la protestation contre la réforme des retraites, il y a la crainte d’un basculement vers le déclin. Ce qui nous apparaissait comme une assurance-vie intouchable – à savoir la santé, l’énergie, l’éducation – se détériore. Les partis politiques pensent qu’ils n’ont aucune marge de manœuvre, mais il y a toujours une alternative.

La situation des femmes dans le monde politique est-elle plus vivable que celle de votre génération ?

Oui, il y avait des attaques personnelles à l’époque qui ne pouvaient pas exister aujourd’hui. Quand on m’a traité de « vache folle » à l’Assemblée nationale, personne n’a bougé ! C’est impensable aujourd’hui. Lors de l’élection présidentielle de 2007, j’ai d’abord été victime de misogynie. A commencer par mon propre camp. Oser se présenter, c’était pénétrer dans un monde interdit aux femmes.

Quel est votre plus grand regret ?

Je ne regrette pas. Mon grand bonheur est d’avoir réussi à merveille avec mes quatre enfants, malgré cette charge professionnelle. C’est le plus important. Si mon engagement politique avait entraîné la souffrance ou l’échec d’un de mes enfants, alors oui j’aurais des regrets pour toute ma vie.

* En 2013, cette redevance pour les poids lourds décidée par le Grenelle de l’Environnement a été supprimée suite à la contestation des « bonnets rouges » en Bretagne
A lire : « Regardez la cruauté du monde ! Le temps d’aimer est venu » (Editions du Rocher) 152 pages 14,90 €
 
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