News Day FR

Où va le monde ?

Pour mieux comprendre où nous allons avec Donald Trump, il est utile de regarder d’où nous venons et de comprendre comment les idées et les crises passées ont ouvert la voie à l’ordre politique émergent.

Prenons comme guide Gary Gerstle, professeur émérite d’histoire américaine à l’Université de Cambridge et auteur de La montée et la chute de l’ordre néolibéral.

Il définit un ordre politique comme « une constellation d’idéologies, de politiques publiques et de groupes d’électeurs qui façonnent la politique américaine au-delà d’un cycle électoral ».

Ainsi, le krach de 1929 et la Grande Dépression qu’il a provoqué ont mis fin au laissez-faire économique qui prévalait jusque-là. Ce libéralisme classique a été supplanté par le New Deal, fondement de l’État providence américain, instauré par le président démocrate Franklin Roosevelt.

PHOTO AUTORITÉ DE LA VALLÉE DU TENNESSEE, DE WIKIMEDIA COMMONS

Le président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt, signe le Loi TVAcréant la Tennessee Valley Authority, l’un des programmes du New Deal.

Selon Gerstle, le New Deal s’est transformé en un ordre politique lorsqu’il est devenu transpartisan. Le républicain Dwight Eisenhower, élu président en 1953, considérait qu’il était prudent de maintenir la régulation économique, la protection sociale et des niveaux élevés de dépenses publiques afin de contrer l’influence du communisme dans le monde.

À son tour, cet ordre politique a été durement touché par une crise, celle des chocs pétroliers des années 1970, et par la forte inflation qui a suivi.

Le néolibéralisme a donc succédé au New Deal dans les années 1980, sous la houlette du président républicain Ronald Reagan, qui dénonçait la lourdeur d’un gouvernement qui restreignait le dynamisme de la libre entreprise et ralentissait l’innovation et la croissance.

Cette idéologie s’est répandue grâce à la libre circulation des idées, des personnes, des capitaux et des biens qu’elle promouvait. Au Royaume-Uni, sa grande prêtresse était Margaret Thatcher, la première ministre conservatrice qui a imposé d’une main de fer privatisations, déréglementations et réductions d’impôts.

PHOTO DAVE BUSTON, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE

La Première ministre du Royaume-Uni Margaret Thatcher avec le Premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau en 1983

Plus tard, un programme néolibéral plus modéré a été adopté par le président démocrate Bill Clinton et, outre-Atlantique, par le parti travailliste Tony Blair.

Au Canada, c’est le premier ministre conservateur Brian Mulroney qui a signé le premier traité de libre-échange avec les États-Unis en 1988 et a lancé les négociations pour le deuxième, étendu au Mexique, en 1994. Au Québec, tant les libéraux que les péquistes ont fortement soutenu cette libéralisation commerciale.

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau, soutenu par les conservateurs, a négocié tant bien que mal la troisième version du traité de libre-échange, sous les menaces de Trump lors de son premier mandat.

À des degrés divers, les grands partis se sont ralliés à l’ordre néolibéral.

Selon Gerstle, la crise financière de 2007-2008 a porté un coup fatal au néolibéralisme. Sur le banc des accusés, la déréglementation du secteur financier votée par les démocrates sous Clinton. Beaucoup ont perdu leur maison et n’ont jamais accepté qu’aucun banquier n’aille en prison, alors que leurs institutions ont été sauvées grâce à des milliards de fonds publics. L’économie a mis près de 10 ans à se redresser et les écarts de revenus se sont terriblement creusés, comme l’a démontré l’économiste français Thomas Piketty.

Au cours de son premier mandat, Trump a capitalisé sur le mécontentement populaire pour attaquer deux articles de foi du néolibéralisme : le libre-échange et l’immigration.

Ensuite, le confinement du COVID-19 et la forte inflation qui en a résulté ont accru le ressentiment des laissés-pour-compte dans les régions dévitalisées.

Le démocrate Joe Biden a compris leur message. Il a contribué à l’émergence d’un nouvel ordre en maintenant les tarifs douaniers de Trump contre la Chine, que les Américains avaient invitée à l’Organisation mondiale du commerce en 2001. Il a remis au goût du jour la politique industrielle, mobilisant des milliards pour la décarbonation de l’économie et la fabrication de microprocesseurs. . Il a également augmenté l’aide aux familles pauvres et réduit l’immigration irrégulière.

Gerstle estime que le deuxième mandat de Trump sera décisif pour l’orientation du nouvel ordre toujours recherché, tiraillé entre deux tendances principales.

La première, celle de l’interventionnisme populiste dans la voie tracée par Biden, retient l’essentiel de l’État providence et, selon les mots du vice-président JD Vance, place « Main Street au-dessus de Wall Street ». Le protectionnisme et un contrôle strict de l’immigration occuperaient le devant de la scène.

La deuxième tendance, plus sombre et plus probable, annonce un pouvoir illimité pour le président Trump, marié à une liberté sans contrainte pour les oligarques libertaires de la Silicon Valley, comme Elon Musk.

Cet ordre autoritaire impliquerait une déréglementation poussée et des coupes budgétaires sévères dans l’État. Surtout, cela constituerait une menace existentielle pour la démocratie libérale, qui jusqu’à présent va généralement de pair avec diverses formes de libéralisme économique.

De plus, cela marquerait le retour de l’impérialisme américain subjuguant les pays alliés comme le Canada.

L’historien Timothy Snyder, professeur à l’Université de Yale, suggère, dans un jeu de mots ironique, d’appeler la deuxième tendance alimentaire « Oreillon », un mot-valise composé des deux premières lettres de Musk et des deux dernières de Trump. Il faut aussi savoir que « oreillons », avec un s, se traduit par oreillons.

Je te souhaite de tout mon cœur une nouvelle année sans Grogner dans oreillons.

Qu’en penses-tu? Participer au dialogue

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :