Si une hirondelle n’apporte pas le printemps, une colombe à elle seule n’annonce pas non plus la paix, mais elle prépare le ciel.
Celui du Moyen-Orient s’est soudain précisé en ce début d’année, supposé être davantage sous les auspices des faucons que porteurs de bonnes nouvelles.
Au moment de la rédaction de cet article, Israël et le Hamas s’étaient mis d’accord sur les grandes lignes d’un cessez-le-feu en trois étapes qui pourrait marquer le début ou la fin du pire épisode de violence de tout le conflit. Israélo-palestinien.
Si l’accord n’explose pas sur une virgule à la toute dernière seconde, les troupes israéliennes se retireront progressivement de la bande de Gaza tandis que les 98 otages – morts et vivants – détenus par le Hamas depuis les attentats du 7 octobre 2023 seront restitués à Israël.
Des centaines de prisonniers palestiniens détenus dans les prisons de l’État juif retrouveront leur liberté, à commencer par les femmes et les enfants.
La première phase de l’accord durerait six semaines, un répit dans les combats qui devrait permettre l’entrée de l’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne qui a carrément faim pendant la période des fêtes. Et il est grand temps.
Selon les derniers rapports de classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC), 91 % de la population de Gaza, soit 1,95 million de personnes, sont confrontés à une grave insécurité alimentaire. Parmi eux, 345 000 sont au bord de la famine. L’IPC craint également que la famine sévit déjà dans le nord de Gaza, complètement isolé du reste du territoire palestinien depuis des mois.
Même si une pause dans les hostilités rendra par définition plus sûre l’acheminement de l’aide et l’intervention auprès des Palestiniens les plus vulnérables, cela ne suffit pas.
« Pour qu’une aide humanitaire massive puisse parvenir à ceux qui en ont besoin, le poste frontière de Rafah doit être véritablement ouvert et les tracas bureaucratiques israéliens doivent cesser », note Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Oxfam Québec. Actuellement, les organisations humanitaires doivent souvent attendre des mois avant que leurs camions entrent dans la bande de Gaza.
Le cessez-le-feu ne garantit pas non plus une paix à long terme, ni un véritable arrêt de la violence au Proche et au Moyen-Orient. C’est tout au plus une avancée dans la bonne direction dans un contexte qui reste particulièrement explosif.
Pas plus tard que mardi, l’armée israélienne aurait bombardé des villes et des camps de réfugiés en Cisjordanie, où les attaques des colons israéliens contre les communautés palestiniennes se sont multipliées au cours des 15 derniers mois. Souvent loin des projecteurs.
Israël, qui a également conclu un cessez-le-feu avec le Hezbollah libanais, continue de bombarder le sud du Liban, affirmant toucher des cibles appartenant à la mouvance islamiste, au grand désarroi des autorités libanaises. De son côté, l’Etat hébreu accuse le Hezbollah de ne pas respecter les termes de l’accord en ne déplaçant pas ses forces militaires au-delà du fleuve Litani, à 30 km de la frontière israélo-libanaise.
La situation n’est pas non plus bonne avec l’Iran. « Les Iraniens s’approvisionnent en drones sophistiqués et se préparent à l’éventualité qu’Israël s’enhardisse avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. L’Iran est affaibli et se sent menacé et c’est très risqué», a déclaré Marie-Joëlle Zahar, professeure de sciences politiques à l’Université de Montréal et experte en résolution de conflits.
Il y a aussi les rebelles Houthis au Yémen qui ont pris pour cible Israël ces derniers jours.
Autrement dit, si les armes semblent se taire à Gaza, elles continuent de faire beaucoup de bruit ailleurs.
Un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas ne garantit pas non plus des progrès politiques significatifs. Il ne remet pas sur les rails les négociations pour la création d’un État palestinien, ni ne prévoit la fin de l’embargo israélien contre Gaza, qui dure depuis 18 ans, ni la fin de l’occupation israélienne à plus long terme. .
L’accord de cessez-le-feu soulève également la question de l’avenir politique du Hamas, qui gouverne la bande de Gaza depuis 2007.
« Sans progrès politique, un cessez-le-feu n’est qu’un sursis. Les conditions qui ont conduit aux attentats du 7 octobre restent inchangées. De plus, les événements des 15 derniers mois ont conduit à la radicalisation des populations, tant israéliennes que palestiniennes. La reprise du dialogue n’en sera que plus difficile », estime Marie-Joëlle Zahar.
Non, le cessez-le-feu ne sera en aucun cas une baguette magique dans une région dévastée par les violences. Il ne rendra justice ni aux Israéliens qui ont perdu près de 1 200 proches le 7 octobre 2023, ni aux proches des quelque 46 000 Palestiniens qui ont péri dans l’offensive israélienne contre le Hamas, selon les chiffres des autorités sanitaires de Gaza.
Il ne pansera pas les blessures de 46 % des enfants palestiniens de Gaza, aujourd’hui handicapés, et ne reconstruira pas les milliers de résidences, d’écoles, d’infrastructures civiles et d’hôpitaux rasés par les bombes. Il n’arrêtera pas les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, des deux côtés.
Pourtant, c’est la porte d’entrée obligatoire vers tout le reste. Une première éclaircie dans un ciel qui ne supporte plus de voir ses oiseaux « danser dans la tempête », pour paraphraser le chanteur Zaho de Sagazan.
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