Plus de 15 mois après le début de la guerre, la bande de Gaza est toujours fermée aux journalistes indépendants. Les agents de santé, entrant et sortant du territoire assiégé, font partie des rares observateurs capables de témoigner de ce qui s’y passe. Le Dr André Munger, originaire de Rivière-du-Loup, a dirigé pendant six semaines l’hôpital de Médecins sans frontières (MSF) France à Deir al-Balah, au centre de la bande de Gaza. De retour au Québec, il raconte ce qu’il a vu.
De fin octobre à début décembre, le Dr Munger s’est installé dans la zone dite « humanitaire », décrétée par l’armée israélienne. Une étroite bande de terre s’étendant sur quelques dizaines de kilomètres carrés, de Deir al-Balah au nord de Rafah, et servant de refuge à des dizaines de milliers de Palestiniens déplacés.
« Ils doivent être environ un million à vivre sous des tentes ou des bâches, sur le sable, dans des conditions assez épouvantables », rapporte le médecin. La zone est en théorie « sûre », c’est-à-dire exempte de bombardements israéliens. « Mais ce n’est pas vrai. Il y en a. »
À l’automne, MSF France a implanté un hôpital modulaire dans cette zone, proche de la mer Méditerranée. Le centre, spécialisé en pédiatrie, a été construit à partir de modules préfabriqués provenant de France. « Nous avons commencé en septembre avec une clinique externe générale, avec un dressing. Par la suite, nous avons pu ouvrir une urgence. »
Des salles d’opération ont été mises en service. Trois chambres d’hospitalisation, de 18 lits chacune, ont été ajoutées. Un petit laboratoire et une salle de radiographie s’y trouvent également. En raison du manque d’électricité, l’hôpital fonctionne avec des générateurs diesel. « Avant mon départ, nous avions des réserves pendant environ un mois », témoigne le Dr.r Munger. Il y a aussi des panneaux solaires, mais ce n’est pas suffisant. »
Problèmes respiratoires et cutanés
Les enfants hospitalisés souffrent principalement de problèmes respiratoires, comme la pneumonie et la bronchiolite. « L’hiver est arrivé. Les enfants vivent dans des conditions difficiles et ne mangent pas suffisamment, donc leurs défenses immunitaires sont moins bonnes », explique le médecin de famille.
À la clinique externe, où peuvent venir des patients de tous âges, le Dr.r Munger a vu de nombreux problèmes de peau, notamment l’impétigo et la cellulite. « Il y a une pénurie de produits d’hygiène, donc les enfants et même les adultes ont facilement des plaies. »
Les patients souffrant de blessures de guerre ont été orientés vers d’autres hôpitaux. Une enquête menée auprès d’une soixantaine d’agents de santé travaillant à Gaza, publiée en octobre dans le New York Timesa révélé que ces médecins et infirmières ont constaté qu’un grand nombre d’enfants souffraient de blessures par balle à la tête ou à la poitrine.
“Les bombardements de l’armée israélienne sont quotidiens”, constate le Dr Munger. [Des soldats au sol] tirera même dans les tentes ou les abris de fortune où se trouvent les gens. » Le médecin, qui travaille avec MSF depuis une vingtaine d’années, constate également qu’il y a « beaucoup de morts par rapport aux blessés » dans ce conflit armé.
Depuis le début de la réponse israélienne à l’attaque du Hamas, plus de 46 000 Palestiniens ont été tués, selon le ministère de la Santé du Hamas. L’attentat terroriste, perpétré le 7 octobre 2023 en Israël, a fait quelque 1.200 victimes et 251 otages ont été emmenés à Gaza. Une centaine sont toujours là.
Malnutrition et approvisionnement
Sur la route qui longe la côte méditerranéenne en zone humanitaire, le Dr Munger était souvent pris dans les embouteillages. « Nous ne pouvons pas rouler à plus de 5 ou 10 km/h car il y a tellement de monde sur la route », dit-il. En regardant autour de lui, le médecin a pu constater « que tous les enfants sont maigres ou vraiment pas gros ».
À la clinique, il a observé quelques cas de malnutrition modérée. « Plus rarement une malnutrition sévère. » Mais avec l’arrivée de l’hiver, couplé au blocage de l’aide humanitaire et aux prix exorbitants des denrées alimentaires sur les marchés, le médecin craint le pire pour ces enfants qui sont « sur le qui-vive ».
Les pénuries de carburant et la difficulté d’acheminer le matériel médical compromettent également le fonctionnement des hôpitaux. « L’attente est interminable. Il doit passer par les contrôles israéliens. […] Et il y a un blocus, donc très peu de camions peuvent entrer. » Plusieurs cargaisons sont également volées. « Il y a des pénuries sur presque tout. »
Aux problèmes de santé physique s’ajoutent des problèmes de santé psychologique. «Au début, ils espéraient encore que tout cela se terminerait assez rapidement par une médiation internationale. » Mais le temps a passé, leurs maisons ont été détruites, beaucoup de leurs proches ont été tués et des zones entières de la bande de Gaza ont été vidées de leur population.
Le Dr On disait souvent à Munger et à ses collègues : « Pourquoi les gens des pays où vous vivez savent-ils ce qui nous arrive et nous laissent-ils souffrir ainsi ? » rapporte-t-il. Et beaucoup ont fini par lui dire : « Le mot que je déteste le plus, celui que je ne veux plus entendre, c’est le mot « espoir ». »
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