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Meta sacrifie la vérification des faits pour de l’argent

Mark Zuckerberg et son groupe Meta commenceront à utiliser les « Community Notes », comme X.Image : Watson

Analyser

Suite à l’annonce par Mark Zuckerberg de l’abandon du programme de fact-checking du groupe Meta aux Etats-Unis, l’inquiétude existe quant à l’autorégulation laissée aux internautes. Mais le calcul est aussi économique.

11.01.2025, 18h5011.01.2025, 20:56

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Cette semaine, le groupe Meta a décidé de s’attaquer aux fact-checkers qui surveillent les contenus publiés sur sa plateforme aux Etats-Unis. Désormais, la communauté se chargera d’attribuer des notes pour corriger ou clarifier des informations incorrectes. Un système qui n’est pas sans rappeler les « Community Notes » utilisées par X.

La Commission européenne analyse actuellement ce système. «Il se peut que Meta attende cette étude pour appliquer sa décision à l’Union européenne», estime Laurent Cordonier, sociologue valaisan et directeur de recherche à la Fondation Descartes à Paris.

La décision de Mark Zuckerberg est surprenante, car le patron de Meta avait déclaré lors des élections présidentielles américaines de 2016 :

« Nous pensons que les risques liés au fait de permettre au président de continuer à utiliser nos services pendant cette période sont tout simplement trop grands. »

En 2025, « Zuck » change radicalement de position lors de son discours de 5 minutes pour annoncer la fin du fact-checking. Voici les principaux points :

« Il y a eu de nombreux débats sur les effets négatifs du contenu numérique. Les gouvernements et les grands médias ont réclamé toujours plus de censure. Une grande partie de cela est clairement motivée par des considérations politiques.»

Il en profite pour ajouter :

« Les récentes élections ont également marqué un tournant culturel dans la priorité donnée à la liberté d’expression. Nous reviendrons donc à l’essentiel et nous concentrerons sur la réduction des erreurs, la simplification de nos principes et le rétablissement de la liberté d’expression sur nos plateformes.

Marc Zuckerberg

Laurent Cordonier y voit une mauvaise nouvelle pour l’intégrité de l’information : « Meta a été innovant dans ce domaine. Avec Facebook, elle a été la première plateforme numérique à comprendre qu’elle participait à la diffusion de fausses informations.

Cependant, ce système de « Community Notes » est perçu comme un retour en arrière par les observateurs. Son fonctionnement adopte l’autorégulation qualifiée d’« illusoire » par notre interlocuteur valaisan.

L’annonce de Zuckerberg est certainement un pas vers une politique trumpiste et une forme d’allégeance, couplée à un calcul économique : « Nous faisons vérifier les informations au départ par des professionnels, et maintenant, nous demandons à des volontaires de le faire, selon des procédures qui ne sont pas du tout claires. et qui ne sont pas sûrs. Mais au moins, c’est gratuit », assure Laurent Cordonier.

Libération, qui faisait partie du programme de vérification des faits, a été transparent sur les montants payés par Meta :

« Libération et sa rubrique CheckNews ont été parmi les premières rédactions à participer à ce programme, à communiquer régulièrement sur son fonctionnement et les revenus que nous en tirons (100 000 dollars en 2017, 245 000 dollars en 2018, 236 000 dollars en 2019 et 239 200 dollars en 2020) avant de le quitter définitivement en mars 2021. »

Alors que pour Trump et Musk, les médias sont les ennemis des informations qui déforment la réalité, Laurent Cordonier note un aspect cocasse dans les notes sur X : les utilisateurs se réfèrent régulièrement à un article d’un média professionnel pour compléter leur « Community Note ». L’expert poursuit :

« Meta pense qu’elle peut faire la même chose, et gratuitement, pensant que les gens peuvent faire le travail parce qu’ils sont assez grands. C’est une illusion totale. Le fact-checking est critiqué pour son caractère politique et trop progressiste. Mais qu’en est-il de la communauté qui attribuera des notes et sera sûrement orientée politiquement ?

Laurent Cordonier

Le sociologue décrit jeles plateformes sociales comme média en soi“selon une ligne éditoriale qui ne s’affiche pas, contrairement à un média traditionnel à la ligne définie et affirmée”. En effet, sur les réseaux, cette ligne est « incompréhensible, invisible et créée par l’algorithme. Cette idée d’accès immédiat à l’information est une fiction », estime Laurent Cordonier.

Il critique particulièrement cette mise en avant de comptes qui suscitent des émotions très fortes, comme Facebook a été accusé de le faire dans le cadre de différents scandales. « Nous savons que les fausses nouvelles suscitent l’indignation et la peur ; l’algorithme pousse ces contenus pour garder les gens connectés et pousse En fait fausses informations. Et évidemment, la situation serait pire si l’on abandonnait la vérification journalistique des faits », souligne-t-il.

L’exemple de 6 janvier

Suite à l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021, le Washington Post a relayé une enquête (réalisée en décembre 2023) qui a donné matière à réflexion. Il a révélé que 25 % des personnes interrogées pensaient qu’il était « tout à fait » ou « probablement » vrai que des agents du FBI avaient organisé et encouragé l’attaque contre le Capitole. 26 % n’étaient pas sûrs.

Au lendemain de l’attentat du 6 janvier, David A. Graham, journaliste à L’Atlantiquea écrit, dans un élan prémonitoire : « Souvenez-vous de la tentative de coup d’État d’hier au Capitole américain. Très bientôt, quelqu’un pourrait essayer de vous convaincre que c’est différent.

En choisissant de jouer le jeu de la désinformation sur ses réseaux, Zuckerberg ouvre les vannes et instaure une révolution numérique qui pourrait encore fracturer le débat et ébranler une démocratie déjà fragile.

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