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que sait-on du Syrien présenté comme prisonnier du régime libéré devant la caméra de CNN ?

« Au cours de mes près de vingt ans de carrière de journaliste, ce fut l’un des moments les plus extraordinaires dont j’ai été témoin »a commenté la journaliste Clarissa Ward sur “prison secrète” de Bachar al-Assad, le dictateur destitué trois jours plus tôt.

Une séquence très vite entachée par des soupçons de mise en scène. « Impressionné par la performance digne d’un Oscar de Clarissa Ward de CNN »se moque d’un utilisateur sur X. « Elle est déterminée à se mettre au centre de chaque histoire qu’elle couvre »critique un autre, sur le même réseau social. Selon le site syrien de vérification des faits Verify-Sy, membre du Réseau international de vérification des faits (IFCN), le prisonnier pourrait bien être un ancien lieutenant des services secrets syriens. L’enquête, publiée dimanche 15 décembre, s’appuie sur des témoignages de familles de victimes et d’anciens détenus.

La scène filmée par CNN se déroule à Damas, dans une prison secrète des services de renseignement de l’armée de l’air syrienne, où se déroulait un entraînement. « la surveillance, l’arrestation et l’assassinat de tous les critiques du régime »selon le journaliste. Clarissa Ward accompagne un rebelle armé, à la recherche de son collègue Austin Tice, kidnappé en 2012. Les lieux semblent déserts, à l’exception d’une cellule verrouillée. Après avoir brisé la serrure, l’équipe tombe sur un homme caché sous une couverture noire.

Il se lève, les mains en l’air, et déclare aussitôt qu’il est “un civil”originaire de la ville de Homs. L’homme semble sous le choc, saisit le bras du journaliste, montre des tremblements. « La Syrie est libre »lui fait connaître son libérateur. Il serait resté en cellule pendant trois mois et aurait été ballotté dans trois prisons différentes, selon le commentaire du journaliste, qui rapporte les propos de l’ex-détenu.

L’homme dit s’appeler Adil Hurbal et affirme avoir été arrêté à son domicile et interrogé par des agents de la direction des renseignements militaires sur ses contacts téléphoniques. L’homme a finalement été évacué par une ambulance du Croissant-Rouge. “C’est la fin d’un chapitre très sombre pour lui et pour toute la Syrie”commente Clarissa Ward dans le rapport.

Mais l’enquête de Verify-Sy met à mal la version du prisonnier. Le site syrien de fact-checking relève plusieurs détails incohérents : le prisonnier affirme être incarcéré depuis trois mois, mais ne semble pas ébloui lorsqu’il regarde le ciel en sortant. L’homme oscille entre tremblements et moments de calme. Malgré les conditions extrêmes de détention dans les prisons secrètes, il semble « propre, soigné et en bonne santé physique, sans blessures visibles ni signes de torture. » Il était également le seul détenu dans une prison vide.

Selon les médias syriens, aucune personne nommée « Adil Hurbal » n’apparaît dans les archives publiques. Le vrai nom de l’homme est « Salama Mohammad Salama », également connu sous le nom de « Abou Hamza », premier lieutenant des services de renseignement de l’armée de l’air syrienne, selon Verify-Sy. L’officier contrôlait l’entrée ouest de la zone, selon les habitants du quartier d’Al-Bayadah à Homs. Il aurait également été impliqué dans « vols, extorsions et manœuvres visant à contraindre les habitants à devenir informateurs »poursuit le site syrien. Alors comment s’est-il retrouvé derrière les barreaux ?

Selon des résidents locaux interrogés par Verify-Sy, il a eu un différend avec un officier supérieur au sujet d’un « partage des bénéfices des fonds extorqués ». D’autres accusations, plus graves, pèsent sur l’ancien officier du régime de Bachar al-Assad. Il est soupçonné d’avoir participé à des opérations militaires sur plusieurs fronts à Homs en 2014, tué des civils et arrêté et tué de jeunes hommes dans la ville sans motif ou pour des motifs fabriqués de toutes pièces. Certains auraient simplement refusé de coopérer ou de verser des pots-de-vin. Des allégations corroborées auprès des médias syriens par les familles des victimes.

Depuis la polémique, la journaliste Clarissa Ward n’a pas réagi publiquement. En revanche, sa chaîne de télévision a communiqué, démentant toute mise en scène. « Personne, à l’exception de l’équipe de CNN, n’était au courant de notre intention de visiter le bâtiment de la prison présenté dans notre reportage de ce jour-là. Les événements se sont déroulés tels qu’ils apparaissent dans notre film.a déclaré un porte-parole de CNN, contacté lundi par franceinfo.

« Nous avons ensuite enquêté sur ses antécédents et nous savons qu’il a peut-être donné une fausse identité. Nous poursuivons notre reportage sur cette affaire et sur [la situation en Syrie depuis la chute du régime Assad] plus généralement. »

Un porte-parole de CNN

sur franceinfo

Première journaliste occidentale à arriver dans la bande de Gaza en octobre 2023, Clarissa Ward a déjà été critiquée pour son sensationnalisme. Elle a été accusée de s’être représentée dans un reportage lors d’une attaque à la roquette près de la frontière israélo-palestinienne. Selon l’Associated Press, les accusations reposaient sur une vidéo trompeuse partagée sur X, dont l’audio avait été falsifié pour donner l’impression que le caméraman de CNN recevait des instructions. Le rapport original ne contenait aucune instruction de tournage.

 
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