Six mois après la dissolution surprise et les élections législatives anticipées, l’Assemblée nationale française s’apprête mercredi à censurer le gouvernement de Michel Barnier, aggravant la crise politique dans laquelle est plongé le pays, toujours sans budget.
A partir de 16h00, les députés examineront deux motions de censure déposées respectivement par l’alliance de gauche et l’extrême droite pour faire tomber le Premier ministre. La censure gouvernementale serait une première en France depuis 1962.
Le suspense est limité, les deux blocs réunissant plus que la majorité des voix nécessaire. Et le sort de Michel Barnier, vétéran de la droite française de 73 ans, ancien négociateur du Brexit, semble scellé trois mois seulement après son arrivée à Matignon.
Les deux motions ont été déposées après que le Premier ministre a déclenché mardi l’article 49.3 de la Constitution, permettant l’adoption d’un texte sans vote sur le budget de la sécurité sociale.
Une décision prise au terme de plusieurs jours d’âpres négociations budgétaires, au cours desquelles il a cédé à plusieurs revendications de l’extrême droite, l’arbitre du match, qui en redemandait toujours.
Le leader du Rassemblement national (RN, extrême droite) Jordan Bardella a réitéré mercredi sur la radio publique France Inter son opposition à “un budget dangereux pour la croissance et le pouvoir d’achat”. Il a également dénoncé « une stratégie de la peur » de la part de l’exécutif, qui brandit depuis plusieurs jours la menace d’une crise budgétaire en cas de renversement du gouvernement.
Face au scénario qui semble inéluctable, Michel Barnier a appelé mardi soir à la télévision à la « responsabilité » des députés pour éviter la censure, dans « le plus grand intérêt du pays ».
Depuis Riyad, le président Emmanuel Macron, dont la décision de dissoudre l’Assemblée nationale en juin a plongé le pays dans la crise, a affirmé de son côté qu’il ne pouvait « pas croire au vote de censure » du gouvernement.
Des mois de crise
Le chef de l’Etat a appelé à “ne pas effrayer les gens” en évoquant un risque de crise financière. Mais Michel Barnier a de son côté répété que la censure rendrait « tout plus difficile et plus grave », alors que les signaux sont déjà, selon lui, rouges sur les plans budgétaire, financier, économique et social.
Attendu à 6,1% du PIB en 2024, bien supérieur aux 4,4% prévus pour l’automne 2023, le déficit public manquerait son objectif de 5% en l’absence de budget, et l’incertitude politique pèserait sur le coût de la dette et la croissance.
Cette probable censure fait suite à des mois de crise, déclenchés par la dissolution de l’Assemblée nationale après la déroute du camp présidentiel aux élections européennes face à l’extrême droite.
Les élections législatives anticipées ont abouti à la formation d’une assemblée fracturée en trois blocs (alliance de la gauche, des macronistes et de la droite, extrême droite), dont aucun ne dispose de majorité absolue.
Et après ?
En cas de censure, il appartiendra à Emmanuel Macron, élu en 2017 et réélu en 2022, de nommer un nouveau Premier ministre. Il lui aura fallu près de 50 jours pour nommer M. Barnier le 5 septembre, après bien des rebondissements et des polémiques.
L’alliance de gauche, force dirigeante de l’Assemblée, est désunie après Barnier. Le Parti socialiste souhaiterait “un gouvernement de gauche ouvert au compromis”, mais son patron Olivier Faure s’oppose à la nomination, autrefois envisagée par M. Macron, de l’ancien ministre socialiste de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.
De son côté, la gauche radicale continue de réclamer, en vase clos, la démission d’Emmanuel Macron.
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