(Paris) Moins de six mois après le coup massif de dissolution, l’Assemblée nationale française s’apprête à censurer mercredi le gouvernement de Michel Barnier, un geste inédit depuis 1962 qui plongerait le pays dans une grande incertitude politique et budgétaire.
Publié à 14h14
Mis à jour à 22h05
Boris BACHORZ
Agence France-Presse
Le suspense semble limité sur le papier : la censure du gouvernement de M. Barnier, vétéran de la droite française de 73 ans, est déjà demandée par une large majorité de députés de gauche et d’extrême droite, avant même le débat prévu. à partir de 10 heures (heure de l’Est), et le vote est attendu vers 18 heures ou 14 heures (heure de l’Est).
Les deux motions de censure déposées par l’opposition de gauche (Nouveau Front populaire) et d’extrême droite (Rassemblement national et ses alliés) sont soutenues par 325 députés, bien plus que les 288 nécessaires pour faire tomber le gouvernement, qui ne s’est pas produit en France depuis 1962.
Un “réflexe de responsabilité” des députés est cependant “possible” pour éviter la censure de l’exécutif, dans “le meilleur intérêt du pays”, a espéré mardi soir Michel Barnier, interrogé sur deux chaînes de télévision.
Le président Emmanuel Macron, en déplacement en Arabie Saoudite, a de son côté affirmé qu’il ne pouvait « croire au vote de censure » du gouvernement, ajoutant que renverser l’exécutif serait « une dissolution des esprits ».
Cette éventuelle censure fait suite à des mois d’une vie politique mouvementée, entamée par la dissolution de l’Assemblée nationale décidée en juin par le chef de l’Etat, après des élections européennes qui avaient acté la déroute de ses troupes face à l’extrême droite.
S’ensuivent de longues discussions aboutissant à un gouvernement fragile de droite et de centre, où la gauche représente la première force à la chambre basse, devant le centre macroniste et l’extrême droite, sans qu’aucune de ces forces ne dispose de majorité.
La gauche, dénonçant un « hold-up électoral », avait déjà présenté début octobre une motion de censure, sur laquelle l’extrême droite avait refusé de se prononcer, permettant au gouvernement de survivre.
Budget « punitif »
“Censurer ce budget est malheureusement le seul moyen que nous donne la Constitution pour protéger les Français d’un budget dangereux, injuste et punitif”, a pourtant justifié mardi Marine Le Pen, à qui le Premier ministre a tenté, en vain, de parvenir à la neutralité lors d’un vote relatif aux dépenses de santé et de retraite.
Candidat trois fois malheureux à l’élection présidentielle, Mmoi Le Pen a les yeux rivés sur la prochaine élection présidentielle prévue en 2027. Mais son destin politique est suspendu à une décision de justice attendue le 31 mars : elle risque une peine de cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat pour détournement de fonds du Parlement européen. au profit de son parti.
En cas de censure, il appartiendrait à M. Macron, élu en 2017 et réélu en 2022, de nommer un nouveau Premier ministre. Il lui aura fallu près de 50 jours pour nommer M. Barnier le 5 septembre, après bien des rebondissements et des polémiques.
Cette instabilité politique explique en partie la nervosité des marchés, dans un contexte d’endettement lourd: le taux d’emprunt à 10 ans de la France est même passé très brièvement au-dessus de celui de la Grèce, traditionnellement mauvais élève en la matière dans l’UE mercredi dernier.
Le gouvernement français risque de tomber pour avoir prévu 60 milliards d’économies dans son projet de budget 2025. Son objectif est de réduire le déficit public rapporté au PIB d’abord à environ 5% – contre 6,1% en 2024 –, puis en dessous du plafond européen autorisé de 3% en 2029.
Cette nouvelle crise politique intervient juste avant la réouverture ce week-end de la cathédrale Notre-Dame de Paris, cinq ans après son incendie le 15 avril 2019, avec de nombreuses personnalités attendues, dont le président élu américain Donald Trump. La France disposait déjà d’un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes lorsqu’elle a accueilli les Jeux olympiques l’été dernier.
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