Un cinquième et dernier cycle de négociations du comité de l’ONU s’ouvre lundi à Busan, en Corée du Sud. Un texte fort doit nécessairement entériner la réduction de la production de plastique à l’échelle mondiale, selon la « coalition des hautes ambitions », dont fait partie la France.
La communauté internationale parviendra-t-elle à s’entendre pour lutter contre la pollution plastique ? La question se pose alors qu’un cinquième et dernier round de discussions s’ouvre à Busan, en Corée du Sud, lundi 25 novembre. A l’occasion de cet événement qui rassemble 175 pays, franceinfo présente les enjeux de cette ultime session du comité de l’ONU dédiée à cette question. . Le défi à relever est de taille : les plastiques représentent une telle menace pour l’environnement, la biodiversité et la santé humaine que les chercheurs considèrent que la « limite planétaire » relative à la pollution plastique et chimique aura été dépassée en 2022.
Deux camps s’opposent : l’un pour ralentir la production, l’autre pour la poursuivre
Deux camps se dessinent. D’un côté, les pays qui souhaitent un texte final, juridiquement contraignant, avec une formulation claire et stricte sur la réduction de la production de plastique à l’échelle mondiale. De l’autre, une grande partie des pays producteurs de pétrole, qui préfèrent des objectifs moins contraignants et un certain flou leur permettant de produire davantage de plastiques.
La France fait partie de la « coalition des hautes ambitions ». Derrière ce nom, on retrouve un regroupement de pays œuvrant pour mettre fin à la pollution plastique d’ici 2040, expliquait le ministère de l’Ecologie en mai 2023. Cette coalition s’est étoffée au fil des mois, passant de 25 pays à une cinquantaine, pour en compter aujourd’hui environ 75. , estime le député MoDem Philippe Bolo, membre de la délégation française, auprès de franceinfo. Aux côtés de la France, on retrouve dans ce groupe co-présidé par la Norvège et le Rwanda des pays comme l’Allemagne, le Sénégal et le Pérou. Tous ont également des objectifs d’utilisation rationnelle des plastiques, de réduction des produits chimiques problématiques ou du principe du pollueur-payeur, comme le présente le Secrétariat d’État à la Mer.
De l’autre côté, les pays producteurs de pétrole et les compagnies pétrolières voient dans le plastique un moyen de reconversion. Car si les énergies fossiles et les moteurs thermiques des véhicules sont remis en cause et risquent de perdre du terrain au profit de l’électricité, les plastiques ont le vent en poupe. Aujourd’hui, environ 460 millions de tonnes sont produites dans le monde, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans. Et la production devrait tripler d’ici 2060, selon les projections de l’OCDE. Les multinationales pétrolières investissent déjà des dizaines de milliards de dollars dans ce sens aux Etats-Unis. Parmi les États qui soutiennent cette production figurent ceux du Golfe, menés par l’Arabie Saoudite, mais aussi la Russie, l’Inde, l’Iran et le Brésil.
Les pays exportateurs de pétrole font pression pour améliorer la transformation des plastiques
Les pays qui souhaitent réduire la production de plastique sont confrontés à un lobbying intense de la part des exportateurs de pétrole et des entreprises du secteur. L’argument de ce dernier minimise l’impact de la production et met l’accent sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques, notamment en améliorant la collecte et le recyclage. En réalité, les nations qui souhaitent un texte ambitieux partagent une vision qui englobe déjà cette approche. Sylvie Lemmet, ambassadrice chargée de l’Environnement au ministère des Affaires étrangères, a expliqué, dès 2022, la ligne de pensée du “coalition de haute ambition », avec le principe de « 3R : réduire, réutiliser, recycler ».
Actuellement, seulement 9 % des plastiques mis en circulation finissent recyclés, selon l’OCDE. Dans ce contexte, le député centriste Philippe Bolo, membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, juge insuffisant de promouvoir la transformation des plastiques sans réduire leur production. D’autant que la France est en retard dans le traitement de ses déchets plastiques, et a payé à ce titre 1,5 milliard d’euros d’amende à l’Union européenne en 2023. « Même dans un pays comme la France, où la gestion des déchets est bien mise en œuvre, on rencontre des problèmes de pollution liés aux plastiques. Donc pour les pays qui n’ont pas l’infrastructure que nous pouvons avoir, c’est encore plus problématique »souligne l’élu de Maine-et-Loire.
Un texte fort doit mentionner une baisse de la production, selon la France et ses alliés
La mesure la plus importante doit concerner la réduction de la production de plastique, conviennent plusieurs scientifiques faisant partie de la délégation française à Busan sur franceinfo. « Le monde, la nature, les humains et même nos systèmes financiers ne seront pas en mesure d’absorber l’augmentation attendue de la production de plastique, qui est en réalité un mur. »prévient Fabienne Lagarde, chercheuse en écotoxicologie marine au CNRS. « Tous les modèles montrent que nous ne pourrons pas limiter la pollution plastique dans l’environnement si nous ne réduisons pas la production »confirme Marie-France Dignac, chercheuse àInstitut National de Recherche sur l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE).
Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, résumait fin octobre la position de la France, en marge de la COP16 biodiversité en Colombie : « L’utilisation du plastique, si nous ne faisons rien, triplera d’ici 2060 : il n’est pas nécessaire d’avoir fait de nombreuses études scientifiques pour comprendre que, même en devenant champions du recyclage et de la collecte des déchets, nous ne résoudrons pas le problème de la pollution plastique. si nous ne réduisons pas l’utilisation et la production de plastique vierge.
L’accord sur un texte est incertain
Les signaux en faveur d’un texte ambitieux ne sont guère encourageants. Alors que la première session de négociations a eu lieu en novembre 2022, la directrice du Programme des Nations unies pour l’environnement, Inger Andersen, a laissé entendre fin septembre que les positions de chaque partie étaient encore éloignées. Même si« Il y a certains domaines dans lesquels je pense que nous commençons à voir une convergence »elle s’est glissée en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, près de deux ans après le début des discussions.
L’objectif de réduire la production de plastique risque d’être abandonné. « L’aspect production sera difficile à intégrer dans le traité» a reconnu sur franceinfo Marie-France Dignac, de l’INRAE, en octobre. Il a été mis de côté dans les discussions intersessions car trop bloquant pour certains pays, ce que d’autres ont regretté.» Une forte incertitude régnait encore à quelques jours de l’ouverture du cycle de Busan. Un texte de 70 pages a été partagé fin octobre avec les parties prenantes par le diplomate équatorien Luis Vayas Valdivieso, président du comité de négociation de l’ONU. Mais ce document, qui doit servir de base aux négociations de cette dernière session, ne convainc ni la France ni ses partenaires.
« Nous avons été déçus par ce journal. Il ne mentionne pas la nécessaire réduction de la production »» reconnaît l’entourage du ministre de la Transition écologique. Ce projet évoque le « production durable »une expression jugée trop imprécise par Paris. « La délégation française se battra à Busan pour obtenir une mention de la réduction, si possible chiffrée. Et si cela n’est pas possible, au moins le principe d’une réduction”assure l’entourage du ministre. Anticiper les négociations “difficile”cette Source n’exclut pas la possibilité que les pays quittent Busan sans accord.
“Nous ne nous retenons pas du tout de refuser un accord qui ne serait pas assez ambitieux sur la réduction de la production, qui est une priorité forte pour la France.”
L’entourage de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runachersur franceinfo
« Peut-être que le mot « réduction » peut faire peur »concède la chercheuse Fabienne Lagarde, en soutenant qu’il faut toutefois « marque un tournant dans cette hausse continue » de la production de matières plastiques. Du côté du ministère de la Transition écologique, on affiche sa fermeté. Si le “créativité” autour de la langue peut être demandée lors des négociations internationales, elle a aussi ses « limites »nous tonnons. Il y a quelques semaines, les observateurs anticipaient une éventuelle séance supplémentaire de discussions. Ce scénario reste plausible.
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