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Un monde de solutions | Des boîtes mail pour libérer la voix des enfants victimes

(Limeil-Brévannes, ) En 2020, l’association française Les Papillons a lancé une boîte aux lettres spéciale. Installé dans les écoles des communes qui le souhaitent, il offre un espace confidentiel permettant aux enfants de signaler les actes de violences ou de harcèlement dont ils sont victimes. A Limeil-Brévannes, près de Paris, le système fait déjà ses preuves.

Lola Breton

Collaboration spéciale

Au fond de la salle polyvalente, juste à côté des escaliers qui mènent à la cantine, une boîte aux lettres est apparue il y a quelques mois. Des papillons verts et bleus l’ornent discrètement. Les 120 élèves de l’école Piard de Limeil-Brévannes y passent chaque jour. Certaines personnes trouvent parfois le courage de saisir une feuille de papier et un crayon posés à proximité pour écrire un mot. Le coffret recueille leurs paroles, leurs secrets, leurs peurs.

Les boîtes aux lettres Papillons, installées dans certaines écoles et clubs sportifs en France, ne sont pas ordinaires. Pas question d’y recevoir des factures ou des cartes postales. Créés par l’association Les Papillons et son fondateur, Laurent Boyet, victime d’inceste dans son enfance, ils sont « le seul objet concret qui existe en matière de protection de l’enfance », affirme-t-il.

Conflits entre camarades de classe, harcèlement scolaire, inceste ou violence domestique. Tous les mots sont acceptés. Tous les mots sont lus.

En septembre dernier, un septuagénaire a été condamné par un tribunal correctionnel à 12 ans de prison dans l’Ain, pour avoir violé trois de ses petites-filles. L’une d’elles, Lily, avait tiré la sonnette d’alarme en 2022. À 10 ans, elle avait écrit un mot glissé dans une boîte aux lettres Papillons à l’école : “Il a mis son bas dans ma partie du duvet, et j’ai essayé de m’enfuir”. , mais je ne pouvais pas. » Une enquête a été immédiatement ouverte. « La boîte aux lettres lui a vraiment permis de se libérer de ce poids », expliquait Emily, la mère de Lily, dans un entretien à Brut le 9 octobre. « Il a sauvé ma fille. Ce sont les boîtes aux lettres Papillons, mais c’est Laurent qui a vécu tout ça et c’est grâce à lui que l’association existe. »

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PHOTO LOLA BRETON, COLLABORATION SPÉCIALE

Des fiches où les enfants peuvent noter leurs informations personnelles et se confier sont mises à leur disposition à côté des boîtes aux lettres Papillons.

Si les psychologues de l’association – à qui les écoles envoient des lettres deux fois par semaine – ont pu retrouver Lily et faire un signalement éclairé à la justice française, c’est grâce aux fiches placées à côté des boîtes aux lettres. Ils permettent aux enfants d’écrire leur nom, prénom, âge et l’identité de leur agresseur avant d’écrire ce qui les gêne dans l’espace prévu à cet effet.

« La moitié des mots traitent du harcèlement scolaire ou des incivilités entre enfants », explique Laurent Boyet. Environ 20% font état de violences physiques au sein de la famille, 13% de violences sexuelles, 3% de violences psychologiques. Les autres mots dénoncent par exemple des insultes homophobes ou racistes. Cela donne un véritable aperçu de ce que vivent les enfants. »

A Limeil-Brévannes, « les courriers concernent actuellement principalement des conflits entre étudiants. Mais il est important de revenir sur ce qui a été écrit et de discuter avec les élèves pour désamorcer et savoir ce que l’enfant attend de nous dans cette situation », explique Myriam Petit, responsable du service scolaire et périscolaire. Même lorsque les confidences des enfants ne sont pas justes ou paraissent anodines aux yeux des adultes, les conseillers prennent le temps d’en parler. “C’est important de montrer aux enfants qu’on a bien lu leurs mots”, estime Laurent Boyet.

Porte grande ouverte pour le Québec

Sur la commune du Val-de-Marne, deux écoles élémentaires ont déjà reçu leur box, les cinq autres rejoindront le mouvement dans les prochains mois. C’est Peggy Trony, adjointe au maire chargée des affaires scolaires et périscolaires de Limeil-Brévannes, qui a lancé le projet.

L’installation du dispositif se fait à la discrétion des communes, sous accord avec l’association Les Papillons, moyennant quelques centaines d’euros par an. Trois cents boîtes mail ont déjà été déployées en France, après quatre ans d’existence.

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PHOTO LOLA BRETON, COLLABORATION SPÉCIALE

Peggy Trony, adjointe au maire chargée des affaires scolaires et périscolaires de Limeil-Brévannes

Les villes ont un rôle auprès des enfants ! Si nous ne comprenons pas ces choses, nous passons à côté de quelque chose !

Peggy Trony, adjointe au maire chargée des affaires scolaires et périscolaires de Limeil-Brévannes

L’adjoint au maire tente de convaincre les collèges de la ville de franchir le pas à leur tour. Laurent Boyet voit plus loin. S’il espère que ses boîtes mail se multiplient en France, il est également prêt à déployer l’outil à l’étranger. « Nous pouvons gérer tout ce qui concerne les pays francophones depuis notre siège », assure-t-il. La porte est grande ouverte pour le Québec.

Pour « soutenir une parole libérée », l’association a ouvert fin septembre sa première Maison Papillons, dans la banlieue de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Laurent Boyet sait bien que la lutte contre les violences faites aux enfants ne s’arrête pas à la parole des jeunes. Ils ont alors besoin d’un soutien psychologique et parfois juridique. C’est dans cette maison, en personne ou par visioconférence, que les enfants et leurs parents peuvent désormais retrouver ces précieuses ressources.

A l’école primaire Piard, la boîte fait désormais partie du paysage. Les enfants en ont été sensibilisés, en petits groupes, par les animateurs périscolaires, piliers du déploiement du dispositif. Soulaymane Barry en est le responsable : « Les plus grands ont bien compris. Pour les plus jeunes, en CP et CE1 [l’équivalent de la 1re et de la 2année]c’est plus difficile parce qu’ils n’ont pas encore forcément compris comment mettre des mots sur ce qu’ils ressentent. » Pour Soulaymane Barry et son équipe, la boîte aux lettres des Papillons a déjà changé les choses : « Il y a déjà un climat de confiance, mais savoir qu’il y a la boîte aux lettres peut garantir une autre forme de sécurité. Pour nous, c’est aussi un soutien supplémentaire. Beaucoup d’enfants se confient aux adultes, mais l’information ne revient pas forcément. Là, ils laissent une trace. »

 
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