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«Zones bleues» | Ces endroits où l’on vit jusqu’à 100 ans… ou presque

On a beaucoup parlé des « zones bleues », ces lieux où les gens vivent plus longtemps. Ils ont même fait l’objet d’une série sur Netflix (100 ans de plénitude : les secrets des zones bleues). Un chercheur britannique s’interroge cependant sur leur légitimité. A-t-il raison ?

Les montagnes de Sardaigne, Okinawa au Japon, Loma Linda aux États-Unis, Nicoya à l’est du Costa Rica, l’île grecque d’Ikaria dans la mer Égée.

Ces cinq lieux, considérés comme « zones bleues », comptent un nombre exceptionnel de centenaires. Mais selon Saul Newman, biologiste à l’Université d’Oxford, ces zones sont plus susceptibles d’être des foyers de fraude et d’erreurs d’état civil.

“Ces lieux ont été identifiés sans considérer la possibilité que les centenaires aient assumé l’identité d’une personne plus âgée, ni même qu’il y ait eu des problèmes avec les actes de naissance”, explique M. Newman, prix Ig Nobel pour “recherches improbables”. » pour ses efforts.

M. Newman cite comme exemples les taux élevés de criminalité et de suicide en Sardaigne, le tabagisme répandu à Ikaria et les mauvaises habitudes alimentaires à Okinawa.

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PHOTO FOURNIE PAR SAUL NEWMAN

Saul Newman

Il est très facile de commettre des erreurs administratives concernant l’identité ou la date de naissance d’une personne. Nous savons aussi qu’en Italie, de nombreux cas de décès sont cachés pour que les chèques de retraite continuent d’affluer.

Saul Newman, biologiste à l’Université d’Oxford

À Okinawa, la plupart des actes de naissance ont été détruits pendant la Seconde Guerre mondiale. Les autorités d’occupation américaines ont ensuite recréé ces documents, selon les souvenirs des habitants. «C’est très peu fiable», note M. Newman.

Cinq zones bleues… ou deux ?

Le journaliste et homme d’affaires Dan Buettner, qui a fondé une société de conseil basée sur le concept de zone bleue, ne donne pas d’interview sur les critiques de M. Newman.

Mais cinq spécialistes de l’identification des centenaires, interrogés par La presseattaquer l’approche de M. Newman, même s’ils admettent qu’il a parfois raison.

« Cela fait quatre ans que Newman cherche à publier son étude », explique le démographe Michel Poulain, de l’Université catholique de Louvain, en Belgique, qui, avec l’épidémiologiste Giovanni Pes, de l’Université de Sassari, a utilisé pour la première fois le terme « zone bleue ». pour décrire une demi-douzaine de villages du centre de l’île de Sardaigne.

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PHOTO PRISE SUR LE SITE DE RECHERCHE DE MICHEL POULAIN

Michel Poulain avec la centenaire martiniquaise Léonise d’Anse d’Arlet

M. Poulain a mis en place un site de recherche scientifique sur les zones bleues, distinct de celui de M. Buettner.

M. Poulain estime qu’il n’existe que deux zones bleues dans le monde, en Sardaigne et en Martinique. « A Okinawa, il y a le problème de la fiabilité des registres d’état civil, et aussi l’abandon du régime alimentaire traditionnel d’Okinawa pour celui des États-Unis, pour ceux qui ont grandi après 1945. A Nicoya, il y a un changement dans les habitudes alimentaires néfastes. qui garantissent que la longévité n’est plus exceptionnelle. Et je ne suis pas allé à Ikaria récemment pour valider qu’il s’agit bien d’une zone bleue. »

Quant à Loma Linda, une banlieue reculée de Los Angeles, la présence d’une université adventiste explique son inclusion.

Les communautés religieuses sont connues pour leur extrême longévité, mais les enseignements de leur mode de vie ne sont pas applicables au reste de la population.

Démographe Michel Poulain, de l’Université catholique de Louvain, Belgique

La vérification en Sardaigne a été exhaustive, affirme le Dr PES. « Nous avons réalisé les arbres généalogiques de villages entiers », souligne-t-il. Nous avons ainsi détecté qu’une personne avait été mêlée à sa sœur décédée en bas âge, ce qui lui faisait 107 ans au lieu de 110 ans à sa mort. »

Le chercheur sarde estime que seule la Sardaigne mérite la désignation de zone bleue, car il n’a pas vérifié les analyses de M. Poulain en Martinique et partage son analyse pour Okinawa, Nicoya et Loma Linda. Quant à Icaria, le Dr Pes estime qu’avec seulement 8 000 habitants, l’île est trop peu peuplée pour réaliser des analyses statistiques.

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    PHOTO PRISE SUR LE SITE DE RECHERCHE DE MICHEL POULAIN

    Les personnes nées avant 1945 sur l’île japonaise d’Okinawa auraient une longévité exceptionnelle.

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    PHOTO PRISE SUR LE SITE DE RECHERCHE DE MICHEL POULAIN

    Un village de montagne à la longévité exceptionnelle en Sardaigne

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    PHOTO PRISE SUR LE SITE DE RECHERCHE DE MICHEL POULAIN

    L’île grecque d’Ikaria, proche de la Turquie, était considérée comme zone bleue.

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    PHOTO PRISE SUR LE SITE DE RECHERCHE DE MICHEL POULAIN

    On dit que les Martiniquais de souche ont une longévité exceptionnelle.

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    PHOTO PRISE SUR LE SITE WEB DE L’OFFICE DE TOURISME DU COSTA RICA

    Les habitants de la péninsule de Nicoya, au Costa Rica, avaient auparavant une longévité exceptionnelle, mais les changements de mode de vie ont miné leur santé.

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« Certaines années, il n’y a pas de centenaires à Ikaria. »

Difficile de prouver

Vérifier l’âge réel des prétendus centenaires n’est pas facile à faire, confirme le démographe Bertrand Desjardins de l’Université de Montréal. « Avec l’immigration, nous avons souvent des gens qui viennent de pays où les actes de naissance sont moins fiables. Les médias rapportent qu’une certaine personne a cent ans, mais cela n’est pas vérifié. »

Le démographe cite un exemple bien connu : la Géorgie, pays d’origine de l’ancien homme d’État soviétique Joseph Staline. Cette région avait une excellente réputation de longévité, mais c’était parce que les hommes d’âge moyen exagéraient leur âge pour éviter la conscription.

M. Desjardins estime que les critiques de M. Newman sont trop larges. «Il ignore le sérieux des analyses des démographes. »

Limite d’âge et immigration

M. Newman, qui fait également des recherches en biologie végétale, toujours en utilisant des approches statistiques, reconnaît que son étude n’a pas encore été acceptée par une revue dotée d’un comité de révision (examen par les pairs). Mais il note que deux de ses précédentes études sur la longévité exceptionnelle ont été, dans des revues scientifiques PLoS Biologie et 000Recherche. Dans les deux cas, il s’agissait de critiques d’erreurs statistiques dans des études antérieures modélisant la limite théorique de la longévité humaine.

Le domaine des études centenaires est également jonché d’allégations peu crédibles, souligne-t-il. « Aux États-Unis, le nombre de centenaires a diminué de moitié lorsqu’un état civil fédéral a été instauré en 1910. Et en Grande-Bretagne, le comté qui compte le plus de centenaires est très pauvre et compte de nombreux immigrants venus des Caraïbes. On peut imaginer qu’il y a 100 ans, il y avait plus de possibilités d’erreurs d’état civil sur ces îles. »

Vers des mesures biologiques

Pour avoir une image précise des régions comptant le plus de centenaires dans les différents pays du monde, M. Newman estime que des mesures biologiques seront nécessaires. « De cette façon, nous nous affranchirons des risques de fraude ou d’erreur d’état civil, ou de substitution de personnes. »

La méthode la plus prometteuse, dit-il, est la « méthylation de l’ADN », une dégradation du matériel génétique humain au cours de la vie. Son inventeur, Steve Horvath, de l’Université de Californie à Los Angeles, affirme avoir validé cette « horloge épigénétique » auprès de centenaires et de « supercentenaires », âgés de plus de 110 ans.

«Je trouve les travaux de Newman sur les zones bleues très intéressants», commente M. Horvath. Il précise que son horloge épigénétique peut faire la différence entre une personne de 120 ans et une personne de 100 ans, mais pas entre une personne de 120 ans et une personne de 115 ans.

M. Newman mentionne également deux autres méthodes de calcul biologique de l’âge : le calcul de la dégradation radioactive du cristallin et une analyse sophistiquée appelée « racémisation » des acides aminés des dents.

Regardez la bande-annonce de la série Blue Zones

Consulter une base de données de centenaires dont les âges ont été vérifiés par les démographes

Apprendre encore plus

  • 107 ans
    Âge auquel la plus âgée des Canadiennes nées avant 1861, Marie-Louise Plante, est décédée en 1832

    Source : Bertrand Desjardins

    117 ans
    Âge auquel la Canadienne la plus âgée née après 1861, Marie-Louise Fébronie Meilleur, est décédée en 1998

    Source : Bertrand Desjardins

 
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