Lorsqu’il se présente à la rédaction de Mondele 30 septembre, Ephrem Yalike Ngonzo semble rongé par l’anxiété. Son regard bouge, il cherche ses mots, son expression est saccadée. Ce journaliste centrafricain de 29 ans attend depuis des mois d’avoir bonne conscience. « J’ai contribué à maintenir mon pays dans le chaosil murmure. Aujourd’hui, j’ai envie de tout dénoncer pour réparer, me libérer de ma honte et de mes regrets. »
Pour venir à Paris, cet homme au bon caractère a dû fuir la Centrafrique et les menaces de mort de la compagnie militaire privée russe Wagner, désormais toute-puissante à Bangui. Ephrem Ngonzo est bien placé pour mesurer ce pouvoir, lui qui a été, pendant deux ans et demi, entre 2019 et 2022, chargé des relations entre les mercenaires et la presse locale. Autrement dit, de son propre aveu, l’homme du « désinformation » et « messages haineux ».
Il lui a fallu un an et demi pour échapper au système dont il était en quelque sorte devenu prisonnier. Il y est finalement parvenu avec l’aide de la Plateforme africaine de protection des lanceurs d’alerte. Pendant huit mois, Le Monde et ses partenaires internationaux, coordonnés par Forbidden Stories, un réseau de journalistes d’investigation créé en 2017 pour poursuivre le travail des journalistes réduits au silence, ont enquêté sur l’histoire de ce type particulier de « repentis » et, à travers elle, sur les manœuvres de Wagner en Centrafrique. , pays qui fut le laboratoire des techniques d’influence du groupe sur le continent africain.
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La vie d’Ephrem Ngonzo a basculé un matin de novembre 2019. Il était à l’époque le tout jeune rédacteur en chef de Potentiel centrafricainun média en ligne populaire dans le pays, lorsque son téléphone sonne. Son interlocuteur se présente comme membre de la « mission russe en Centrafrique », nom derrière lequel Wagner dissimule ses activités de communication depuis l’arrivée des premiers mercenaires en 2018.
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Rendez-vous est pris pour l’après-midi. Dans un café de Bangui, Ephrem Ngonzo découvre un Russe légèrement obèse, coiffé d’une casquette. Cet inconnu se présente sous le pseudo de « Micha » – pas question pour lui de dévoiler son identité. Le journaliste le trouve “très nerveux”. Il porte un pistolet à la ceinture. Sa proposition ? Une collaboration secrète.
Ce « Micha » si soucieux de son anonymat, Le monde et ses partenaires peuvent désormais révéler son nom : Mikhaïl Mikhaïlovitch Prudnikov. D’abord impliqué dans Nachi, un mouvement de jeunesse pro-Poutine, cet homme de 37 ans est l’un des dirigeants de la politologie centrafricaine, l’une des principales composantes du réseau de désinformation de Wagner sur le continent.
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