Il suffit de consulter la liste des premières nominations de Donald Trump pour s’en convaincre : le Parti républicain d’antan est mort. Il a été remplacé par le mouvement MAGA (pour Rendre sa grandeur à l’Amériquele slogan de la campagne Trump).
Il suffit aussi de voir ses premières décisions pour voir que les conflits d’intérêts ne pèseront pas lourd sur le 47e Président des Etats-Unis, et que la principale qualité recherchée chez tous ceux qui travailleront pour lui sera une loyauté sans faille.
De même, il suffit de regarder certaines de ses premières demandes à ses alliés pour comprendre que son serment de « préserver, protéger et défendre la Constitution » n’aurait pas beaucoup d’importance si la Constitution venait à contrecarrer d’une manière ou d’une autre les plans du président.
Il n’y a sans doute pas de plus grande démonstration de loyauté que de donner 150 millions de dollars à la campagne électorale de M. Trump, comme l’a fait Elon Musk, propriétaire de Tesla, SpaceX et du réseau social X.
En récompense, il a été nommé chef du « Département » de l’efficacité du gouvernement aux côtés d’un autre milliardaire, Vivek Ramaswamy, qui s’est brièvement présenté à la présidence avant de soutenir M. Trump. Un « ministère » qui d’ailleurs n’existe pas et ne sera pas formellement créé. En fait, il s’agit d’une sorte de commission d’enquête informelle.
Il n’y a aucune raison de croire que des milliardaires n’ayant pratiquement aucune expérience du secteur public seraient capables de déterminer quels services devraient être réduits ou abandonnés. Être l’homme le plus riche du monde ne vous confère aucune compétence particulière dans ces domaines.
Et étant donné que les deux hommes ont de nombreux contrats lucratifs avec le gouvernement américain, les possibilités de conflits d’intérêts sont très réelles et troublantes.
Les nouveaux membres du cabinet de M. Trump ont non seulement en commun une loyauté sans faille – notamment lors des deux tentatives d’impeachment lors de son premier mandat – mais aussi un antagonisme bien réel à l’égard des institutions pour lesquelles ils sont nommés.
Ainsi, Lee Zeldin, à la tête de l’Environmental Protection Agency, estime, comme M. Trump, que les réglementations doivent être considérablement réduites. Mais il faut surtout relancer l’industrie automobile et augmenter la production d’énergies fossiles.
Elise Stefanik, ambassadrice désignée auprès des Nations Unies – un poste ayant rang de ministre – a vertement dénoncé la « dépravation morale » de l’ONU.
Mike Waltz, son conseiller à la sécurité nationale, estime que la Chine est le plus grand ennemi des États-Unis. Il a d’ailleurs déjà utilisé les réseaux sociaux pour souhaiter la victoire de Pierre Poilievre face à Justin Trudeau.
Son chef de cabinet adjoint chargé de la politique, Stephen Miller, ainsi que Tom Homan, responsable des frontières, sont partisans de l’expulsion massive de tous les immigrants illégaux, sans même offrir de recours pour obtenir la citoyenneté américaine à ceux qui pourraient en profiter. M. Homan n’est pas un ami du Canada et a répété mercredi l’idée que des terroristes traversent notre frontière pour entrer aux États-Unis, un mensonge qui remonte aux attentats du 11 septembre 2001.
Le sénateur Marco Rubio sera nommé secrétaire d’État (ministre des Affaires étrangères). Plus modéré que Trump, il est toujours considéré comme « compatible MAGA », notamment en raison de son hostilité envers la Chine.
Le fidèle parmi les fidèles, Matt Gaetz, sera procureur général (ministre de la Justice). C’est l’homme qui a pris la tête de l’ancien président de la Chambre des représentants Kevin McCarthy, un républicain jugé trop modéré, avant de tenter de destituer Joe Biden.
Matt Gaetz a pour mandat de mettre fin à « l’instrumentalisation » du système judiciaire américain, a déclaré M. Trump, faisant craindre qu’il n’utilise en réalité ses pouvoirs pour poursuivre les ennemis du président. Une chose est sûre, avec M. Gaetz aux commandes, on peut craindre que l’État de droit devienne l’État MAGA.
Enfin, le manque d’intérêt de Trump à respecter la Constitution est devenu évident dès le lendemain de sa victoire. Il a ainsi demandé au Sénat – qui doit ratifier un grand nombre de nominations du président, y compris celles des membres de son cabinet – de renoncer à son pouvoir de confirmation.
L’équipe Trump utilisera plutôt la procédure permettant de faire des nominations sans approbation lorsque le Sénat ne siège pas. Tout cela même si la confirmation de ces nominations était assurée compte tenu de la majorité républicaine au Sénat. Peu de sénateurs républicains y ont vu une atteinte au principe de séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif.
Mais alors qu’il s’agit d’une des premières demandes du président élu au Congrès, il n’y a aucune raison d’être rassuré sur la volonté de la Maison Blanche de respecter les freins et contrepoids prévus par la Constitution.
M. Trump récompense également la loyauté en promettant de gracier les « patriotes » emprisonnés pour leur rôle dans l’émeute du 6 janvier 2021 au Capitole.
Ces personnes – condamnées par les tribunaux ordinaires – sont considérées comme des « otages » par M. Trump.
C’est aussi une autre des épreuves de loyauté du nouveau président : il voudrait oublier ce qui fut une insurrection visant à renverser le verdict des urnes pour lui rendre illégalement le pouvoir.
Il est facile, dans l’euphorie de la victoire – surtout lorsqu’il s’agit d’un retour aux affaires après avoir été rejeté par l’électorat – de penser que l’on pourra réécrire l’histoire.
M. Trump estime avoir trouvé la solution en encourageant la création d’un mouvement essentiellement basé sur la loyauté envers sa personne. Quitte à nuire au Parti républicain dans un avenir qui pourrait être plus proche qu’il ne le pense.
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