La plateforme n’a jamais souhaité ouvrir des négociations avec les éditeurs de presse français pour cette rémunération prévue par la loi. Une mesure similaire a été prise vendredi contre Microsoft.
Les éditeurs de presse repartent en bataille pour faire respecter leurs droits. Après l’annonce vendredi de la poursuite en justice de Microsoft par une cinquantaine de journaux français, et de LinkedIn par Le Figaro c’est au tour, ce mardi, de X d’être visé par des poursuites judiciaires. Les groupes Le Figaro, Le Monde (Le monde, télérama, L’Obs, Le Huffington Post, La vie), et Les Échos-Le Parisien ont assigné le réseau social en justice à Paris. Objectif : l’obliger à ouvrir enfin des négociations avec les éditeurs de presse français afin de leur verser une rémunération pour l’utilisation de leurs contenus au nom des droits voisins, une obligation depuis une directive européenne adoptée en 2019.
La multiplication des actions en justice ces derniers jours ne doit rien au hasard. Selon la loi française entrée en vigueur le 25 octobre 2019, les éditeurs ont le droit de réclamer jusqu’à cinq ans de retard. Depuis le 26 octobre 2024, chaque jour écoulé est donc un « journée perdue » dans le calcul de la rémunération — mais la citation interrompt cette prescription.
Lire aussi
Droits voisins : bras de fer entre Facebook et la presse belge
Les négociations entre la presse et les plateformes américaines sur les droits voisins ont toujours été conflictuelles. Ceux avec X sont inexistants, le réseau social refusant d’engager des discussions malgré de nombreuses relances. En fait, il estime ne pas être soumis à cette loi : ce sont ses utilisateurs qui partagent des liens vers des articles de presse, et non lui-même. « L’utilisation du contenu produit par notre 700 journalistes doivent être soumis à une rémunération au titre de la directive droits voisins. X, comme les autres plateformes qui génèrent du trafic et des revenus grâce à notre contenu, doit s’y conformer. Il s’agit de sauvegarder une information de qualité, véritable fondement de notre démocratie. »declares Pierre Louette, CEO of the Les Échos-Le Parisien group.
Une décision de justice restée sans réponse
Cette situation a conduit Le Figaro, Le Monde et Les Échos-Le Parisien, tout comme l’AFP, à assigner X en justice une première fois en 2023. Cette action en référé a été couronnée de succès judiciaire. En mai dernier, le juge a ordonné au réseau social de transmettre aux médias dans un délai de deux mois les informations nécessaires au calcul des sommes dues : nombre de vues et taux de clics de leurs publications, montant des recettes publicitaires de X en France, explications sur le fonctionnement de algorithmes de tri des publications, etc. Mais six mois plus tard, le réseau social américain reste sourd à cet ordre, même s’il s’accompagne d’une astreinte financière journalière. Les tribunaux doivent désormais transmettre à X le montant total de ces sanctions.
Cette action en justice pourrait prendre des années, pendant lesquelles nos médias seront privés des revenus qui leur permettent d’investir.
Marc Feuillée, general manager of the Le Figaro group
Ce dialogue à sens unique explique pourquoi les éditeurs lancent une nouvelle procédure, cette fois sur le fond. « Cette action en justice peut prendre des années, pendant lesquelles nos médias seront privés des revenus qui leur permettent d’investir »rappelle Marc Feuillée, directeur général du groupe Le Figaro. « Il est urgent que la loi sur les droits voisins soit révisée afin d’inclure un mécanisme d’arbitrage en cas de difficultés dans les discussions. » L’Australie a choisi cette voie en 2021. Si les médias et les Gafam ne parviennent pas à se mettre d’accord, c’est une commission d’arbitrage qui décide et impose une somme. Une épée de Damoclès redoutablement efficace…
Lire aussi
Droits voisins : la presse magazine valide l’accord proposé par Google
Les acteurs de la presse française préparent également la renégociation des accords-cadres signés en 2021 avec Meta et Google. Certains craignent que ces deux géants tentent de négocier à la baisse les montants car, depuis, le trafic envoyé par Facebook et Google vers les médias a chuté. Meta affirme que les usages des internautes ont changé, mais les éditeurs estiment au contraire que le groupe a modifié ses algorithmes pour moins exposer la presse en ligne sur son réseau social.
Un autre front s’ouvre avec les sociétés d’intelligence artificielle générative. « Ces joueurs pourraient décider de signer des contrats, titre par titre, avec quelques médias »explique Louis Dreyfus, président du conseil d’administration du groupe Le Monde. Cette dernière a conclu un tel accord avec OpenAI, qui pourra ainsi s’appuyer sur des articles quotidiens afin d’afficher des réponses à jour dans ChatGPT. « Nous sommes au début de l’histoire de la révolution de l’IA et la presse quotidienne a un rôle à jouer »il plaide. Mais, sauf intervention du législateur, cette aubaine potentielle ne profitera pas à tout le monde, contrairement aux droits voisins. Cet été, OpenAI a fermé la porte à toute négociation collective avec des représentants de la presse française.
Related News :