On ne peut pas vouloir plus que le client, surtout quand on n’est pas citoyen du pays concerné. Les Américains ont choisi Donald Trump, dégoûtés par l’inflation, l’immigration et les discours trop formatés. Bonne chance les gars ! Nous en reparlerons dans quatre ans.
Or, on peut peut-être aussi y voir le signe que nos voisins sont sur le point de crever un abcès dans leur pays, cette plaie libertaire qui grandit depuis longtemps aux Etats-Unis.
A sa Source, la vision libertaire prône une société fondée sur la primauté absolue des droits individuels et de la liberté de choix plus plus. Les partisans de ces idées s’opposent à libéraux qui favorisent, par exemple, l’intervention de l’État dans l’économie.
Les nouveaux dirigeants américains, soutenus par un Congrès du même groupe sanguin ou presque, pourraient être tentés de concrétiser chez eux ce désir latent, cette philosophie revendiquée par Elon Musk par exemple, ou Jeff Bezos.
Cette doctrine, chère à l’économiste américain Milton Friedman, pourrait désormais avoir l’occasion de faire ses preuves, de démontrer qu’elle pouvait rendre ces gens plus heureux.
Rappelons que Trump pourrait réserver un rôle important à Elon Musk dans son prochain gouvernement.
Dans la forme la plus radicale d’une société libertaire, l’État est coercitif, voire illégitime, voire illégal.
Il s’introduit inutilement dans la vie des citoyens, se mêle de l’économie en faisant obstacle au libéralisme économique, qui lui-même, par magie, se suffirait à lui-même, s’autorégulerait, distribuerait naturellement le bien-être matériel et, par conséquent, le bonheur.
On peut simplifier en résumant cette façon de voir ainsi : le moins de gouvernement possible dans nos vies, je fais ce que je veux avec mon argent, que l’État me lâche avec ses impôts et la redistribution des richesses, et que les pauvres commencez à travailler plus dur, parce qu’ils sont paresseux, évidemment !
Eh bien, Donald Trump n’a pas ouvertement fait campagne avec ces idées en bouche, certes, sinon il n’aurait pas été élu, mais le carnage électoral de mardi dernier lui donne tout le pouvoir pour modifier profondément le rôle de l’État américain.
Il sera encouragé à agir ainsi par le capital qui, étant ce qu’il est, ne se soucie pas de l’avenir du monde tant que ses impôts et charges fiscales seront encore réduits, en premier lieu ceux des entreprises Trump.
Ce résultat électoral érodera également les préceptes de l’État de droit, dont certains sont susceptibles d’atténuer l’avantage, du moins en ce qui concerne Trump et ses amis. Il sera intéressant d’observer la résilience du système judiciaire américain.
Je ne vous répéterai pas l’éventuel parti conservateur éternel à la Cour suprême des États-Unis avec le remplacement de deux juges octos par de fringants quinquas, et le désespoir à venir pour combien d’Américaines face à l’avortement.
Sinon, en ce qui concerne le libre-échange : ça suffit ! Fini. Rebonjour les barrières tarifaires et un retour à l’isolationnisme économique, un vieux vice protectionniste américain que l’on croyait disparu, mais dont l’illusion fait encore jouir le bon camarade de travail.
Cependant, si la formule a fonctionné dans le passé, elle est moins sûre aujourd’hui avec une zone euro organisée et des géants économiques comme la Chine et l’Inde.
Ce nationalisme économique autarcique est presque irréaliste dans un système financier mondialisé. Les États-Unis auront toujours besoin de prêteurs non américains qui pourraient dicter une certaine manière de négocier, contrairement aux promesses de Trump.
De plus, les statistiques n’ont jamais prouvé dans l’histoire que les présidents républicains avaient de mauvais résultats en matière de gestion économique. Une fable urbaine, mais un mirage persistant.
Ils nous ont plutôt habitués à augmenter les déficits car certaines théories économiques de la droite américaine ne se sont jamais avérées vraies, du moins à court terme.
Et le Parti républicain n’a jamais, au cours du siècle dernier, donné naissance à un Frank Delano Roosevelt de droite qui a sorti ce pays de la pauvreté, ni même à un Bill Clinton qui a équilibré le budget de l’État au cours de ses années de mandat.
En fait, les résultats économiques des présidents républicains au cours des dernières décennies ne sont pas nécessairement brillants. Barack Obama et Joe Biden, de leur côté, ont sorti ce pays de crises économiques majeures.
Gageons aussi que les Etats-Unis vont vivre quatre années extrêmement mouvementées en termes de cohésion sociale. L’opposition sera dans la rue, ce qui est toujours de mauvais augure, surtout avec un leader qui risque de devenir bien plus réactionnaire que lors de son premier mandat.
Le plus préoccupant sera sans doute le traitement des questions de santé et d’éducation.
L’abolition de l’Obamacare est au menu et il deviendra encore plus impossible d’être pauvre et malade.
Quant à l’éducation, il faut avoir visité une école publique comme je l’ai déjà fait à Philadelphie pour constater l’inégalité écoeurante dans ce pays en matière de droit à une éducation de qualité. Je n’ai pas entendu parler de la volonté des Républicains d’améliorer la situation.
Enfin, bien entendu, le racisme et le sexisme étaient sans aucun doute à l’ordre du jour de cette campagne.
Mais on ne le dira jamais assez, il est extrêmement risqué de croire qu’on peut gagner une élection en jouant de ses fesses, enfermés dans une jarre ou une chambre d’écho. C’est exactement ainsi que l’on perd le contrôle de l’agenda politique.
Quoi qu’on dise, Trump l’a compris.
Entre nous
En ce jour du Souvenir, le livre d’un Québécois, Frédéric Smith : Les Québécois en Normandie : du jour J à la libération de Paris. Dans cet ouvrage, fruit d’un travail de recherche colossal, nous suivons les Québécois impliqués dans le débarquement de Normandie et leur progression ou leur mort sur le sol français.
Les Québécois en Normandie : du jour J à la libération de Paris
Frédéric Smith
Boréal
328 pages
Une seconde, qui m’a été recommandée par le grand chef François Cardinal, où vous lirez entre autres choses sur le comportement de Donald Trump en matière de gestion de crise, qui ne vous aidera pas forcément à mieux dormir : The Situation Room : L’histoire intérieure des présidents en crisepar Georges Stephanopoulos.
The Situation Room : L’histoire intérieure des présidents en crise
Georges Stéphanopoulos
Éditions Grand Central
368 pages
Qu’en penses-tu? Participer au dialogue
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