L’organisation Marche des femmes a organisé samedi un rassemblement en faveur des droits des femmes, quatre jours après la victoire de la candidate républicaine.
Les panneaux montent près de la gare de Washington, samedi 9 novembre, au son de Je suis chaque femme par Shaka Khan. Le même message est lu d’une ligne à l’autre : « Protégez-vous et défendez-vous les uns les autres. » Au premier rang de la manifestation, une petite fille tient une affiche « Les filles peuvent tout faire ». A côté de lui, une pancarte insultant le président élu, Donald Trump. Les visages sont certes plutôt souriants, mais aussi combatifs, malgré la peur et la colère qui parcourent le rassemblement.
Quatre jours après l’élection présidentielle américaine, quelques centaines de femmes et d’hommes se sont rassemblés dans la capitale des Etats-Unis pour une nouvelle manifestation de la Marche des femmes, la première depuis la victoire de Donald Trump face à la démocrate Kamala Harris. Ce mouvement féministe a été lancé après la première victoire du républicain, rassemblant des centaines de milliers de personnes à Washington, après son investiture en janvier 2017.
Samedi, les manifestants voulaient faire entendre leur voix devant The Heritage Foundation, un groupe de réflexion à l’origine du « Projet 2025 » pour une nouvelle présidence Trump. Une feuille de route de 900 pages vers l’autoritarisme et l’ultraconservatisme, qui prévoit de nouveaux obstacles au droit à l’avortement outre-Atlantique.
L’émotion est palpable devant le siège de la fondation, malgré la musique festive. “Je sais que tu te sens un peu en colère, frustré,” lance au micro Tamika Middleton, directrice de l’organisation Women’s March. “Oui”, répondent en chœur les manifestants. « Vous ressentez probablement un peu de peur » soutient le militant, recevant la même réponse. «Je ressens de l’incrédulité, de la colère, de la peur et de la tristesse» » raconte Helen, une enseignante de 50 ans.
“Je ne sais pas ce qui va arriver aux droits des femmes.”
Hélène, protestationsur franceinfo
À l’avant-garde du rassemblement, Maria Gwinn, 24 ans, est venue en voiture de l’Ohio pour y assister. L’étudiante était à Washington une semaine plus tôt, pour une marche des femmes rassemblant plusieurs milliers de personnes à l’approche du vote. « J’étais avec ma mère et nous nous sentions si forts. Je pensais que nous aurions la première femme présidente. J’ai pleuré toute la nuit du mardi au mercredi. celui qui a vu Donald Trump remporter les élections. Les électeurs qui ont élu le Républicain “J’ai voté contre mes droits”, elle avance.
Donald Trump n’est pas étranger à la rhétorique sexiste, a été reconnu coupable d’agression sexuelle et s’est récemment engagé à le faire. «protéger les femmes, que cela leur plaise ou non». Ses nominations à la Cour suprême au cours de son premier mandat ont fait pencher l’institution en faveur de l’annulation de Roe v. Wade, qui garantissait la protection constitutionnelle de l’avortement pendant 49 ans.
Maria Gwinn est arrivée de l’Ohio avec une amie et sa grand-mère, Saphira et Bev Pack. Pendant qu’un petit concert se poursuit, l’Américaine et sa petite-fille dansent et s’embrassent. Bev Pack, 66 ans, oscille entre scander des slogans et quelques larmes. «Nous nous sommes battus si dur pour arriver ici, et nous reculons» » livre le retraité aux cheveux courts, brandissant une pancarte « Mon corps, mon choix ». Ce rassemblement est le premier de sa vie. Mardi, son mari a voté pour Donald Trump.
«J’ai vraiment mal. J’ai peur pour ma petite-fille, pour son droit de prendre des décisions concernant son corps.
Bev Pack, participante au rallyesur franceinfo
L’Américaine en est convaincue : il y aura une interdiction fédérale de l’avortement d’ici 2028. Le président élu tient des propos ambigus, voire contradictoires, à ce sujet. Il a déjà soutenu une interdiction de l’avortement après 15 semaines de grossesse (sauf exceptions), avant de défendre un choix laissé aux Etats, rappelle NBC News. Le milliardaire s’est également vanté d’avoir permis la fin de l’affaire Roe v. Wade.
Le « Projet 2025 » propose quant à lui l’interdiction de l’avortement médicamenteux et le contrôle de l’envoi et du transport des médicaments abortifs. Donald Trump répète qu’il “ne sait rien” de cette feuille de route, mais au moins 140 anciens membres de son administration y ont contribué, directement ou indirectement. “Nous prévoyons que ce sera l’ordre du jour de la prochaine administration”, souligne Tamika Middleton, de la Marche des femmes.
Aux côtés de Bev Pack, Saphira, sa petite-fille au débit rapide, se sent “désespéré”. Elle partage les craintes de sa grand-mère et craint les violences sexistes et sexuelles. « Nous avons toujours eu du sexisme dans notre pays. La présence de Donald Trump à la Maison Blanche ne fera qu’empirer les choses.» L’élu a mis un point d’honneur à attirer l’électorat masculin lors de sa campagne, jouant volontiers sur l’hypermasculinité. Au moins une vingtaine de femmes l’accusent de harcèlement ou de violences sexuelles, ce qu’il continue de nier.
Près de la petite scène de concert, Ally Martyn continue de brandir une pancarte avec le message suivant : “Gardez vos interdictions loin de mon corps.” A 18 ans, l’étudiante en psychologie vient de voter pour la première fois. “Je ne comprends pas pourquoi l’autonomie sur notre corps n’est pas quelque chose que tout le monde considère comme un droit fondamental.” souligne le jeune Américain, stupéfait par le résultat du vote.
Elle craint des drames en cas de nouvelles atteintes au droit à l’avortement. En Géorgie, une femme est décédée faute d’accès aux soins nécessaires en raison des lois locales restreignant l’avortement. Elle avait besoin de cette procédure après de rares complications liées à une pilule abortive, mais la procédure était désormais considérée comme un crime, à quelques exceptions près.
Sous Donald Trump, Tamika Middleton imagine que de tels obstacles vont se multiplier. “Je pense qu’un combat long et difficile nous attend, mais nous sommes équipés pour le mener.” Le rassemblement de samedi n’a rassemblé que quelques centaines de personnes, mais une autre manifestation se prépare. Elle aura lieu le 18 janvier, soit deux jours avant le retour au pouvoir de Donald Trump.
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