Un classique des lendemains d’élections : les gens du camp des perdants menacent de quitter le pays tant le nouvel élu les rebute. Il n’est pas surprenant que l’élection d’un personnage aussi polarisant que Donald Trump ait ramené cette menace.
Cependant, j’ai un malaise face aux personnalités publiques, aux artistes au grand public, qui brandissent cette menace. La chanteuse Cher a déclaré avant les élections son intention de quitter le pays si Trump était élu. Même chose pour l’actrice et chanteuse pop Raven-Symoné.
Barbara Streisand a dit une chose similaire à Stephen Colbert. L’interprète du film BarbieAmerica Ferrera, envisagerait de fuir son pays pour s’installer au Royaume-Uni, tout comme Sophie Turner de Jeux de Trône. Sharon Stone ciblerait plutôt l’Italie. En 2020, Bruce Springsteen a joué à ce jeu.
Gros bluff
Je ne me sens pas bien pour plusieurs raisons. D’abord parce que presque toutes ces menaces ne sont jamais réelles. Cela ne semble pas correct. Et cela ressemble à une personne qui s’accorde une importance disproportionnée. Et cela sonne au-dessus de tout le monde, comme « Je suis riche, je peux me permettre de vivre où je veux ». Exactement le genre d’élitisme qui a permis à Trump de gagner.
Je me sens également mal à l’aise parce que nous avons entendu les mêmes menaces après la première élection de Trump. Et combien sont réellement partis ? Ils sont restés aux Etats-Unis, ont continué leur carrière et comme ils gagnent beaucoup d’argent, ils ont profité allègrement des baisses d’impôts de Trump.
D’ailleurs, concrètement, ce qui faisait bouger les artistes fortunés ou les millionnaires, c’était bien plus la fiscalité que les principes politiques. Une fiscalité dans les deux sens : la tentation de quitter une juridiction qui augmente subitement l’impôt sur la fortune ou l’attrait d’un pays qui propose une fiscalité avantageuse.
Quelqu’un se souvient-il de l’époque où l’Irlande a déclaré les produits culturels créatifs exonérés d’impôts ? De nombreux artistes se sont découvert une passion soudaine pour la Guinness, les lutins et les trèfles à quatre feuilles.
Mépris?
Je me sens mal à l’aise face au quasi-dédain manifesté pour les opinions des autres lorsque nous parlons ainsi. Autant je trouve très légitime qu’un artiste exprime publiquement ses convictions politiques ou sociales, autant j’estime que cela doit se faire dans le respect d’autrui. Menacer de quitter le pays est une manière inélégante d’ignorer le vote d’une grande partie de la population (51 % dans le cas de Trump). Ceux qui vont voir vos films ou écouter votre musique.
Une personne a parfaitement le droit de fuir son pays lorsque les conditions politiques sont insupportables. Ou même si elle veut juste vivre ailleurs. Mais quand on est un citoyen privilégié d’une démocratie riche, il faut se garder de l’embarras. Et surtout, évitez de lancer cette menace comme un regard méprisant sur le vote majoritaire.
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