C’est la plus vertigineuse de ses promesses de campagne : lancer la plus grande opération d’expulsion des immigrants illégaux de l’histoire américaine. Mais le projet de Donald Trump risque de se heurter à une cascade de problèmes économiques et juridiques.
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“Le discours est une chose et la candidature en est une autre”, affirme Stephen Yale-Loehr, professeur de droit de l’immigration à l’université Cornell, alors que le nombre d’étrangers illégaux aux Etats-Unis est estimé à environ 12 ou 13 millions.
Compte tenu des protections juridiques accordées par la Constitution américaine à toute personne, quelle que soit sa nationalité, “Trump ne peut pas simplement arrêter les gens et les expulser le lendemain”, explique-t-il à l’AFP.
Problèmes juridiques
Les immigrants illégaux doivent d’abord être présentés à un juge qui statuera sur leur demande de rester aux Etats-Unis. Or, « il existe déjà un stock de 3,6 millions d’arriérés dans nos tribunaux de l’immigration », pour environ 700 juges, indique Stephen Yale-Loehr.
“Il faudrait donc recruter des milliers de nouveaux juges”, sans compter les agents de la police de l’immigration (ICE) pour arrêter les sans-papiers, la construction de nouveaux centres de détention et les avions pour les expulser, énumère-t-il. -il.
« Rien que cet appareil bureaucratique nécessaire pour tenter de réaliser un projet d’expulsion massive demandera du temps et de l’argent de la part du Congrès », insiste le spécialiste, doutant que même une majorité républicaine soit prête à dépenser des dizaines, voire des centaines de milliards. de dollars requis pour une opération de cette ampleur.
Problèmes économiques
Une étude publiée en octobre par l’ONG American Immigration Council estime le coût global à 88 milliards de dollars par an, soit 967,9 milliards de dollars sur plus d’une décennie.
“Un plan d’expulsion massive serait difficile à mettre en œuvre immédiatement dans son intégralité”, en raison notamment de ce coût “dissuasif”, note Nayna Gupta, directrice politique de l’American Immigration Council.
Mais cela ne suffira pas à convaincre la future administration d’y renoncer, estime-t-elle, soulignant les déclarations en ce sens des responsables de la campagne de Donald Trump dans les heures qui ont suivi l’annonce de sa victoire.
“Cela signifie certainement qu’il peut prendre des mesures immédiates pour expulser les sans-papiers les plus vulnérables”, c’est-à-dire les quelque 1,5 million d’étrangers déjà visés par des arrêtés définitifs d’expulsion et vivant sous la surveillance des services de l’immigration, précise Nayna Gupta.
« Le système de contrôle de l’immigration peut être décentralisé de plusieurs manières », en s’appuyant sur les services locaux de l’immigration qui se sentiraient « encouragés et habilités par une présidence et un discours de ce type à trouver des personnes dont ils pourraient immédiatement engager des procédures d’expulsion », poursuit-elle. “Cela pourrait arriver n’importe où dans le pays.”
L’armée
Par ailleurs, Donald Trump pourrait être tenté d’« utiliser l’armée pour accélérer son plan d’expulsions massives » afin de compenser le manque d’agents fédéraux d’immigration ou de police locale, une option évoquée par certains de ses proches. le plus conservateur, rappelle le responsable de l’ONG.
Le recours à la force militaire pour des opérations de maintien de l’ordre soulèverait inévitablement des contestations juridiques.
L’estimation de 88 milliards par an ne couvre que les coûts directs de ce plan, selon le rapport de l’American Immigration Council.
La plupart des études économiques s’attendent à ce que les expulsions à grande échelle d’étrangers en situation irrégulière entraînent une réduction de la main-d’œuvre, notamment dans certains secteurs, ainsi qu’une augmentation des salaires et de l’inflation.
Cela se traduirait, selon l’ONG, par une réduction du PIB des États-Unis de 4,2% à 6,8%, comparable à la baisse de 4,3% lors de la récession de 2007-2009.
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