Un homme sur cinq et une femme sur six développeront un cancer au cours de leur vie. Après des traitements souvent lourds et invasifs, environ deux tiers des patients atteignent une phase de rémission, ce que nous espérons pour toute personne atteinte de cancer. Pourtant, contre-intuitivement, c’est souvent la période la plus délicate sur le plan psychologique.
Interviewée dans le podcast « Dingue », Ghizlaine a raconté le profond changement qu’elle a ressenti lorsqu’elle a annoncé la fin de sa thérapie contre le cancer du sein. Pendant neuf mois, elle a suivi un traitement intensif.
« Tout le monde me dit : ‘tes cheveux ont repoussé, c’est bon, c’est derrière toi, reviens à ta vie !’ Mais au fait, où est-ce que je reprends ma vie ? Qu’est-ce que je reprends ? C’est comme si j’étais coincée sur cette planète Cancer», témoigne-t-elle. Certains souvenirs des traitements revenaient sans cesse. « Des souvenirs douloureux, comme des réminiscences. Comme si je n’avais pas compris quelque chose.
Une situation courante
La psychiatre Olivia Laurent, spécialisée en psycho-oncologie, estime qu’environ 50 % des personnes ayant subi un traitement lourd développent des troubles psychologiques qui nécessitent un accompagnement spécifique.
«Souvent, le patient subit les soins de manière presque passive, en pilote automatique, et un débordement s’accumule», explique-t-elle. Habituellement, les émotions sont mises de côté. Ghizlaine le confirme : « J’ai été tellement captivée par le traitement que c’était comme si mon cerveau avait basculé. Je me mets en mode combatif et je mets de côté toutes mes peurs ».
Accompagnement post-traumatique
Ghizlaine n’a pas trouvé immédiatement l’aide psychologique dont elle avait besoin. « Là où j’étais en traitement, on m’a dit : ‘il n’y a qu’une psycho-oncologue et elle est surbookée’ ». Elle a finalement trouvé un soutien adéquat, notamment un traitement pour ses souvenirs pénibles de stress post-traumatique grâce à une thérapie appelée EMDR, qui utilise les mouvements oculaires pour aider les gens à surmonter les souvenirs traumatisants.
« Petit à petit, je n’avais plus ces réminiscences, et c’était comme un accélérateur d’acceptation », analyse-t-elle. L’acceptation de sa maladie et de sa situation est une clé en psycho-oncologie, mais comme le souligne Olivia Laurent, « il n’est pas confortable d’accepter d’être vulnérable, de perdre le contrôle, de vivre l’impuissance ».
Récupération
Le rétablissement de Ghizlaine a été soutenu par différentes expériences en plus de la thérapie EMDR. « Un groupe de soutien du Ligue genevoise contre le cancerdédié aux jeunes patients, m’a beaucoup aidé. Je ne me sentais plus seul. Et pouvoir parler, avec des gens qui le comprennent, de cet écart qu’on ressent à la fin des traitements, ça a été vraiment bénéfique”, raconte-t-elle.
Ghizlaine est également impliquée dans une association. « J’étais en colère, car désormais le cancer du sein touche aussi les jeunes de moins de 40 ans. Pourtant, lorsque j’ai consulté mes radiologues, ils m’ont dit que ce n’était rien, juste un kyste. J’ai perdu trois mois pendant lesquels le cancer s’est propagé.Association des connaissances des patients (Dès que possible), j’ai pu transformer cette colère en action.
>> Lisez à ce sujet : La détection du cancer du sein chez les femmes de moins de 50 ans est souvent tardive
Déconstruire le mythe de la force mentale
Dans la lutte contre le cancer, l’injonction de rester positif impose souvent une pression supplémentaire. Ghizlaine explique à quel point cette attente peut être pénible. « Dans l’imaginaire collectif, il faut rester fort mentalement. Cela représenterait 50 % du travail, mais c’est beaucoup demander à ce pauvre esprit », objecte-t-elle. Olivia Laurent partage cette analyse et constate que ces injonctions épuisent les patients. «C’est très culpabilisant», constate-t-elle aussi.
Au terme de son éprouvant parcours contre le cancer, Ghizlaine ne voit pas sa rémission comme un retour à la normale, mais plutôt comme une ascension vers un sommet. « J’avais souvent l’image d’une montagne que je gravissais. J’ai choisi Toubkal, car je suis d’origine marocaine. Mais en fait, il n’est pas nécessaire de courir ni de toujours rester positif. L’important, c’est d’avoir un entourage qui nous aide. C’est un travail d’équipe. Parfois nous montons sur une mule, parfois sur une brouette, parfois nous marchons. arriver”.
Adrien Zerbini/vic
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