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Vers une conflagration généralisée du conflit israélo-palestinien dans tout le Moyen-Orient ? « Les dommages collatéraux prennent une dimension intolérable »

« Bien sûr, il y a la crainte d’une escalade », commente Raoul Delcorde, ambassadeur honoraire de Belgique. « Mais une conflagration n’est pas si probable. Une conflagration signifie que les grands acteurs régionaux, à commencer par l’Iran, s’engageraient davantage dans une forme de conflit ouvert avec Israël. Ce n’est pas du tout la stratégie iranienne à l’heure actuelle. Bien sûr, l’Iran est l’ennemi d’Israël et vice-versa. Mais l’Iran, aujourd’hui, n’est pas dans une posture offensive. Le président iranien est à New York (NDLR : dans le cadre de l’Assemblée générale de l’ONU) et son pays est embourbé dans toutes sortes de problèmes internes. Sa population n’est pas du tout prête à se mobiliser dans une guerre conventionnelle. Je pense donc que l’Iran fera preuve d’une certaine retenue comme il l’a fait jusqu’à présent. »

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Le Liban, lui, n’a pas les moyens de répondre à l’offensive israélienne. « Il est dans une situation économique catastrophique et n’a pas les moyens militaires de tenir tête à Israël. Et même si le Hezbollah est dix fois le Hamas – les experts disent qu’il dispose de 150 000 roquettes –, il a subi des pertes importantes. L’appareil militaire du Hezbollah a été partiellement décapité. Et ce groupe, qui est représenté au Parlement libanais, n’a probablement pas envie de voir la situation déjà catastrophique du Liban empirer. »

Selon Raoul Delcorde, la tactique d’Israël consiste surtout à réduire considérablement la force de frappe du Hezbollah, désormais humilié. « Israël ne veut pas prendre le risque d’une répétition du 7 octobre, dans le nord. Ils ont donc deux objectifs : réduire les arsenaux du Hezbollah, et repousser les combattants du Hezbollah au nord du fleuve Litani. Et donc rétablir une zone tampon, au Liban. Nous sommes dans une logique purement militaire. Et le côté vraiment déplorable de cette guerre, c’est que malheureusement beaucoup de civils meurent. C’est tragique. »

Selon celui qui est également professeur à l’UCLouvain, la faute revient aussi au Liban, qui n’a jamais pu prendre le contrôle du Hezbollah. « Nous avons un pays qui a sa propre armée mais qui n’a jamais pu contrôler le Hezbollah, un acteur non étatique, qui a sa propre milice. Le Hezbollah a provoqué la réaction d’Israël en envoyant sans cesse des roquettes. Ils pensaient desserrer l’étau israélien sur le Hamas en capitalisant sur l’image de résistance du monde arabe, mais ils se sont retrouvés piégés. Non seulement Israël a intensifié sa réponse contre le Hamas, mais Israël a ouvert un deuxième front. Et ils n’ont pas la capacité de réagir. On le voit avec l’affaire du bipeur : Israël est très avancé technologiquement. Et je me demande même si les Américains maîtrisent ce type de technologie. Il ne faut pas oublier que le chef du Hezbollah a été tué dans sa villa à Téhéran, avec une précision étonnante. »

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Des événements qui peuvent faire réfléchir les ennemis d’Israël. Qui, par crainte d’une riposte plus importante, renonceraient à tenter une offensive à l’avenir. Une culture de la peur instaurée par Israël au détriment de nombreux civils. « Pour les Israéliens, la seule chose qui compte, c’est la protection de sa population. Mais les dommages collatéraux prennent une dimension intolérable. Il faut construire d’urgence une désescalade. Il faut un cessez-le-feu rapidement. Il faut donner à la FINUL (NDLR : la Force intérimaire des Nations unies au Liban) le pouvoir d’intervenir à nouveau. Et seul l’Iran a l’oreille du Hezbollah. L’Iran doit comprendre que si le Hezbollah cesse d’envoyer ses roquettes sur Israël, Israël devra s’arrêter aussi. »

Sinon, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pourrait poursuivre sa riposte mortifère. Selon Raoul Delcorde, il profiterait aussi de la campagne électorale pour l’élection présidentielle américaine. Aucun candidat ne veut sortir du bois en appelant Israël à la raison, de peur de s’aliéner une partie de son électorat. « A priori, il ne craint pas les réprimandes des Américains pour l’instant. Or, ce sont les seuls qui ont un véritable levier sur Netanyahu. Il joue un peu sur le calendrier américain. Les Européens, eux, n’ont pas vraiment de pouvoir pour faire pression sur Netanyahu. Et les Russes sont très contents que cette guerre continue car elle détourne l’attention des Européens de ce qui se passe en Ukraine. Au final, seul l’Iran a vraiment la possibilité d’engager la désescalade. Mais le veut-il vraiment ? »

Conséquences économiques en Europe ?

Si le conflit se prolonge, y aura-t-il des conséquences pour l’Europe, comme ce fut le cas avec le conflit russo-ukrainien ? Raoul Delcorde n’en est pas convaincu. « Sur le plan économique, le Liban n’est pas un grand importateur. Et ses exportations vers l’Union européenne ne devraient être que relativement limitées. De même, les exportations européennes vers le Liban ne devraient pas être excessives. Ce pays est quasiment en état de cessation de paiement. Et l’offensive israélienne n’arrangera rien. »

Plus problématique est la présence des Houthis en mer Rouge. « Ils bloquent le passage par la mer Rouge, ce qui provoque le détournement des supertankers et donc des coûts supplémentaires pour l’importation de produits en provenance d’Asie. Mais sur le plan strictement économique, la guerre locale, pour l’instant, n’a pas beaucoup d’impact. »

 
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