Les gouvernements ne sont pas responsables de tout. Mais en neuf ans à la tête d’un pays, un Premier ministre peut changer bien des choses. Voici comment le Canada s’est transformé sous Justin Trudeau depuis qu’il est devenu premier ministre en 2015. Souvent pour le mieux… mais pas toujours, nous disent les experts.
Publié hier à 19h30
De nombreux immigrés
Entre 2016 et 2024, Ottawa a augmenté les seuils de 300 000 à 485 000 immigrants permanents par an. Ottawa a reconnu son erreur l’automne dernier et réduira la cible à 360 000 en 2027. Ce débat sur les seuils fédéraux a peu ou pas d’effet au Québec, qui décide en pratique seul de ses seuils d’immigration permanente. .
En 2016, le Canada a accueilli 385 000 immigrants (296 000 permanents, 89 000 temporaires), ce qui représentait 0,6 % de la population du pays.
En 2024, il y aura 1,2 million d’immigrés (464 000 immigrés permanents, 775 000 immigrés temporaires y compris les demandeurs d’asile), soit l’équivalent de 3,3 % de la population. Une grande partie de cette augmentation est imputable aux travailleurs intérimaires.
Cette augmentation de l’immigration « a créé toutes sortes de problèmes. Avant, le Canada avait l’un des meilleurs systèmes d’immigration au monde», affirme l’économiste Pierre Fortin, professeur émérite à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Les conséquences se feront sentir pendant des années, notamment sur le coût de la vie. Le gouvernement fédéral a injecté de la volatilité dans quelque chose [les seuils d’immigration] stable et qui a été considéré comme un succès.
Jimmy Jean, chief economist of Mouvement Desjardins
Un gouvernement (un peu) plus endetté
La dette brute du gouvernement du Canada a augmenté d’environ un tiers (35 %) au cours des années Trudeau. Lorsque les libéraux ont pris le pouvoir en 2015, la dette brute du gouvernement fédéral équivalait à 31,1 % du produit intérieur brut (PIB). Aujourd’hui, cela équivaut à 41,9% du PIB.
Le niveau d’endettement du Canada est très raisonnable. Parmi les pays du G7, l’Allemagne et le Canada sont les deux pays les moins endettés (tous niveaux de gouvernement compris). En termes de dette nette, le Canada est de loin le pays du G7 le moins endetté (dette nette du Canada : 13 % du PIB ; moyenne du G7 : 94 % du PIB).
Un État plus grand
En incluant tous les niveaux de gouvernement, la taille de l’État dans l’économie au Canada (le taux du fardeau fiscal) est passée de 31,9 % à 34,0 % du PIB entre 2015 et 2022. Il s’agit d’une augmentation de 2,1 points du PIB, comparativement à un augmentation moyenne de 1,8 points du PIB dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au cours de cette période.
Le Canada possède néanmoins un État plus petit que la moyenne des pays de l’OCDE, où la pression fiscale atteint en moyenne 36,1 % du PIB.1.
Inconvénient important : la taille de l’État dépend aussi de la quantité de services publics. Les pays dotés de plus grands gouvernements, comme la France, la Norvège et la Finlande, fournissent davantage de services publics et redistribuent davantage de richesses que les pays où les impôts sont moins élevés, comme les États-Unis.
La taille de l’État est en grande partie un choix de société.
Moins de pauvreté
Les allocations familiales du gouvernement Trudeau, plus généreuses que les prestations du gouvernement Harper pour les parents les moins aisés, ont sorti de nombreuses familles de la pauvreté. Ces allocations sont « la plus belle chose » mise en place par le gouvernement Trudeau, selon l’économiste Pierre Fortin. Entre 2015 et 2022, le taux de pauvreté a diminué de 14,5 % à 9,9 %, selon Statistique Canada.
Un « bilan mitigé » en économie
Il existe une tendance à surestimer l’impact des gouvernements sur l’économie. Quand les choses vont mal et quand les choses vont bien.
L’influence des premiers ministres sur l’économie est limitée par rapport à d’autres facteurs plus fondamentaux tels que la démographie, la pandémie, l’évolution technologique et les conflits géopolitiques.
Pierre Emmanuel Paradis, économiste et président du cabinet AppEco
Cela dit, comment l’économie s’est-elle comportée pendant les années Trudeau ? « Ce n’est pas une catastrophe, mais c’est un résultat mitigé », a déclaré Jimmy Jean, économiste en chef du Mouvement Desjardins.
Le taux de chômage est resté historiquement bas durant son mandat. Il est désormais de 6,8%, contre 7,1% en novembre 2015.
L’un des meilleurs indicateurs pour mesurer à la fois la force d’une économie et le niveau de vie de ses citoyens : le PIB par habitant. À cet égard, le Canada a fait moins bien que tous les autres pays du G7 durant les années de Justin Trudeau. En 2023, son PIB par habitant a diminué, entre autres parce que le Canada a accueilli environ 1 million d’immigrants.
De 2015 à 2023, le niveau de vie réel des Canadiens (PIB réel par habitant) a augmenté de 2,0 %, comparativement à une moyenne de 8,5 % dans les autres pays du G7.
Quant à l’inflation, au cours de sa pire année en 2022, le Canada a connu la troisième plus faible inflation parmi les pays du G7. «L’inflation est un phénomène mondial, Justin Trudeau n’y est pour rien», affirme l’économiste Pierre Fortin.
Ayez toujours une excellente cote de crédit
Justin Trudeau a hérité d’un gouvernement avec une excellente cote de crédit auprès des grandes agences de notation, et il laissera à son successeur… une excellente cote de crédit ! Parmi les pays du G7, le Canada occupe le deuxième rang, derrière l’Allemagne. Deux des trois agences lui attribuent la meilleure note possible, la note AAA.
Un pays plus égalitaire
Les inégalités économiques ont diminué au Canada sous Justin Trudeau. Ils sont également plus faibles au Canada que dans la moyenne des pays de l’OCDE1. Deux décisions du gouvernement Trudeau prises en 2015 qui ont sans doute contribué à réduire les inégalités économiques : réduire les impôts de la classe moyenne et augmenter ceux des contribuables les plus aisés.
Le logement coûte plus cher
Ce n’est pas Justin Trudeau qui détermine le prix des logements au Canada, et plusieurs pays ont un problème d’abordabilité. Mais le coût du logement a encore augmenté pendant les années Trudeau.
Le loyer moyen au pays est passé de 907 dollars en 2015 à 1 402 dollars en 2024. Il s’agit d’une augmentation de 55 % en neuf ans, soit environ 6 % par an.
Le plus gros problème : de nombreux jeunes n’ont pas les moyens d’acheter une propriété car les prix ont augmenté beaucoup plus vite que les salaires.
En 2023, un nouvel acheteur qui a acquis une propriété à Montréal2 ont dû consacrer 36 % de leur revenu médian au paiement de leur prêt hypothécaire, selon les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). En 2019, c’était 25 %. La hausse est encore pire au Canada anglais, calcule la SCHL.
Moins de gaz à effet de serre
Émissions de CO2 au Canada a diminué de 6,5 % entre 2015 et 2023, passant de 742 à 694 mégatonnes de CO2 par année. Durant son mandat, le gouvernement Trudeau a imposé un prix national sur la pollution (la taxe carbone).
1. Lire « Rapport fiscal au Québec – Édition 2024 »
2. Au prix médian des propriétés de la région de Montréal.
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