Une journaliste témoigne de la condition des femmes

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Une journaliste témoigne de la condition des femmes

Les droits des femmes menacés

Afghanistan : Une journaliste témoigne de la condition des femmes

Trois ans après le retour des talibans, le pays est redevenu une prison à ciel ouvert pour les femmes, privées de leurs droits les plus élémentaires.

Publié aujourd’hui à 10h00

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Bref:
  • Les femmes afghanes sont confrontées à de sévères restrictions depuis le retour des talibans.
  • Le décret interdisant de parler fort en public accroît leur isolement social.
  • L’éducation des filles prend fin après l’âge de douze ans.
  • Les femmes tentent de résister par le travail et l’éducation clandestine.

Cet article du 30 septembre 2024 a été importé de Femina.ch et republié sur notre site le 7 janvier 2025.

Plus le droit de parler trop fort dans la rue, plus le droit de montrer son visage en public, plus le droit d’étudier… De semaine en semaine, les lois restreignant les droits des femmes s’accumulent comme une masse de nuages ​​noirs en Afghanistan. Depuis que les talibans ont repris le contrôle du pays en 2021, la vie offre de moins en moins de perspectives aux femmes. Nous avons interviewé la journaliste afghane Hamida Aman, directrice de la Begum Organisation for Women (BOW), au lendemain de son retour de Kaboul.

FÉMINA Vous revenez tout juste d’Afghanistan, quelle est l’ambiance dans les rues ?

Hamida Aman La tension est palpable, notamment chez les femmes, dont le moral est au plus bas. La promulgation du nouveau décret interdisant aux femmes de parler fort ou de chanter dans l’espace public n’y est pour rien. Cette loi est la dernière d’une liste d’interdictions ou d’obligations qui pèsent sur la population féminine, particulièrement poussée à se couvrir entièrement.

Depuis ma dernière visite il y a quelques mois, j’ai vu beaucoup plus de femmes porter des masques Covid pour cacher leur visage. Mais les hommes sont aussi prudents dans la rue, car on peut leur reprocher d’avoir une longue barbe. ou des vêtements inadaptés. Les gens s’autocensurent à l’avance de peur d’être pris pour cible, une stratégie typique des populations vivant sous un régime totalitaire. Cela génère des tensions dans les familles.

À quoi ressemble le quotidien des femmes ?

C’est plutôt morose, une vie confinée dans la maison entre quatre murs, à s’occuper de la famille. C’est encore plus compliqué pour les veuves lorsqu’elles n’ont plus d’homme pour subvenir à leurs besoins. Les heures de clarté sont longues pour les femmes afghanes. Ils sortent beaucoup moins qu’avant.

Ont-ils encore le droit de travailler ?

Il existe encore certains secteurs où les femmes sont tolérées, comme dans certains médias. Mais la plupart n’ont d’autre choix que de gérer leur propre petite entreprise pour gagner un revenu. Ils ont leur propre magasin et fabriquent des produits alimentaires qu’ils vendent sur les marchés. Elles installent leur atelier de couture ou font de l’agriculture en élevant des animaux pour fabriquer du fromage et du yaourt. Certains s’occupent également des ruches.

Et qu’en est-il de l’éducation aujourd’hui ?

Avant l’âge de douze ans, les petites filles vont encore à l’école primaire et suivent des cours jusqu’à l’équivalent de la sixième année. Mais à partir de cet âge, l’État ne leur propose plus de services éducatifs. Les jeunes filles n’ont alors d’autre choix que de s’enfermer chez elles. L’accès des femmes à l’école est également devenu un tabou dans la société. Le sujet est banni du débat public et, pour un journaliste, poser des questions sur ce thème peut être considéré comme un délit.

Quel est l’état d’esprit des femmes afghanes ?

Il existe parmi eux un sentiment prédominant d’être oubliés, abandonnés, sacrifiés par la communauté internationale, après deux décennies où le monde n’a cessé de leur répéter qu’eux aussi avaient le droit de travailler, d’être autonomes. , le choix de leur vie. Ils sont découragés, tristes. Pour des raisons géopolitiques – lutte contre le terrorisme, la drogue ou l’immigration – l’Occident est en effet en passe de normaliser ses relations avec le régime taliban.

Dans l’histoire de l’Afghanistan, le confinement des femmes a toujours été considéré comme un baromètre du pouvoir des hommes.

Hamida Aman

Les chiffres montrent que 80 % des suicides en Afghanistan sont commis par des femmes…

Cela n’est guère surprenant. Tout, tout espoir leur a été retiré. Le voile du patriarcat tomba sur eux comme le couvercle d’un cercueil. Tous ces interdits leur font perdre confiance dans le fait qu’ils peuvent réaliser des choses, travailler, ils perdent confiance dans le fait de pouvoir simplement vivre.

A Kaboul, elles sont encore assez libres dans leurs déplacements, elles peuvent faire leurs courses, se rendre sur leur lieu de travail ou rendre visite à des proches, mais les lois érodent de plus en plus leur autonomie, avec par exemple l’interdiction faite aux taxis d’emmener les femmes seules. Dans les zones rurales, beaucoup ne peuvent plus marcher sans être accompagnés par un homme. Pour quoi? Car dans l’histoire de l’Afghanistan, le confinement des femmes a toujours été considéré comme un baromètre du pouvoir des hommes.

Comment expriment-ils leur résistance ?

Premièrement, ils essaient de faire face quotidiennement à toutes ces interdictions. Quitter son domicile est déjà, en soi, une forme de résistance. Certaines tentent de rester élégantes et de se maquiller, même si les salons de beauté sont désormais interdits. Beaucoup s’accrochent à leur emploi. Les jeunes femmes vont parfois étudier dans des écoles clandestines ou suivent ici et là des cours encore tolérés. Ils continuent d’occuper l’espace public autant qu’ils le peuvent.

En privé, ils chantent et dansent à l’intérieur de la maison pour garder le sentiment d’être en vie. Mais les manifestations restent rares. Récemment, une vingtaine de femmes ont défilé à Kaboul pour protester contre les lois talibanes. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est quand même plus que les hommes : aucun ne manifeste pour eux.

D’ailleurs, qu’en pensent les hommes ?

Ils se disent révoltés et tristes, mais sans prendre de risques pour les femmes. Bon nombre des hommes les plus radicalement opposés aux talibans ont quitté le pays. Le reste est de facto vendu au régime. Petit à petit, ils considèrent cette situation comme normale, et finissent eux-mêmes par devenir garants des préceptes des talibans. Où se situe le curseur entre un véritable soutien et l’acceptation par crainte de représailles ? C’est encore difficile à dire parfois.

Les femmes sont-elles capables de communiquer entre elles, de diffuser des messages de résistance ?

Ils le font notamment via les réseaux sociaux, auxquels ils peuvent avoir accès. Ces plateformes ne sont pas encore interdites comme en Iran. Environ 40 % des Afghans possèdent un smartphone. Grâce à Internet, ils s’informent, s’informent et entretiennent des contacts avec le monde extérieur. Justement, lors des manifestations, ils filment ces rassemblements et les diffusent sur les réseaux sociaux.

Mais il faut savoir que ceux qui s’opposent aux règles sont emprisonnés, souvent battus, parfois violés en détention puis rendus à leurs parents. Et vivre ainsi après un viol est pour eux pire que la mort, car la famille les maintient enfermés pour échapper aux rumeurs. Malgré tout, je crois que la résistance viendra des femmes. J’espère que grâce aux réseaux de femmes, nous pourrons réussir à briser ces chaînes, notamment grâce à l’éducation. Nous ne devons pas nous abandonner.

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Nicolas Poinsot est journaliste à la rubrique culture et société. Auparavant, cette historienne de l’art de formation a écrit pendant plus de dix ans pour le magazine Femina et les cahiers scientifiques et culturels du Matin Dimanche.Plus d’informations

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