Le Premier ministre français Michel Barnier présente jeudi matin sa démission au président Emmanuel Macron, après la censure historique de son gouvernement mercredi soir, qui ouvre une période politique de grande incertitude, sur fond de crise budgétaire.
Pour ce faire, le chef de l’exécutif doit se rendre à l’Élysée à 10 heures (heure locale). Le chef de l’Etat s’adressera aux Français jeudi à 20 heures, a indiqué son entourage.
Une intervention nécessaire tant la crise politique est profonde depuis la dissolution surprise de l’Assemblée nationale en juin voulue par M. Macron, après la déroute de son camp aux élections européennes face à l’extrême droite.
Les élections législatives anticipées qui ont suivi ont abouti à la formation d’une assemblée fracturée en trois blocs (alliance de la gauche, des macronistes et de la droite, extrême droite), dont aucun ne dispose de majorité absolue. Après 50 jours de négociations, un gouvernement de droite et du centre a finalement été nommé début septembre.
Une première en 62 ans
A peine trois mois plus tard, il se trouvait balayé par l’Assemblée. Une première en France depuis 1962. Mais aussi un triste bilan pour l’exécutif sortant : jamais un gouvernement n’avait été aussi éphémère sous la Ve République, proclamée en 1958.
Le coup est d’autant plus sévère pour le pouvoir que la censure a été largement votée, après trois heures et demie de débats très agités dans un hémicycle bondé, par 331 voix, alors qu’il en fallait 288.
Pour parvenir à ce résultat, les parlementaires de gauche et d’extrême droite du Rassemblement national, ainsi que ses alliés, ont voté ensemble pour censurer le gouvernement sur les questions budgétaires, alors que la France est très endettée.
La démission du président exigée
Le parti de gauche radicale La France insoumise (LFI) a immédiatement réclamé la démission du chef de l’Etat. Le président du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, a demandé Emmanuel Macron va partir
et a exigé élections présidentielles anticipées
.
La leader de l’extrême droite française Marine Le Pen a semblé plus mesurée dans sa première réaction, assurant qu’elle laisserait travailler
le futur chef du gouvernement de co-construire un budget acceptable par tous
. Je ne demande pas la démission d’Emmanuel Macron
dit-elle encore.
Élu en 2017 et réélu en 2022, le chef de l’Etat, dont le mandat court jusqu’en 2027, est qualifié par avance de fiction politique
demande sa démission. Il a déclaré mardi qu’il comptait remplir son mandat jusqu’à la dernière seconde
.
Le président français Emmanuel Macron est accueilli par le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman avant leur rencontre à Riyad, le 2 décembre 2024.
Photo : Getty Images / Ludovic Marin
-Tout juste revenu d’une visite d’Etat en Arabie Saoudite, Emmanuel Macron, au plus bas dans les sondages, doit désormais nommer un nouveau Premier ministre, ce qu’il entend faire rapidement, selon plusieurs de ses proches.
Mais la gauche, le centre et la droite semblent désunis et s’accordent ensuite sur un nouveau gouvernement de coalition.
Prochaine élection présidentielle en 2027
Marine Le Pen, trois fois candidate malheureuse à l’élection présidentielle, dont deux fois face à M. Macron, a les yeux rivés sur la prochaine présidentielle prévue en 2027. Mais son destin politique est suspendu à une décision de justice attendue le 31 mars. Elle risque cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat pour détournement de fonds du Parlement européen au profit de son parti.
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“Nous voterons la censure du gouvernement”, a déclaré la figure de proue de l’extrême droite française, Marine Le Pen. (Photo d’archives)
Photo: Getty Images / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
Il faut cependant que la France se dote rapidement d’un exécutif, car sa situation financière est difficile. Attendu à 6,1% de PIB en 2024, bien supérieur aux 4,4 % prévus à l’automne 2023, le déficit public ratera son objectif de 5 % en l’absence de budget, et l’incertitude politique pèsera sur le coût de la dette et la croissance.
Peu avant le vote de condamnation de son gouvernement, Michel Barnier s’est exprimé, moins pour dissuader les élus de voter la censure que pour fixer une date en cas de renversement de son gouvernement.
La France consacre 60 milliards d’euros par an au paiement des intérêts de sa dette, plus qu’à sa défense ou à l’enseignement supérieur, a-t-il rappelé.
On peut dire ce qu’on veut, c’est la réalité. Croyez-moi : cette réalité ne disparaîtra pas par la magie d’une motion de censure
a-t-il conclu.