La sécheresse engloutit les sols en Turquie – .

(Karapınar) Fatih Sik sait que la mort le guette depuis que deux énormes trous se sont formés dans son champ de maïs. Mais le fermier a appris à vivre avec la peur, car partir n’est pas une option.


Publié à 10h07



Fulya Ozerkan

Agence France-Presse

“Quand je suis sur mon tracteur, je ne peux pas m’empêcher de penser que (le sol) pourrait s’effondrer et je sais que la mort m’attendra en bas”, a déclaré à l’AFP cet agriculteur de 45 ans à Karapinar, dans la province centrale de Konya, grenier à blé de la Turquie.

« Mais je dois continuer à travailler, sinon ma famille va mourir de faim », se résigne-t-il.

Les dolines existent dans la région depuis des siècles, mais leur nombre a augmenté ces dernières années en raison de la sécheresse et de la surexploitation des eaux souterraines, affirment les experts.

Invisibles de loin, ces cavités, qui se forment là où les eaux souterraines dissolvent le substrat rocheux, peuvent atteindre 50 mètres de profondeur.

« L’une des principales causes des gouffres est le changement climatique », explique Arif Delikan, professeur à l’Université technique de Konya, qui a recensé 640 gouffres dans la province de Konya, dont 600 dans le district de Karapinar.

les autorités, il a identifié 2 700 zones à risques.

« Une vingtaine de trous se sont formés en un an à Karapinar », ajoute le spécialiste, marteau en main pour sonder le sol au bord d’un gouffre.

” Effrayant ”

L’année dernière, Adem Ekmekci était dans l’un de ses champs lorsque la terre l’a presque englouti.

« Mon pied a glissé d’un coup. J’ai regardé le sol et j’ai vu des fissures », raconte l’agriculteur de 57 ans, dont les 10 hectares de terres ont été le théâtre de deux gouffres en trois ans, chacun d’une cinquantaine de mètres de large.

« Quand je suis revenu, le sol s’était effondré et plusieurs arbres avaient été emportés. C’était vraiment effrayant. »

Un autre gouffre s’est formé à 10 mètres de sa maison en 2020. Le sol « s’est affaissé de 20 mètres », a-t-il dit, ajoutant qu’il avait trop peur pour dormir chez lui cette nuit-là.

Mais n’ayant nulle part où aller, il a lui aussi appris à vivre avec la peur, qui s’est emparée des habitants de la région, même si personne n’a encore été tué ou blessé.

Puits illégaux

La crainte est d’autant plus grande que les précipitations ont été 40% inférieures à la moyenne cet hiver dans la province de Konya, premier producteur turc de blé, de maïs et de betteraves sucrières.

« Des jours difficiles nous attendent », déclare Yigit Aksel, un agriculteur qui sait que l’irrigation, si précieuse pour ces cultures gourmandes en eau, est en partie responsable de la situation.

Face au manque de précipitations, certains agriculteurs ont foré des puits illégaux, fragilisant encore davantage le substrat rocheux.

Selon Arif Delikan, la sécheresse qui s’aggrave dans la région depuis deux décennies a accru la pression sur les eaux souterraines.

« L’eau qui était à la surface il y a 30 ans se trouve aujourd’hui à 40 mètres sous terre », explique-t-il.

En une décennie, le lac Meke, un lac de cratère à Karapinar, s’est asséché et s’est recouvert de sel.

Tourisme

PHOTO YASIN AKGUL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un hôtel de luxe de 13 chambres a ouvert ses portes dans un caravansérail seldjoukide vieux de 800 ans, situé au bord du gouffre le plus ancien et le plus célèbre de Turquie.

Mais des entrepreneurs tentent de transformer ce sol semblable à du fromage suisse en une opportunité.

Fin juin, l’un d’entre eux, Cem Kinay, a ouvert un hôtel de luxe de 13 chambres dans un caravansérail seldjoukide vieux de 800 ans, au bord du gouffre le plus ancien et le plus célèbre de Turquie.

À moitié rempli d’eau, le gouffre ressemble à un lac. « C’est la première fois que je vois ça, c’est impressionnant », s’exclame, fasciné, Seongmo Kim, un touriste sud-coréen.

Mais dans ce gouffre aussi, l’eau se fait rare.

Le grand-père de Gumus Uzun, un villageois, lui a raconté qu’il y a soixante ans, le gouffre était utilisé pour abreuver les moutons et laver le linge.

À l’époque, le niveau de l’eau était beaucoup plus élevé, a-t-elle expliqué. « Maintenant, il baisse. »

 
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