Procès pour viol à Mazan –
La peine maximale de 20 ans est requise contre Dominique Pelicot
L’homme qui a drogué et fait violer sa femme par des dizaines d’hommes recrutés sur internet encourt une peine maximale de vingt ans de prison.
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Le ministère public a requis lundi la peine maximale, soit 20 ans de réclusion criminelle, contre Dominique Pelicot pour ses « agissements ignobles », ayant, pendant une décennie, drogué, violé et fait violer sa femme par des dizaines d’hommes recrutés sur internet.
« 20 ans, c’est beaucoup parce que c’est 20 ans de vie, quel que soit l’âge, ce n’est pas rien. Mais c’est à la fois beaucoup et trop peu. Trop peu compte tenu de la gravité des faits qui ont été commis et répétés”, a insisté Laure Chabaud, deuxième représentante du ministère public à s’exprimer lundi matin devant le tribunal correctionnel du Vaucluse, à Avignon.
Onze semaines d’audiences
Après onze semaines d’audiences, ce procès à résonance internationale entre dans sa dernière ligne droite, l’accusation estimant qu’il s’agissait de « changer fondamentalement les relations entre hommes et femmes ».
Le cœur de ce procès est celui de la « domination masculine sur les femmes », a lancé l’un des représentants du parquet, Jean-François Mayet, à l’ouverture du réquisitoire ce lundi devant le tribunal correctionnel du Vaucluse.
Il a ainsi souligné que l’issue de ce procès « aux faits d’une gravité inimaginable » n’était « ni une condamnation ni un acquittement ». « Ce procès extraordinaire entraîne des réquisitions extraordinaires », a-t-il déclaré.
M. Mayet a salué le “courage” et la “dignité” de Gisèle Pelicot, victime de quelque 200 viols, dont la moitié ont été attribués à son ex-mari.
«C’est beaucoup d’émotion», a déclaré Mme Pelicot en entrant dans la salle d’audience. Hasard du calendrier, ce réquisitoire qui pourrait durer trois jours débute à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. “C’est un symbole de plus”, a déclaré Me Antoine Camus, l’un des deux avocats des parties civiles.
Une certitude : les réquisitions seront scrutées de près, car ce procès a eu un retentissement mondial et comme la principale victime, Gisèle Pelicot, 71 ans, a accédé au statut d’icône féministe après avoir refusé que le procès se déroule à huis clos, ” pour que la honte change de camp ».
“Conducteur”
Devant les magistrats professionnels composant le tribunal, le ministère public a débuté son réquisitoire par le « chef d’orchestre » de cette décennie de viols.
Dominique Pelicot, dénominateur commun des 50 coaccusés recrutés sur internet à qui il avait livré sa désormais ex-femme, préalablement sous sédatifs par anxiolytiques, à leur domicile conjugal de Mazan entre juillet 2011 et octobre 2020.
Il est difficile d’imaginer que la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle ne soit pas demandée contre lui.
Dominique Pelicot n’a jamais caché sa responsabilité, se qualifiant de « violeur ». «Je suis coupable de ce que j’ai fait (…) J’ai tout gâché, j’ai tout perdu. Je dois payer », a-t-il déclaré peu après le début du procès.
Même si la plupart des accusés sont poursuivis pour les mêmes faits, à savoir le viol aggravé de Gisèle Pelicot, et risquent donc également 20 ans de prison, l’individualisation des peines est obligatoire. Par exemple, pour distinguer les récidivistes – dix hommes sont venus plusieurs fois – de ceux qui ne sont venus qu’une seule fois à Mazan.
Ces hommes âgés de 26 à 74 ans pouvaient-ils légitimement croire qu’ils participaient au scénario d’un couple libertin, où la femme ferait semblant de dormir ? Ont-ils été « manipulés » par Dominique Pelicot ?
Ou bien leur discernement était-il altéré au moment des faits, comme l’ont encore suggéré mercredi les avocats de 33 d’entre eux ?
“Nuancer”
Enfin, l’accusation aura-t-elle la main plus lourde à l’égard des 35 accusés qui, à l’ouverture du procès, niaient toujours fermement avoir participé à un « viol », malgré les vidéos accablantes tournées par Dominique Pelicot ?
La revendication des groupes féministes, qui ont déployé une banderole dimanche soir devant le tribunal, est très claire : « 20 ans pour tout le monde ».
« Il faut nuancer les phrases. On ne peut comprendre cela qu’en suivant le procès”, a déclaré lundi à l’AFP Brigitte Jossien, une retraitée de 74 ans arrivée à 5h45 pour assister à l’inculpation, après avoir suivi la quasi-totalité de l’audience avec son amie Bernadette. Teyssonnière, 69 ans.
Les deux femmes ne croient pas que cet essai apportera des changements dans la société : « C’est l’éducation sexuelle dans les écoles qui va changer les choses » et aussi « des modules en faculté de médecine pour que les futurs médecins soient plus attentifs à la soumission chimique », juge Bernadette.
Couvert quasiment dans le monde entier, avec 138 médias accrédités dont 57 étrangers, cet essai a un retentissement bien au-delà des frontières françaises. Comme l’a encore témoigné jeudi le président de la Chambre des députés chilienne, Karol Cariola, saluant « le courage et la dignité » de Gisèle Pelicot, « une citoyenne ordinaire qui a donné une leçon au monde entier ».
Et ce week-end, des dizaines de milliers de personnes – de nombreuses femmes mais aussi des hommes – ont défilé dans toute la France pour réclamer un « sursaut » contre les violences faites aux femmes, beaucoup faisant référence à ce procès hors norme.
Par la suite, lundi matin, le gouvernement français a annoncé l’extension du dispositif permettant aux femmes victimes de violences sexuelles de déposer plainte dans un hôpital doté d’un service d’urgence ou de gynécologie.
A Avignon, la mise en examen est prévue sur trois jours, selon le calendrier officiel. Mais selon les informations recueillies auprès des différentes parties par l’AFP, elle pourrait se terminer en fin de matinée mercredi.
Après l’affaire Pelicot, le parquet devrait avancer crescendo avec d’abord les dossiers les moins graves, ceux de Joseph C., 69 ans, et Hugues M., 39 ans, respectivement accusés d’agression sexuelle et de tentative de viol, avant de s’attaquer au 48 d’autres (dont un en fuite).
Après l’acte d’accusation, les avocats de la défense auront la parole jusqu’au 13 décembre. Le tribunal aura ensuite une semaine pour délibérer, avec un verdict attendu le 20 décembre au plus tard.
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