La maison de Robert n’est plus qu’un tas de ruines. Des coquillages ont été déposés sur certains débris, qui occupent encore la plage.
L’homme de 86 ans est né et a grandi dans cette maison qu’il a dû quitter il y a quelques années. L’érosion de la côte, due à l’avancée constante de la mer, a provoqué l’effondrement de la maison familiale.
Selon le ministère sénégalais de l’Environnement, le pays, qui compte 700 kilomètres de côtes, voit son littoral reculer de 0,5 à 2 mètres en moyenne par an.
Robert a dû quitter sa maison pour s’installer à 800 mètres de la côte.
Photo: Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair.
Nous ne voulions pas bouger d’ici. J’ai passé ma jeunesse, mes études ici
déplore Mady, une voisine de Robert, qui a elle aussi été contrainte de s’installer dans une nouvelle maison à 500 mètres de l’océan, où il y a la chaleur qui te dérange
.
D’ailleurs, plusieurs de ces déplacés reviennent quotidiennement s’installer dans un petit endroit ombragé à quelques mètres de la plage pour échapper temporairement à la chaleur étouffante ressentie à l’intérieur des terres.
La maison de Mame Sarr est toujours debout, malgré la menace persistante de l’océan. L’homme de 70 ans aimerait y passer le reste de sa vie, un souhait qu’il sait difficile à réaliser, compte tenu du sort réservé aux résidences de ses voisins.
C’est ce que je souhaite, mais avec l’avancée de la mer, on est dans le doute. On peut faire 10 ans, ou un an et partir
dit-il.
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Les débris des maisons détruites jonchent encore la plage de Palmarin.
Photo: Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair.
Le phénomène, qui a bouleversé le quotidien des habitants de Palmarin, comme celui de nombreuses autres communautés le long des plus de 600 kilomètres de côtes sénégalaises, n’est pas nouveau.
Le géologue Pape Goumba Lo l’explique notamment par la composition du sol et les courants marins. Le professeur émérite souligne néanmoins une accélération, provoquée par des vagues plus fortes, conséquence du changement climatique, mais aussi par un aménagement important du littoral.
La meilleure façon de protéger le littoral est d’avoir une vision, une stratégie d’aménagement du littoral.
Le professeur émérite, qui suggère de mieux protéger les espaces naturels côtiers, propose également des mesures de protection pour éviter des scénarios similaires à ceux de Palmarin.
Selon lui, la construction de brise-lames, sortes de murets, le long des côtes permettrait de réduire l’intensité des houles des vagues.
Certaines ont déjà été érigées au large de la ville de Saly, une communauté touristique au sud de Dakar, mais cette solution présente un défi de taille : le coût.
C’est cher, et c’est là que nous avons besoin de soutien
confirme Asiatou Sophie Gladima, maire de la petite ville de Joal. L’élue a elle-même installé des enrochements devant sa résidence, afin de limiter les impacts de la progression des eaux.
Ailleurs, certaines communautés ont préféré ériger des murs en bois pour protéger le littoral.
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Des morceaux de bois sont utilisés pour limiter l’érosion sur l’île de Diogué, au Sénégal.
Photo : Reuters / ZOHRA BENSEMRA
Cet ancien ministre déplore les impacts, notamment économiques, du phénomène. Cette avancée de la mer détruit l’habitat du poisson, alors que l’on attend beaucoup de la pêche
indique-t-elle.
L’homme politique, qui a participé à plusieurs COP, estime qu’une partie des fonds internationaux dédiés au climat pourrait servir à atténuer l’impact de l’érosion côtière, non seulement celles du Sénégal, mais aussi de plusieurs pays africains. l’Occident, confronté au même phénomène.
Le premier à payer pour ce changement climatique est l’Afrique et surtout les populations des côtes.
Partir ou rester ?
Après l’arrivée au pouvoir d’un nouveau président en mars, le gouvernement sénégalais a ordonné la suspension des permis de construire dans certaines zones côtières, notamment à Dakar, la capitale.
Un projet de loi présenté sous l’ancien gouvernement et toujours à l’étude vise également à encadrer le développement du littoral.
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Un campement a été installé dans la région de Saint-Louis pour accueillir les résidents des régions côtières.
Photo : afp via getty images / JOHN WESSELS
Dans la région de Saint-Louis, au nord du pays, leLUIla Banque mondiale et le gouvernement sénégalais ont investi des dizaines de millions de dollars pour réinstaller environ 15 000 habitants des côtes.
Cependant, tout le monde ne bénéficie pas d’une telle aide. Pour Mame Sarr, qui vit sur la côte de Palmarin depuis sa naissance, déménager n’est pas de tout repos.
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Mame Sarr n’a pas les moyens de déménager, même si sa maison est menacée par l’avancée de la mer.
Photo: Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair.
Le septuagénaire a néanmoins acheté un terrain loin de la côte, mais comme on n’a pas les moyens, on ne part pas
dit-il.
Sans solution à l’horizon, il se demande même si son fils ne devrait pas tenter sa chance très très loin de Palmarin.
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De nombreuses maisons ont été détruites à Palmarin, au Sénégal.
Photo: Radio-Canada / Raphaël Bouvier-Auclair.
Si je vois une pirogue partir d’ici pour aller en Espagne ou au Canada, je vais lui dire : « Allez mon fils, peut-être que tu ramèneras quelque chose pour qu’on puisse construire ailleurs »
» avoue-t-il, en référence aux milliers de jeunes qui quittent chaque année le Sénégal pour entreprendre une traversée clandestine très dangereuse, souvent vers les îles Canaries. Ces derniers mois, les naufrages ont fait des dizaines de morts.
Malgré les risques, Mame Sarr ne peut s’empêcher de voir de l’espoir dans cette mer qui, pour lui, est devenue une menace constante.