“Un escadron de drones d’attaque”un « attaque complexe » et « des dizaines de milliers de combattants prêts à affronter l’armée israélienne ». Depuis plusieurs jours, le Hezbollah multiplie les satisfactions et les vantardises. Malgré les explosions meurtrières de téléavertisseurs et de talkies-walkies piégés ciblant des centaines de ses membres. Malgré l’assassinat de son leader, Hassan Nasrallah, le 27 septembre. Et malgré l’intensification des raids aériens israéliens sur ses fiefs du Sud-Liban et de la plaine de la Bekaa le 23 septembre.
Le message est clair : le mouvement islamiste libanais veut montrer qu’il tient le coup. Mais derrière cette propagande visant l’État hébreu et ses propres combattants, dans quel état se trouve réellement ce Parti de Dieu Hezbollah – qui comptent parmi les acteurs non étatiques les plus puissants au Moyen-Orient ?
“Ce n’est pas le Hamas”
La comparaison avec les trente-trois jours de guerre de l’été 2006 parle d’elle-même : il y a dix-huit ans, pas un seul dirigeant militaire ou politique du Hezbollah n’avait été tué par Israël, malgré des tentatives répétées. Et à la fin des combats, le mouvement se relève, couronné d’une « victoire » avec Hassan Nasrallah considéré comme une rock star par ses partisans.
Aujourd’hui, son remplaçant et ancien numéro deux, Naïm Qassem, tente de se présenter comme l’homme de la reconstruction. Malgré les coups portés, il a réitéré le 6 novembre sa détermination à poursuivre la lutte contre Israël.
« Le Hezbollah est certes très affaibli, mais ce n’est pas le Hamas. Elle compte un nombre bien plus élevé de soldats expérimentés et un armement bien supérieur, note Joseph Daher, professeur à l’Université de Lausanne, auteur d’un essai sur le Hezbollah (1). Ils résistent aux roquettes envoyées presque quotidiennement sur les sites militaires israéliens. Ils ont conservé l’essentiel de leur arsenal à longue portée et plus destructeur. »
Des sources israéliennes, les seules disponibles à ce sujet, parlent de 120 000 à 150 000 roquettes restantes sur les 200 000 attribuées au mouvement, précise le chercheur.
Même si le Hezbollah a infligé des pertes notables à l’armée israélienne dans ses tentatives d’infiltration terrestre dans le sud, détruisant plusieurs chars et causant la mort de plusieurs dizaines de soldats, l’Institut pour l’étude de la guerre, basé à Washington, estime que le mouvement « n’a jusqu’à présent pas réussi à mener efficacement une campagne militaire majeure ». Mais, ajoute-t-il, « Cette dégradation du Hezbollah et les graves perturbations qu’il connaît sont probablement temporaires, et le groupe peut se reconstituer si les opérations israéliennes cessent bientôt. »
Aucune alternative crédible
Organisation armée, le Hezbollah est aussi un groupe politique. « Même si elle connaît le plus grand défi politique et militaire depuis sa création, elle ne disparaîtra pasestime Joseph Donc. Contrairement à d’autres partis libanais, comme le Courant du Futur, fondé par Rafik Hariri. »
Et le chercheur ajoute : « C’est un parti structuré, organisé, avec des institutions qui fonctionnent, même affaiblies par la guerre et les bombardements israéliens.. Le Hezbollah sera confronté à de réels défis après la guerre, comme la question de la reconstruction et de la fourniture de services et d’assistance à sa base populaire, qui souffre énormément. Dans le contexte actuel, l’hypothèse d’un départ massif du parti mérite d’être fortement nuancée. »
Joseph Donc pointe « l’absence d’une alternative politique massive et crédible au mouvement », en ajoutant que « la communauté chiite qui le soutient ne rejoindra probablement pas une opposition comme les Forces Libanaises de Samir Geagea (le principal bloc parlementaire chrétien). »
(1) Hezbollah. Un fondamentalisme religieux à l’épreuve du néolibéralisme, Serment. Syllepse, 2019, 284 p., 22 €.