Les élections américaines remettent la fluoration de l’eau sur le devant de la scène, l’administration Trump s’étant engagée à éradiquer cette mesure de santé publique. Le débat fait également rage à Montréal, où la Ville a décidé de cesser de fluorer l’eau dans l’ouest de l’île d’ici la fin de l’année.
Publié à 1h12
Mis à jour à 6h00
« Le 20 janvier, la Maison Blanche de Trump recommandera que tous les systèmes d’approvisionnement en eau américains éliminent le fluorure de l’eau publique. Le fluorure est un déchet industriel associé à l’arthrite, aux fractures osseuses, au cancer des os, à la perte de QI, aux troubles du développement neurologique et aux maladies de la thyroïde », a soutenu ces derniers jours le confident de Donald Trump en matière de santé, Robert F. Kennedy Jr..
Les experts ont rapidement dénoncé les propos du politicien controversé. Beaucoup craignent l’influence de l’ancien candidat indépendant à la présidentielle, qui pourrait hériter d’un poste clé dans l’administration du leader républicain.
À Montréal, un débat similaire bat son plein. Plus de 20 ans après les fusions, l’agglomération vient d’annoncer qu’elle voterait une recommandation pour arrêter la fluoration d’ici fin 2024. La métropole n’a jamais fluoré son eau, mais depuis les fusions, la Ville doit gérer deux usines utilisant cette eau. processus : ceux de Pointe-Claire et de Dorval. Ceux-ci fournissent 5 % de l’eau potable consommée sur l’île.
La décision frustre déjà les élus locaux. «Ils ont fait cela sans consulter les villes concernées, sans nous parler», affirme sans détour le maire de Beaconsfield, Georges Bourelle.
C’est une décision unilatérale de Montréal. Pour moi, c’est un manque de respect envers la population.
Georges Bourelle, maire de Beaconsfield
L’administration montréalaise affirme qu’une analyse effectuée par son Service de l’eau conclut que le fluorure est « un produit très corrosif qui peut endommager, à long terme, les infrastructures d’eau », d’autant plus que le traitement des eaux usées n’éliminerait pas le fluorure de l’eau. «Le fluorure est donc finalement rejeté dans le fleuve Saint-Laurent avec des impacts peu documentés sur la faune et la flore aquatique», explique par courriel un porte-parole de la Ville, Hugo Bourgouin.
Que dit la Santé publique ?
Georges Bourelle voit les choses différemment. Son administration vient d’adopter une motion au conseil municipal du 21 octobre, appelant Montréal à changer d’avis. « La fluoration permet à chacun de maintenir une bonne santé bucco-dentaire, notamment les enfants. C’est très important pour nous», insiste le maire.
D’autres villes, comme Baie-d’Urfé, dénoncent également la situation. Son directeur général, Nicolas Bouchard, affirme que Montréal « va ainsi à l’encontre de la position de la Santé publique ».
À Santé publique de Montréal (DRSP), nous maintenons que la fluoration de l’eau est « une intervention efficace pour prévenir ou stopper la carie dentaire chez les enfants ». Dans un rapport remis aux autorités en novembre 2023, la DRSP recommandait même à la Ville d’évaluer « la faisabilité et [les] les coûts pour financer les infrastructures requises dans un scénario de fluoration étendue de l’eau dans la région de Montréal.
Néanmoins, la Santé publique souligne que « c’est en grande partie grâce à l’utilisation de dentifrices fluorés que les caries dentaires ont diminué de manière significative au cours des 30 dernières années ». « La plupart des dentifrices […] contiennent une dose optimale de fluor», note Geneviève Paradis, conseillère en relations avec les médias.
C’est ce qui a fait dire à la Ville de Montréal que la fluoration « n’est pas nécessaire à la production d’une eau potable d’excellente qualité ».
M. Bourelle réfute cette vision. “C’est bien beau de dire aux gens d’acheter du dentifrice avec [du fluor]mais tout le monde ne peut pas se le permettre. La fluoration de l’eau permet de réduire les inégalités sociales de santé », insiste l’élu.
De moins en moins courant, mais…
À ce jour, dans le reste du Québec, presque toutes les municipalités ont abandonné la fluoration de l’eau, à l’exception de Saint-Georges, en Beauce. Cependant, d’autres provinces, comme le Manitoba et l’Ontario, continuent d’utiliser ce traitement.
Si sa recommandation d’arrêter la fluoration est approuvée à l’échelle de l’agglomération, Montréal affirme qu’environ 100 000 $ en frais d’exploitation seront réorientés, annuellement, « en frais d’exploitation vers les efforts d’entretien d’autres équipements nécessaires à la production d’eau potable. Cette somme permettra également de « réduire le déficit de maintien des actifs ».
« Des économies annuelles d’environ 25 000 $ pourraient également être réalisées sur l’achat de produits chimiques », soutient encore M. Bourgouin.
Selon les élus de l’Ouest-de-l’Île, des contre-exemples existent partout au Canada. À Calgary, par exemple, la Ville envisage de réintroduire la fluoration de l’eau l’an prochain après l’avoir exclue depuis 2011. C’est un référendum citoyen, suite à une dégradation de la santé dentaire des enfants, qui a permis le retour de la fluoration dans cette Alberta. ville.
Le problème, c’est que depuis, les coûts de réintroduction de la fluoration ont augmenté de manière significative et, selon certains dentistes, les problèmes dentaires ont également augmenté, explique M. Bourelle. « Cela démontre très bien que si nous voulons revenir sur nos pas par la suite, il sera trop tard. L’erreur sera commise », ajoute-t-il.