Le dirigeant allemand a limogé mercredi son ministre des Finances, chef du parti libéral. Il compte désormais soumettre une question de confiance aux députés à la mi-janvier, en vue des élections législatives de mars, six mois avant la date prévue.
La coalition gouvernementale au pouvoir en Allemagne a fait long feu. Le limogeage de Christian Lindner, ministre des Finances, a marqué la fin, mercredi 6 novembre, de cette alliance fragile entre les sociaux-démocrates du SPD, leurs alliés écologistes, à gauche, et les libéraux du FDP, à droite. “Trop souvent, il a trahi ma confiance”a justifié le chancelier allemand Olaf Scholz. Dans la foulée, le Parti libéral-démocrate a annoncé que tous ses ministres quitteraient le gouvernement, privant ainsi le chancelier de sa majorité à la Chambre des députés.
Olaf Scholz posera donc une question de confiance aux députés allemands à la mi-janvier, en vue des élections législatives de mars – six mois avant la date normalement prévue. Mais ce timing demande : y a-t-il un lien avec la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis ? « Un mauvais concours de circonstances »sourit Paul Maurice, secrétaire général du Comité d’étude sur les relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri. “Il y avait déjà eu des négociations entre les membres de la coalition la semaine dernière, on s’attendait à ce qu’elles tombent mercredi.” Ces derniers mois, l’écart n’a cessé de se creuser entre les ailes gauche et droite de l’alliance initiée il y a près de trois ans, fin novembre 2021. Différences budgétaires, querelles internes, opposition de l’électorat libéral. .. Voici les étincelles qui ont allumé la mèche.
Les différences budgétaires étaient trop profondes
Les tensions se sont cristallisées autour de l’orientation budgétaire à prendre. En pleine préparation du budget 2025, l’aile gauche de l’alliance voulait ouvrir les vannes pour relancer l’économie nationale, quand les libéraux plaidaient pour des coupes sociales et une stricte discipline budgétaire. « Le principal problème était le frein à l’endettement, prôné par le ministre des Finances »et qui impose un déficit budgétaire maximum de 0,35% à l’économie allemande, explique Paul Maurice. « Cela a bloqué les Verts de la transition énergétique et, pour tous les partenaires, des investissements dans la défense et la sécurité »une question devenue centrale depuis l’invasion russe de l’Ukraine.
Le choc des cultures budgétaires est d’autant plus marqué que l’économie allemande souffre. Le pays n’a pas été épargné par l’inflation et sa croissance pour 2024 devrait être nulle. La mise en œuvre de certaines mesures menées par la gauche n’a donc pas vu le jour ou a eu une portée limitée, selon Paul Maurice : “Le La situation économique aggravée par la guerre en Ukraine n’a pas permis d’accélérer la transition énergétique en se passant du charbon car la hausse du prix du gaz rendait cela impossible. Même chose pour l’augmentation du Smic horaire en 2022, qui “ne s’est pas fait très sentir face à une inflation galopante”ajoute-t-il.
Ce qui a finalement mis le feu aux poudres, c’est un document de 18 pages, qui a fuité samedi dans la presse allemande. Christian Lindner expose une série de mesures, dont la fin de la taxe de solidarité et l’abandon des objectifs climatiques. Le texte relève du « rhétorique néolibérale » et “n’est pas compatible avec le contrat de coalition”a réagi le député SPD Nils Schmid au Miroir quotidien. Pour surmonter ces désaccords de plus en plus graves, Olaf Scholz a organisé mercredi de nouvelles négociations, qui se sont révélées être les dernières.
La coalition a été minée par les dissensions
“Égoïste”, “irresponsable”… Olaf Scholz n’a pas mâché ses mots lorsqu’il s’est adressé à la presse après avoir licencié Christian Lindner. Un membre du gouvernement « doit être prêt à faire des compromis dans l’intérêt de tous les citoyens. Mais ce n’est pas ce qui intéresse Christian Lindner pour le moment», a martelé le chancelier allemand, preuve de la relation exécrable qu’il entretenait avec son ministre.
« Christian Lindner se soucie de sa propre circonscription. Il s’inquiète de la survie à court terme de son propre parti.»
Olaf Scholz, chancelier allemandlors d’une conférence de presse
Le leader du FDP n’a pas été tendre avec ceux qui étaient ses alliés. Christian Lindner, par exemple, a qualifié les propositions économiques d’Olaf Scholz de “terne” et critiqué le ministre écologiste de l’Économie pour son « impuissance conceptuelle ». « Il s’est comporté dès le début comme un leader de l’opposition au sein du gouvernement auquel il appartient »estimait fin octobre Markus Linden, politologue à l’université de Trèves, avec L’Express.
Christian Lindner a remercié, “Les autres ministres FDP ont expliqué qu’ils allaient remettre leur démission au chancelier”a déclaré le président du groupe parlementaire du mouvement, Christian Dürr. “Les relations entre les libéraux et les autres membres de l’alliance ont été compliquées par leurs visions différentes, pointe Paul-Maurice. Culturellement, le Parti libéral s’est orienté plus à droite qu’il y a trente ans.» Le spécialiste nuance néanmoins : « Il y a certains ministres libéraux avec qui c’était plus facile. Le ministre des Transports n’a pas démissionné du gouvernement mais du FDP, par exemple.»
Les électeurs libéraux voient cette alliance d’un mauvais œil
La base du Parti libéral-démocrate se montre de plus en plus dure envers ses élus. Au début de l’année, les députés ont demandé la tenue d’un vote sur le maintien ou non du parti dans la coalition. Le «oui» l’a emporté de justesse, avec 52,2% des suffrages, rappelle Le monde. Mais, quelques mois plus tard, dans une enquête d’opinion relayée fin septembre par le Miroir quotidien63% des électeurs du FDP ne se sont pas déclarés opposés à un départ de leurs députés du Bundestag – l’équivalent du Parlement en France.
« Les électeurs libéraux leur reprochent d’avoir participé à ce gouvernement et d’avoir fait des compromis. » décrypte Paul Maurice. Un argument également avancé par Christian Lindner. « Nos électeurs nous disent que nous nous concentrons trop sur l’écologie et les questions sociales. Le programme et les valeurs du FDP ne sont pas le problème.» a-t-il insisté dans une interview au média Table Today. «Le FDP a entendu cette opposition»conclut Paul Maurice.