La farce sordide de Donald Trump

Depuis quelques temps, les accusations de fascisme contre Donald Trump se multiplient. Ressentiment contre les élites, méfiance à l’égard des immigrés, nostalgie d’une grandeur perdue, mépris des autorités démocratiques, tous les ingrédients sont là, y compris le culte du leader, dont l’ego démesuré semble se confondre pour ses partisans avec le destin de la nation.


Publié à 1h38

Mis à jour à 7h00

Après les commentateurs et les politiques, c’est désormais les militaires qui tirent la sonnette d’alarme. L’ancien général Mark Milley est catégorique : « Donald Trump est un fasciste dans l’âme. » Étonnamment, Trump n’a pas rejeté les accusations, du moins pas immédiatement, saluant même la loyauté des chefs militaires envers le Führer. Mais peut-on néanmoins faire un parallèle direct avec les années 1930, celles du nazisme et du fascisme mussolini ? En d’autres termes, l’histoire est-elle sur le point de se répéter ?

Au milieu du 19ème sièclee siècle, alors que Napoléon III venait de prendre le pouvoir par un coup d’État, exactement comme Napoléon Bonaparte l’avait fait au moment de la Révolution française, Karl Marx écrivait ceci : « Tous les grands événements et tous les grands personnages de l’histoire du monde se produisent, pour ainsi dire, deux fois. La première fois comme une grande tragédie, la deuxième fois comme une farce sordide. »

Ce que Marx a voulu souligner, c’est que l’Histoire, lorsqu’elle se répète, tend à devenir une parodie d’elle-même, quelque chose de risible et parfois même de grotesque, ce qui n’en rend pas moins inquiétante.

Le passage de la tragédie à la farce a été particulièrement évident lors du grand rassemblement de Trump la semaine dernière à New York. Après un moment de contemplation, marqué par la prière d’ouverture (« Seigneur, nous reconnaissons que la vraie sagesse vient de Toi » ; « rappelle-nous que ce pays a été fondé sur la vérité, l’espérance et l’amour ») et l’hymne national chanté dignement devant de policiers au garde-à-vous, autant d’éléments de décorum qui rappelaient que l’heure était sérieuse, puis apparut, tel un farceur sorti de nulle part, Tony Hinchcliffe, un comédien vulgaire et médiocre dont la présence allait contredire point par point le discours solennel. formules qui venaient d’être prononcées.

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PHOTO ANDREW KELLY, ARCHIVES REUTERS

Le comédien Tony Hinchcliffe à son arrivée sur scène au Madison Square Garden le 27 octobre à New York

À Hinchcliffe, il n’y a pas de sagesse de Dieu ni d’amour du prochain : seulement des blagues misogynes et xénophobes, sur les nazis et Hillary Clinton, sur Porto Rico comparé à « une île d’ordures » et sur les Latinos qui « font beaucoup de bébés ». », autant de remarques dégradantes qui ont été lancées avec la légèreté d’un bad boy habitué à s’en tirer en prétendant que c’était juste pour s’amuser.

La présence de cet comédien venu faire preuve de décorum n’était pas une anomalie. En transgressant les règles de la bienséance, en se moquant de tout le monde sans prendre le poids de ses propos, en se montrant intolérant et rétrograde, Hinchcliffe a offert l’image exacte de Trump. Ou si vous préférez : il jouait Trump. Il tient des propos décousus et lance des insultes, bref il se défoule, persuadé qu’il suffit de se moquer de quelque chose pour le discréditer.

C’est le cas des accusations de fascisme adressées à Trump, que ses partisans balayent d’un revers de main. L’admiration pour Hitler et ses généraux, les menaces de procès, d’arrestations et d’expulsions massives, tout cela est, selon eux, une grossière exagération. «Il est ironique», a déclaré la semaine dernière avec une candeur étonnante un commentateur à la télévision publique, comme si les excès de Trump ne comptaient pas.

Or, c’est précisément le problème posé par la situation politique actuelle.

Si le fascisme incarné par Trump a quelque chose de nouveau par rapport à celui des années 1930, c’est justement son ambiguïté, le fait qu’il se balance sur la frontière qui sépare le sérieux du comique, dont il utilise l’ironie comme une évasion ou un alibi.

La stratégie de provocation adoptée par le candidat républicain, qui peut aller jusqu’au grotesque (cette semaine, on l’a même vu conduire un camion poubelle), témoigne de la nouvelle ligne de conduite des dirigeants autoritaires. Un peu partout en Occident, de Javier Milei à Geert Wilders, les fascistes du carnaval bousculent les codes : pour eux, tout ce qu’on prend au sérieux n’est pas si sérieux et tout ce qu’on ne prend pas au sérieux l’est réellement.

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PHOTO BRENDAN MCDERMID, ARCHIVES REUTERS

Le candidat républicain à la présidentielle Donald Trump à bord d’un camion poubelle aux couleurs de sa campagne mercredi dernier dans le Wisconsin

Bref, dans cette version postmoderne du fascisme, le monde est un jeu : rien n’est vrai, et tout est vrai, comme dans la télé-réalité, où Trump jouait le rôle principal, et comme dans la lutte professionnelle, dont Hulk Hogan était la star. champion. C’est aussi le sens du spectacle qu’a offert le vieux lutteur dimanche dernier en déchirant ses vêtements une énième fois devant les supporters républicains : la scène a beau avoir été aussi kitsch que ridicule, elle n’en a pas moins été l’expression d’une colère contagieuse.

Et c’est cette colère qui a émergé des interventions délivrées par les célébrités venues soutenir Trump. Une colère qui les a autorisés à traiter un juge de « merde » et Kamala Harris de prostituée et d’« antéchrist », selon les mots hallucinatoires de David Rem, ami d’enfance de Trump, qui dans son délire brandissait un crucifix comme s’il participait à un exorcisme. session. Une colère qui habitait sans doute aussi Elon Musk, qui ne semblait pas se souvenir qu’un autre constructeur automobile célèbre, Henry Ford, s’était prononcé en son temps en faveur d’un homme « fort », un certain… Hitler.

Bien sûr, nous ne sommes pas à l’époque du nazisme et Trump n’est pas Hitler. Mais la farce sordide à laquelle nous assistons n’est pas sans conséquences. Une parodie du fascisme reste du fascisme, avec les dangers bien réels que cela comporte. Élection de Trump ou pas, cette triste plaisanterie risque de perdurer.

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