Le samedi 2 novembre, c’était la Fête des Morts. Nous n’avons pas fait la fête durement. Pas de problème, on peut se remettre sur les rails puisque nous sommes, sachez-le, en pleine fête des morts.
Publié à 1h28
Mis à jour à 6h00
La programmation débute le 31 octobre avec Halloween, dont le nom est une contraction des mots anglais Réveillon de Toussaintqui signifie « la veille de la Toussaint ». Le 1est Novembre est en fait la Toussaint, célébrant les morts des personnalités de l’église chrétienne : les saints. Le 2 novembre est la Journée des Morts, commémorant les morts ordinaires, comme ceux que vous et moi serons un jour. N’oublions surtout pas le jour du Souvenir, le 11 novembre, qui rend hommage aux soldats tombés au combat. Et tous les autres jours du mois sont également dédiés au défunt, le pape Léon XIII, en 1888, ayant désigné novembre mois des morts. Beaucoup!
Est-ce que tout cela vous déprime, vous refroidit au plus haut point ? C’est précisément le problème. Les morts n’ont jamais droit aux célébrations qu’ils méritent car nous, les vivants, les regardons toujours avec nos visages funéraires. Soit on les célèbre de manière sobre, sombre ou précipitée, soit on les oublie complètement. Cependant, nous leur devons tellement que nous devrions les célébrer en grand !
Il y a tellement de personnes disparues qui font partie de notre quotidien. De l’inventeur de la roue à celui de l’iPhone, de Jean-Sébastien Bach à Jean-Pierre Ferland, de Victor Hugo à Alice Munro, de nos parents à des amis partis trop tôt. Nous vivons avec les morts.
Les morts ne sont pas morts, puisque leur vie a servi et sert encore à nous amener là où nous sommes. Leurs cendres sont peut-être dans les cimetières, mais ce qu’ils ont semé en nous et dans le paysage continue de croître.
Continuez à fleurir. Il y a des raisons de se réjouir. Pas seulement en se lamentant.
Il faudrait s’inspirer du Mexique. LE Jour des Morts qui s’y déroule début novembre est une fête des morts remplie de joie de vivre. Une manifestation de l’amour et du respect que les Mexicains ressentent envers les âmes perdues. Ils se déguisent, se maquillent, défilent, chantent, dansent, mangent, s’éclatent. Bref, ils font la fête. Pas le visage.
Sur les autels, ils déposent des offrandes, des fleurs, de l’eau, de la nourriture, des bougies et des photos de famille. Ils récitent des poèmes remplis d’humour. Ils décorent les rues avec du papier de couleur. Ils donnent des concerts. On est loin de la couronne de fleurs posée toute en noir à côté du corbillard. En donnant de l’amour à leurs morts, ils apprivoisent du même coup leur propre mort.
Bien sûr, le départ d’un proche est une douleur infinie, une blessure toujours à vif.
L’idée n’est pas de le cacher, de le figer ; l’idée est de permettre à cette souffrance d’exprimer sa beauté. La beauté d’un lien qui ne se rompt jamais.
Sommes-nous capables de prévoir un mois de morts mexicaines ? Plutôt que de sombrer dans le désespoir, nous en profitons pour rendre hommage à ceux qui nous ont quittés, avec courage et brio. Que novembre devienne le mois du souvenir. En mémoire.
Chaque fois qu’une personnalité marquante meurt, nous sommes émus, nous épanchons notre cœur, nous parlons de sa grandeur, de son caractère inoubliable. Alors… on l’oublie. Et nous passons à la prochaine légende décédée. Pourquoi ne profiterions-nous pas du mois de novembre pour nous remémorer tous ces souvenirs inoubliables déjà oubliés ?
Et pour vous préparer à un mois de novembre plus lumineux que sombre, permettez-moi de vous proposer un chant sur la mort, qui élève plutôt qu’enterre. C’est, à mon avis, la plus belle chanson de tous les temps sur la mort. Je redeviens le ventde Martin Léon :
J’ai quitté mes amours, j’ai quitté mes amis sans nous séparer
J’ai quitté mon voyage, je suis parti aujourd’hui, je deviens un souvenir
Je redeviens le vent
Je fais voler l’oiseau, je fais chanter l’océan
Invisible à nouveau, je vivrai au printemps
Désormais
J’ai quitté mon travail, ma peau, mon sang
Je redeviens le vent…
J’ai plus d’avenir, j’ai que tout mon temps
Comme un premier désir, comme un soleil levant
Pour toi désespérément
Ce n’était qu’un court instant
Je redeviens le vent
Enlevez le r à la mort et cela devient un mot. Léon a trouvé les mots pour apaiser nos angoisses mortelles. Et sa musique l’adoucit aussi. Un chef-d’œuvre.
Profitons du mois de novembre pour penser à nos morts, pour parler de nos morts, pour aimer nos morts.
Il est trop tard pour boire à leur santé, mais encore assez tôt pour boire à leur éternité.