« Rien ne me fera taire », ces députés français qui osent faire entendre leur voix dissonante

« Rien ne me fera taire », ces députés français qui osent faire entendre leur voix dissonante
« Rien ne me fera taire », ces députés français qui osent faire entendre leur voix dissonante

Sans surprise, son groupe est principalement contre l’aide active à mourir, l’une des dispositions clés du projet de loi, mais elle y est personnellement entièrement favorable. “Je pense que nous devrions avoir la liberté de choisir notre fin de vie, avec sérénité et tranquillité. C’est un droit individuel et collectif que nous devrions avoir et qui est d’autant plus nécessaire que 80 % des Français y sont favorables.».

Chez LR, une dizaine de députés, sur un total de 60, ne partagent pas la ligne officielle du parti. Rappelons que le texte, annoncé par le chef de l’Etat, prévoit notamment la mise en place de l’aide à mourir (par produit mortel) pour les personnes atteintes d’une maladie incurable au pronostic vital engagé, la création d’Ehpad. l’accompagnement des personnes en fin de vie et la rénovation de l’approche de la douleur et de la gestion de la fin de vie, en intégrant la notion de soins palliatifs à celle de soins de support.

Huit ans après la loi Claeys-Leonetti, Emmanuel Macron annonce, pour avril, un texte sur l’aide à mourir, un cadre qui permettra le recours à l’euthanasie qui ne dit pas son nom.

Déchirures internes

Les Républicains ne sont pas la seule famille politique à se déchirer en interne à cause de la fin de vie : au sein de chaque camp – des communistes aux nationalistes d’extrême droite – des voix dissonantes s’élèvent, illustrant la complexité et la sensibilité de ce sujet éthique et sociétal. A gauche, le député socialiste de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier entend aussi faire entendre sa petite musique, quitte à choquer la majorité de ses camarades qui réclament depuis des années (depuis (2017, cinq élus ont déposé des propositions législatives très similaires).

Ce droit de tuer serait une pausenous explique-t-il. Cette loi, qui sera sans doute largement votée, serait profondément indécente, peu républicaine en termes d’égalité. C’est à mes yeux une tendance qui pourrait faire des personnes les plus précaires et les plus fragiles les premières victimes.». Il va encore plus loin : « Comment peut-on être de gauche et défendre un tel texte ? il proteste. Si c’est du progressisme… ».

Pourtant, sa famille politique milite depuis des années pour la légalisation de l’aide active à mourir. “Il faut entendre les revendications de ceux qui considèrent, parce qu’ils restent des citoyens à part entière, que leur vie n’est que survie et qu’elle ne correspond pas à leur conception personnelle de la dignité humaine. […] et qu’il faut offrir une aide à mourir active, humaine et responsable plutôt qu’une agonie qui peut durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines.», décrit le PS dans un communiqué. Certains, comme l’écologiste Sandrine Rousseau, militent même pour un accès à l’aide médicale à mourir plus large que ce que prévoit le texte gouvernemental.

« La pratique de l’euthanasie en Belgique est sur la voie de déviations inquiétantes »

« La liberté de voter en son âme et en sa conscience »

Aux yeux du politologue Alexis Massart, l’existence et l’expression de points de vue divergents au sein de chaque groupe politique, comme ce fut le cas lors du mariage égalitaire, de la dépénalisation de l’avortement ou de l’abolition de la peine de mort, est plutôt «rassurant». “Loin des divisions habituelles que l’on retrouve entre les différents partis, on entend des arguments plus profonds et moins caricaturaux sur des sujets sociétaux. Les groupes parlementaires s’accordent même parfois pour ne pas donner d’instructions de vote à leurs troupes et laisser chacun voter selon son âme et sa conscience.».

Encore faut-il que les dissidents n’abusent pas de la liberté d’expression que leur accorde le parti. “Tout dépend du ton utilisé par le parlementaire en désaccord, de la récurrence et de l’intensité de son opposition, souligne le politologue. S’il exprime une opinion personnelle, fruit d’une croyance ou d’une expérience de vie, elle est tolérée. S’il veut réellement jouer un coup politique, comme l’ont fait les rebelles à l’époque de François Hollande, cela risque d’être beaucoup moins bien accueilli.».

Dominique Potier (PS) a pour sa part bien conscience de marcher sur des œufs : «Cette liberté d’expression que je peux avoir au sein de mon groupe, je m’efforce de l’utiliser intelligemment. Aucune limite ne m’a été imposée ; rien ne me fera taire, mais je dois rester à la place qui me revient, sans chercher à capter toute l’attention car ma position est minoritaire ».

« Les gens qui demandent l’euthanasie sont extrêmement vivants, plus que moi »

Le son de la cloche n’est pas le même à droite. La députée LR Frédérique Meunier accuse même son parti de «calculs politiques». “Ils sont en position d’opposition à un projet de loi présenté par le gouvernement. Le pire, c’est que je suis convaincu que leurs calculs ne sont pas bons : à dix jours des élections européennes, nous apparaîtrons encore comme un parti dépassé et conservateur, incapable d’évoluer.» dit-elle, tout en excluant farouchement l’idée d’abandonner sa formation.

Selon Alexis Massart, les calculs politiques peuvent de facto exister, même s’ils n’empêchent pas la sincérité : «Exprimer son désaccord avec sa famille politique est aussi une manière pour un élu de démontrer son éthique et son courage politique à ses électeurs. Si derrière une conviction personnelle, une histoire peut s’écrire… pourquoi s’en priver ? ! », ironise-t-il.

« Un souffle de démocratie »

Les divisions internes de nos élus sur le sujet délicat de la fin de vie ont au moins le mérite de maintenir vivant le débat parlementaire. “Cela prouve que nos groupes politiques ne sont pas unis, j’y vois une forme de respiration de la démocratieestime Dominique Potier. Les questions qui touchent à l’intime bousculent les cartes politiques, et c’est une bonne chose.»

Ainsi Frédérique Meunier s’est même exprimée, pour la première fois depuis sept ans, auprès d’un député de la Renaissance en accord avec sa position. “Nous, socialistes, avec les communistes, les centristes et les républicains, pouvons avoir le même souci des autres, la même conception de l’homme. veut croire Dominique Potier, qui précise en revanche que «même si on est d’accord sur le sujet de la fin de vie avec certains élus d’extrême droite, la frontière avec eux est infaillible”.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

NEXT Antilles menacées par l’ouragan Beryl, classé « extrêmement dangereux » : Actualités