Une nouvelle affaire secoue les îles Canaries. La justice de l’archipel espagnol a ouvert une enquête pour mauvais traitements et abus dans les centres d’accueil de migrants mineurs du territoire. Quatre cas ont été portés devant les enquêteurs : deux à Tenerife et deux autres à Gran Canaria, indique le quotidien espagnol El País.
“Nous ne pouvons pas donner plus d’informations car ils font l’objet d’une enquête”, a déclaré lundi 30 septembre à la presse la procureure suprême de la communauté des îles Canaries, María Farnés Martínez.
« Poursuite des agressions physiques et des mauvais traitements »
El País révèle néanmoins quelques détails sur ce dossier. Concernant Gran Canaria, la justice s’appuie sur une alerte donnée en 2021 par un groupe de travailleurs sociaux ainsi que sur une lettre envoyée par les plaignants au ministère des Droits sociaux. Dans un centre de Las Palmas, des mineurs affirment avoir été abusés sexuellement par des migrants adultes hébergés dans la même structure. Des salariés sont également visés pour avoir fait taire ces pratiques, mais aussi pour « des agressions physiques et des mauvais traitements continus » contre les habitants.
Dans le cas de Tenerife, deux centres sont distingués, dont un hôtel transformé en centre d’accueil. De jeunes exilés interrogés par El País en juillet dernier ont raconté les abus qu’ils ont subis alors qu’ils étaient hébergés dans un hôtel à Puerto de la Cruz, au nord de l’île. “Ils [des employés, ndlr] je n’ai pas besoin d’une raison pour te punir. Ils vous emmènent dans un bureau et deux ou trois éducateurs vous battent », explique un adolescent gambien.
Certains jeunes auraient été enfermés dans des pièces transformées en cellules d’isolement pour les punir de leur mauvais comportement. “La normale est de trois jours, mais certaines personnes ont été enfermées pendant une semaine”, a rapporté le Gambien.
L’autre plainte concerne l’un des centres les plus peuplés des Canaries, toujours à Tenerife, où jusqu’à 300 mineurs étaient hébergés en même temps. D’anciens travailleurs ont assuré avoir été témoins de plusieurs attaques commises par des collègues contre des jeunes.
Des histoires similaires dans d’autres centres
Ce n’est pas la première fois que des accusations de violence visent des personnes employées dans des centres d’accueil pour mineurs aux îles Canaries. En novembre 2013, 12 jeunes ont envoyé une lettre à la justice espagnole dans laquelle ils faisaient état des mauvais traitements subis dans la structure Acorán, à la périphérie de Las Palmas.
Les témoignages faisaient état de « coups violents » du directeur du centre sur un mineur, immobilisé par un éducateur. Un autre adolescent a affirmé avoir été victime d’« attouchements » dans le bureau du même responsable.
En avril dernier, c’est le centre de La Santa de Lanzarote qui a fait la une des journaux. Cinq travailleurs sociaux sont soupçonnés d’avoir forcé des jeunes à commettre des délits (vols, destruction de meubles, etc.) dans la structure, pour saboter son fonctionnement. Si les mineurs refusaient, ils étaient privés de l’autorisation de partir. Les salariés retardaient également leur procédure d’obtention de papiers en Espagne.
Selon le quotidien El País, les accusations de violence sont fréquentes dans les lieux d’hébergement pour exilés, mais ces cas sont rarement révélés. En raison de la barrière de la langue ou de la peur de la police et des agresseurs, les migrants n’osent pas engager de poursuites judiciaires et préfèrent garder le silence.
Après les révélations des médias espagnols, la procureure suprême de la communauté des Canaries, María Farnés Martínez, a reconnu des « dysfonctionnements » dans les centres d’accueil de l’archipel. Mais « ils ne sont imputables à personne, ni au gouvernement canarien ni à nous », a-t-elle insisté. “Ils sont symptomatiques de la situation actuelle.”
Tensions entre le gouvernement canarien et Madrid
Depuis le début de l’année, l’archipel espagnol est confronté à un afflux important de migrants sur ses côtes. Plus de 30 000 personnes ont débarqué aux Canaries depuis janvier, soit une augmentation de plus de 120 % par rapport à la même période de l’année dernière. Parmi ces exilés se trouvent de nombreux mineurs.
Le président du gouvernement autonome des îles Canaries, Fernando Clavijo, n’a cessé ces derniers mois d’appeler Madrid à l’aide pour prendre soin de cette population. Plus de 5 300 jeunes sont hébergés dans les structures de l’archipel, d’une capacité de 2 000 places.
AVEC Infos Migrants