Diomaye-TV5 : Un faux scandale – Lequotidien

Diomaye-TV5 : Un faux scandale – Lequotidien
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L’annonce de l’ouverture du capital de la chaîne de télévision TV5 aux pays africains a suscité de nombreux débats ces derniers jours en Afrique et en . L’information a été présentée de telle sorte que les pays africains mettront la main à la poche pour financer la chaîne internationale qui serait un vecteur de « la propagande de la Françafrique ». Au Sénégal, les réseaux sociaux se sont enflammés pour inscrire le nouveau président, Bassirou Diomaye Faye, parmi les chefs d’État africains qui signeront les chèques. A noter que la liste des actionnaires actuels de cette chaîne créée en fait état de la présence de la France, du Canada (Québec), de la , de la Belgique et de Monaco. Ces pays sont représentés sur la chaîne à travers leurs chaînes de télévision publiques et d’autres structures du secteur audiovisuel. Le budget annuel de la chaîne s’élève à environ 145 millions d’euros. La contribution attendue des sept pays africains pressentis pour faire partie du capital s’élèvera au total à 4,2 millions d’euros. Le mode opératoire sera une forme de tontine, à raison de 600 mille euros par pays. On peut donc considérer que les Africains seront loin de répondre aux besoins de la chaîne ! Les pays ciblés sont le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Bénin, la République Démocratique du Congo, le Cameroun et le Gabon. Les dirigeants de TV5 ont fini de rencontrer les chefs d’Etat de ces pays, à l’exception de Bassirou Diomaye Faye, qui leur a donné son accord sur le projet. TV5, qui en a fait la demande, attend toujours une audience que le chef de l’Etat sénégalais souhaitera lui accorder.

Un projet déjà proposé à Macky Sall
C’est en décembre 2023 que l’idée, portée depuis 2022 par Yves Bigot, patron français de TV5, d’ouvrir le capital aux pays africains a été validée. La directrice de TV5 Afrique, Denise Epoté, a dû se confier au président Macky Sall. Le Sénégal a été le premier pays visé, mais le contexte électoral a sans doute fait que les autorités de l’État et la Radio-Télévision sénégalaise (Rts) avaient en tête autre chose. TV5 fera une tournée dans d’autres pays. C’est ainsi que le président Denis Sassou Nguesso proposera par exemple de souscrire la totalité des actions destinées aux pays africains et donc de verser la somme annuelle de 4,2 millions d’euros. Cela permettrait au Congo de disposer d’un siège permanent au conseil d’administration, au lieu que ce siège tourne annuellement entre les sept pays actionnaires africains. C’est en quelque sorte le modèle d’actionnariat commun de nombreux pays africains dans les institutions multilatérales comme le Fonds monétaire international (FMI). Le président Patrice Talon a également dû faire, au nom du Bénin, une contre-proposition, toujours déclinée par TV5 en raison de la diversité de cette représentation qu’elle voudrait symbolique. Le Bénin a également négocié un partenariat avec TV5 dans le domaine de la production cinématographique, tout comme la République démocratique du Congo pour un appui technique au profit de sa télévision nationale. De son côté, le Sénégal n’a pas encore donné son accord pour entrer dans le capital de TV5, mais Racine Talla, ancien directeur général de la Rts, a déjà noué un partenariat avec TV5 pour la formation de plusieurs cohortes de stagiaires. Actuellement, un troisième groupe d’une dizaine de stagiaires est présent dans les locaux parisiens de TV5. Par ailleurs, le partenariat proposé par TV5 comprendra la diffusion de programmes des télévisions nationales partenaires et un volet de coproduction. D’une certaine manière, les sommes versées par ces pays reviendront à ces programmes. Le dispositif semble fonctionner en quelque sorte sur une symbiose entre ceux de l’Union des radios et télévisions nationales d’Afrique (Urtna) et de Canal France international (Cfi).

Le Sénégal plus légitime que tous les autres
pays pour s’asseoir sur TV5
Certes, le Sénégal avait été la cible privilégiée de TV5 pour ouvrir son capital aux pays africains. Des négociations pour convaincre le président Macky Sall avaient été engagées, mais l’initiative s’est heurtée à une certaine réticence ou à un réel désintérêt de la part du Sénégal. L’offre prioritaire avait été faite au Sénégal et, je peux dire qu’il a fallu que j’en parle moi-même au président Sall pour le convaincre de cet intérêt. En effet, le Rwanda était très intéressé, mais le fait que la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo, qui en quelque sorte supervise TV5, soit rwandaise, n’a pas trop enthousiasmé TV5 pour donner un siège à cette pays. L’intérêt du président Kagame n’a pas été satisfait et même, dans la nouvelle offre adressée à plusieurs pays africains, le Rwanda et le Togo, bien que initialement sélectionnés pour être approchés, ont fini par être rejetés. Il faut dire que le contexte géopolitique dans la zone des Grands Lacs a également rendu difficile un partenariat commun entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo. En ce qui le concerne, le Togo est en conflit ouvert avec TV5 sur des litiges liés aux mauvais traitements subis à Lomé par certains journalistes de la chaîne.
Le Sénégal, avec son modèle démocratique et l’état des droits et libertés des médias, présente de grands avantages par rapport à de nombreux pays. Il y a de l’histoire ajoutée ! Le pays de Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf symbolise, plus que tout autre pays, l’idéal de la francophonie dans le monde. Mieux encore, le président Abdou Diouf est à l’origine de la création de TV5 Afrique, lors du Sommet de la Francophonie en 1989 à Dakar. C’est ainsi que Mactar Sylla fut le premier directeur de TV5 Afrique (1992-1998). Au moment de son départ de la chaîne, il était question de le remplacer par un autre citoyen sénégalais, mais le président Diouf voulait éviter que la gestion de TV5 Afrique soit l’apanage du Sénégal. Il a ainsi encouragé la nomination de la journaliste camerounaise Denise Epoté, adjointe de Mactar Sylla.

Le coup gagnant que pourrait jouer Diomaye Faye
On voit bien que c’est rendre un mauvais service au président Faye que de le prendre pour un « partisan du néocolonialisme » ou pour être un « partisan de la France », en faisant entrer son pays au capital de TV5. L’entrée au capital de la chaîne de certains pays dont les dirigeants apparaissent comme des autocrates, provoque l’ire de nombreux journalistes et organismes médiatiques. En revanche, l’éventuelle arrivée du Sénégal est perçue favorablement par la rédaction de TV5. Cet a priori favorable renforcerait la position de négociation du président Bassirou Diomaye Faye. Ainsi, il peut paraître opportun qu’il fasse une contre-proposition pour demander davantage de présence sénégalaise au sein du conseil d’administration de la chaîne. On sait que certaines autorités françaises étaient réceptives à l’idée de laisser des actions au Sénégal, après l’arrivée de la Principauté de Monaco en 2021, via Monte Carlo Riviera. La Principauté détient 5,25% du capital. La France, à travers certaines entités publiques, détient 63,16% des actions de TV5, réparties comme suit : France Télévisions (46,42%), France-Médias Monde (11,97%), Arte France (3,12%) et 1,65% à la National Audiovisuel. Institut (INA). Il n’en demeure pas moins que le régime de Macky Sall n’a pas semblé percevoir les enjeux d’une entrée au capital de TV5. Un siège au Conseil d’administration donne également le droit de participer à la Conférence des ministres qui réunit les ministres responsables de TV5 des gouvernements actionnaires de la chaîne, et au Conseil de coopération TV5 Monde-Afrique. Le Sénégal gagnerait beaucoup de visibilité sur une chaîne internationale disponible et assez suivie dans 421 millions de foyers et dans 200 pays et territoires. Le nouveau directeur général de la Rts, Pape Alé Niang, aurait la sagesse d’investir pour concrétiser cette opportunité. Certes, payer 4,2 millions d’euros par an à l’échelle d’un pays coûterait bien moins que tous les frais de publicité institutionnelle sur la scène internationale. C’est dans cet esprit de recherche de rendre un pays attractif que le Rwanda paie par exemple 34 millions d’euros pour voir pendant 3 ans, sur le maillot du club de football londonien d’Arsenal, l’inscription « Visit Rwanda ». Pourtant, le « France bashing », en cours sur certains réseaux sociaux, peut dissuader ou rendre de nombreux dirigeants africains réticents à se rapprocher de tout ce qui pourrait les lier à la France. En criant au scandale et en lançant du halali contre les dirigeants africains, certains influenceurs, qui opèrent au profit d’autres puissances étrangères, parviennent à avoir un effet dissuasif. Pour autant, les médias russes, chinois, qataris, turcs, indiens et américains ouvrent-ils leur capitale aux élites politiques, culturelles ou économiques africaines ? On constate également que comme par hasard, les militants africains ne remettent pas en cause la présence de chaînes d’information arabes qui ont un agenda particulier et sans équivoque pour l’Afrique, notamment pour le Sénégal, ainsi que la couverture par les médias russes de l’information africaine avec une approche propagandiste et un programme de sape qui est très évident. La présence de capitaux influents venus d’Afrique est une nécessité absolue pour marquer la présence du continent sur la scène médiatique mondiale. Le président Oumar Bongo du Gabon l’a bien compris avec la radio numéro 1 de l’Afrique, qui avait connu un grand succès mais dont le modèle économique n’était pas viable. Les mêmes failles ont eu raison de l’agence de presse panafricaine Pana et révèlent les difficultés d’Africa 24. En Europe, le dirigeant hongrois Viktor Orban a eu le flair de mettre la main sur Euronews pour s’assurer d’une réelle influence médiatique.

 
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