qu’attendre des trois projets de décrets sur les énergies renouvelables ?

qu’attendre des trois projets de décrets sur les énergies renouvelables ?
qu’attendre des trois projets de décrets sur les énergies renouvelables ?

Finances News Hebdo : Comment voyez-vous l’impact de ces trois décrets sur l’accélération de la transition énergétique, notamment pour le premier décret 804-21-2 relatif aux compteurs intelligents. Que signifie ce compteur pour les autoproducteurs ?

Dr Saïd Guemra: Le sujet des compteurs intelligents me tient à cœur, dans la mesure où j’ai passé plusieurs années en R&D privée, pour développer l’un des premiers compteurs électriques intelligents au monde. Il a été breveté à l’OMPIC en 2003, et accepté en 2004. L’essentiel est de pouvoir avoir en temps réel la consommation industrielle la plus importante. L’installation de ces compteurs de conception 100% marocaine nous a permis d’atteindre une efficacité énergétique record de 52% dans une entreprise pharmaceutique à Casablanca, en éliminant uniquement les pertes d’énergie, sans aucun investissement matériel : la sobriété énergétique. C’est un formidable outil de gestion, qui permet aujourd’hui aux sociétés de gestion d’énergie de suivre à distance la consommation de leurs clients. Le décret que vous avez cité permettra donc, dans le cas des entreprises qui vont installer des énergies renouvelables, de mesurer l’énergie consommée par le client et l’énergie qu’il injectera. La question qui se pose est que la loi 82-21 (- loi qui assure la transparence pour les industriels, en renforçant la mission de l’Autorité nationale de régulation de l’électricité (ANRE) dans la fixation des tarifs de distribution et des prestations excédentaires, ainsi que ceux d’accès au réseau – ndlr), n’est toujours pas applicable. Si vous achetez une maison, vous avez deux priorités principales : la financer et la faire inscrire à votre nom au registre foncier. Les deux compteurs d’électricité et d’eau, ou sa certification énergétique A+, viennent après, et pas avant. C’est exactement ce qui se passe avec cette loi, dont la mise en œuvre se heurte à au moins quatre obstacles majeurs. Le coût de valorisation de 20% de l’électricité productible injectée, toujours non publié par l’ANRE, le sort de l’électricité injectée au-delà de 20%, le pourcentage de 20% qui reste très dissuasif, et la limite inférieure de 5 MW pour l’auto- production. Ce sont là les véritables difficultés qui rendent cette loi inapplicable. Compteur intelligent ou pas, il reste un outil de mesure qui ne se positionne pas au début de la chaîne de valeur de l’autoproduction, mais bien à la fin. Et désolé de dire que ce décret doit changer, pour la simple raison que le compteur intelligent mesure l’énergie soutirée du réseau, et l’énergie injectée, mais en aucun cas il ne peut mesurer l’énergie renouvelable produite, qui est à la base du calcul. 20% de la rémunération par le distributeur du surplus. Il faut donc ajouter un deuxième compteur, un autre décret qui sera opérationnel dans quatre ans et ainsi de suite. D’une certaine manière, nous tournons en rond avec cette loi. Pour l’instant, cette formalisation du compteur intelligent ne servira qu’à rien d’autre aux distributeurs, qui facturent l’énergie consommée et l’énergie injectée et produite par leurs clients.

FNH : Le deuxième projet de décret 761-24-2 concerne la fixation des conditions d’octroi d’un certificat d’origine. Comment cette loi permettra-t-elle de promouvoir les énergies renouvelables et les énergies vertes, que ce soit pour le marché national ou international ?

Docteur SG : Au risque de me répéter, mais je pense que la priorité est d’avoir une loi applicable, dans un cadre gagnant-gagnant entre le distributeur et son client. Ce n’est que lorsque la loi m’autorisera à réaliser le projet renouvelable de manière fluide et simple, comme dans d’autres pays à réglementation avancée, que le distributeur pourra installer le compteur intelligent, et que le ministère pourra me délivrer un certificat de origine renouvelable pour une partie de mon électricité. Si la loi 81-21 est applicable un jour, la certification d’origine renouvelable pourrait jouer un grand rôle dans la taxe carbone européenne. L’UE peut exiger un certificat d’origine renouvelable qui s’ajoutera à l’empreinte carbone de l’entreprise et crédibilisera davantage l’empreinte carbone marocaine. En cas d’exportation d’électricité marocaine via nos liaisons électriques avec l’Espagne, cette certification pourrait être très utile, et même un élément du dossier de financement : dans ce cas, il s’agit d’un engagement de certification. Pour le marché intérieur marocain par exemple, nous avons des entreprises étrangères qui commencent à avoir l’obligation de disposer d’un pourcentage de plus en plus important d’électricité verte. Et à ce jour, ces entreprises ne disposent pas d’électricité verte ce qui peut devenir un élément bloquant dans leurs activités. Pour contribuer activement à la décarbonation de ses entreprises, la Tunisie a introduit en 2021 un décret qui permet de vendre les surplus verts aux entreprises exportatrices ; ce surplus est vendu par les entreprises et même par les ménages. Nos réglementations sont à des années lumières de ce concept. Enfin, il ne faut pas oublier la taxe carbone marocaine en 2025, qui induira peut-être la naissance d’un marché marocain du carbone, et donc une nécessité de certification d’origine renouvelable.

FNH : Le troisième décret 153-24-2 concerne la fixation du cahier des charges des entreprises de services énergétiques. Comment fonctionnent les entreprises de services énergétiques et quelles seraient leurs contributions en termes d’efficacité énergétique pour atteindre l’objectif de 20 % d’économies d’énergie en 2030.

Docteur SG : Le concept des sociétés de services ESCO (Energy Service Company (NDLR) est né il y a plus de trente ans au Canada. A l’époque, nous recevions les concepteurs de ce service au Maroc ; ils ont réalisé une prospection qui a duré plus d’un an, qui resté sans suite Le principe de fonctionnement est basé sur le financement par la société de services d’équipements d’efficacité énergétique, donc en tant que tiers investisseur, avec partage des gains réalisés, la société de services paie la différence entre le gain prévu et le gain réel. Les ESCO canadiennes sont soutenues par les investisseurs et les banques. Et le système a bien fonctionné jusqu’au jour où certaines sociétés de services énergétiques ont eu des difficultés à assurer leurs engagements contractuels, et le système a montré ses limites. Au Maroc, nous avons environ 25 petites sociétés d’audit énergétique, qui restent les meilleures candidates pour devenir sociétés de gestion énergétique, avec un risque financier très important : si les économies contractuelles ne sont pas réalisées, l’ESCO perd tout ! Personnellement, je n’ai jamais été tenté par ce modèle, mais avec le développement de nouvelles technologies basées sur les compteurs intelligents, notamment notre compteur intelligent depuis 2004, le modèle ESCO, avec sa dangerosité, a laissé place à un nouveau service qui est un support instrumenté pour entreprises avec l’utilisation de compteurs, de capteurs intelligents et du Big data. Celui-ci permet de suivre en temps réel la consommation, d’évaluer en mesurant les gains dus à la sobriété et à l’efficacité énergétique, puis l’apport des énergies renouvelables et les meilleures façons d’utiliser cette énergie impossible à injecter dans le réseau marocain. . Les pays pionniers dans ce domaine depuis 2011 sont l’Allemagne, l’Espagne, la France, les USA et le Maroc. A terme, nos entreprises n’ont plus besoin d’un accompagnement de haut niveau pour les aider dans la gestion de l’énergie. Les mettre à l’aise grâce à la mesure, en instaurant un climat de confiance entre l’industriel et le prestataire de services énergétiques, est la pièce manquante au puzzle de l’efficacité énergétique qui peine à décoller au Maroc. Mais l’espoir est suffisamment grand que cette idée de création de ces entreprises soit une réalité au Maroc, avec un modèle économique sécurisé. Enfin, je partage l’avis du ministre de la Transition énergétique : plusieurs milliers d’emplois peuvent être créés, quand on a des milliers de jeunes formés à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables qui sont au chômage.

 
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