(Paris) Dirigée depuis plus de deux mois par une équipe démissionnaire dans un climat de chaos politique, la France a enfin un gouvernement, sous la houlette du Premier ministre Michel Barnier, qui va devoir imposer son équipe marquée à droite et déjà sous le feu des critiques.
Cécile FEUILLATRE, au service politique de l’AFP
Agence France-Presse
A peine annoncée par le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler samedi soir, la nouvelle équipe, composée de 39 membres, est déjà menacée par l’opposition. Le gouvernement « signe le retour du macronisme » et « n’a pas d’avenir », a déclaré Jordan Bardella, président du Rassemblement national, le parti d’extrême droite qui joue le rôle d’arbitre à l’Assemblée nationale.
Le chef de file de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, dont le mouvement La France insoumise (LFI) fait partie de la coalition de gauche, première force à l’Assemblée, a appelé à « se débarrasser du gouvernement au plus vite ».
Le chef du Parti socialiste, Olivier Faure, a dénoncé « un gouvernement réactionnaire en forme de doigt d’honneur à la démocratie » et a appelé à « un débat de censure » à l’Assemblée.
Le nouvel exécutif est né dans la douleur, après quinze jours de négociations menées par M. Barnier, lui-même nommé au terme d’incroyables manœuvres politiques.
La couleur de l’équipe penche clairement à droite, la famille politique dont est issu ce dernier. Le seul « piège » de gauche est le nouveau ministre de la Justice, Didier Migaud, un ancien socialiste en retrait de la politique active.
Le président Emmanuel Macron, qui a plongé le pays dans l’incertitude en décidant le 9 juin de dissoudre l’Assemblée, après sa défaite aux élections européennes, a donné samedi son aval à la nouvelle équipe à l’issue d’ultimes négociations.
Le gouvernement Barnier aura fort à faire pour s’affirmer face à une Assemblée fragmentée en trois blocs irréconciliables : la gauche, le centre-droit macroniste et l’extrême droite.
Un conservateur de la ligne dure au ministère de l’Intérieur
Le premier Conseil des ministres se tiendra lundi après-midi.
M. Barnier prévoit de prononcer son discours de politique générale le 1est Octobre. Et la première tâche, la plus urgente, de son gouvernement sera de faire adopter le budget, au moment où la France, lourdement endettée, est visée par une procédure européenne pour déficit excessif.
Parmi les figures marquantes du nouveau gouvernement, le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, fait déjà figure d’épouvantail pour la gauche et les centristes, dont les macronistes.
Figure d’une droite libérale-conservatrice inflexible, chantre de « l’ordre », de l’autorité et de la « fermeté », il entend notamment mettre en œuvre une politique dure sur l’immigration, sujet de préoccupation des Français qui enflamme régulièrement la classe politique.
Côté « macroniste », le centriste Jean-Noël Barrot a été nommé aux Affaires étrangères. Ancien ministre délégué aux Affaires européennes, ce jeune fonctionnaire – 41 ans – devra s’affirmer rapidement et se faire connaître sur une scène internationale explosive, marquée par deux conflits majeurs, en Ukraine et au Moyen-Orient.
Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, fidèle soutien du chef de l’Etat, est l’un des rares à conserver son poste et son ministère sera l’un des seuls à bénéficier d’un budget en forte hausse dans ce contexte de crises internationales.
Rachida Dati, figure clivante à droite, conserve également son portefeuille de ministre de la Culture.
« Élection volée »
La gauche, arrivée en tête des législatives, dénonce depuis des semaines une « élection volée » et fustige, à l’image de l’eurodéputée de gauche radicale Manon Aubry, une équipe qui sera, selon elle, « sous perfusion d’extrême droite ».
Des écologistes et militants de LFI ont manifesté samedi dans plusieurs villes françaises à l’appel d’associations, étudiantes, écologistes et féministes, contre le gouvernement “Macron-Barnier”.
« Je suis là parce que ça ne correspond pas à ce pour quoi on a voté. Le Premier ministre représente un parti qui n’a presque rien obtenu aux élections. Je suis inquiète et en colère : à quoi ça sert de voter ? », s’est insurgée une manifestante parisienne, Violette Bourguignon, 21 ans, étudiante en cinéma.
Le chef de l’Etat a installé à Matignon “un Premier ministre d’extrême droite, antisocial, anti-migrants, au passé homophobe, qui ne pourra gouverner qu’avec l’accord permanent de Marine Le Pen”, indique l’appel à manifester.
LFI entend « accentuer la pression populaire » après une première journée de contestation le 7 septembre.