Suivi du plastique dans le fjord du Saguenay

(Petit-Saguenay) Sur une bâche bleue, les déchets s’amoncellent. Pneus, tasses et mégots de cigarettes contrastent avec la beauté du fjord du Saguenay, joyau protégé de l’est du Canada, où baleines et bélugas viennent se réfugier.


Publié hier à 18h24

Mathieu LEISER

Agence France-Presse

Ce décor somptueux, qui allie falaises sculptées par les glaciers et fleuve Saint-Laurent, est pourtant protégé depuis 26 ans et éloigné de toute grande ville.

« C’est une chose de légiférer pour protéger un territoire, d’en faire une aire protégée, mais ensuite comment l’entretenir ? », s’interroge la biologiste canadienne Anne-Marie Asselin avant de plonger à la recherche des déchets.

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PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE ARCHIVES

Anne-Marie Asselin, biologist

Avec son équipe de l’Organisation Bleue, elle sillonne les eaux saumâtres du fjord pour dresser un portrait de la pollution de cette zone.

L’objectif est double : identifier les déchets les plus présents dans l’environnement afin de cibler les plastiques à interdire à la vente et « prédire quelles sont les berges les plus à risque d’être polluées », en se basant notamment sur les courants.

Identifier les déchets

En paddleboard, à pied ou en apnée, son équipage, accompagné de bénévoles, ramasse toutes sortes de déchets dans la baie du village de Petit-Saguenay.

Sous un soleil de plomb, Laurence Martel, chargée de mission sur la pollution plastique, les trie selon plus de 100 critères physiques, spatio-temporels, mais aussi par marque afin de « mesurer l’importance de la responsabilité élargie des producteurs ».

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PHOTO SÉBASTIEN ST-JEAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Laurence Martel, chargée de mission sur la pollution plastique

« Le plus populaire, c’est le mégot, il est omniprésent », explique ce géographe de formation, précisant qu’un seul mégot, du fait des milliers de composés chimiques qu’il contient, peut contaminer jusqu’à 500 litres d’eau, le filtre mettant plusieurs années à se dégrader.

Au cours des cinq dernières années, leurs recherches ont révélé une tendance inquiétante : la concentration de déchets plastiques augmente considérablement vers le Golfe et l’Atlantique, « suggérant un déplacement des déchets des zones urbaines vers l’aval ».

« Souvent, ce sont les plus petits plastiques qui polluent le plus », ajoute le jeune chercheur en regardant l’eau scintiller au soleil.

Espèce sentinelle

En se décomposant, les déchets deviennent des microplastiques. Le plus souvent invisibles à l’œil nu, ces particules, dont certaines ont été retrouvées jusqu’en Antarctique, sont constituées de polymères et d’autres composés toxiques dont la taille varie de cinq millimètres à un millième de millimètre.

On les retrouve tout au long de la chaîne alimentaire de la faune marine, notamment à sa base, parmi les invertébrés.

L’équipage capture et analyse ces « espèces sentinelles » lors de chaque opération de nettoyage.

« Si vos moules et vos invertébrés commencent à souffrir, cela pourrait être un signe que la santé de l’écosystème décline également », explique Miguel Felismino, ingénieur et doctorant à l’Université McGill.

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PHOTO SÉBASTIEN ST-JEAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Miguel Felismino, ingénieur et doctorant à l’Université McGill

Assis sur le filet du catamaran, le jeune chercheur mesure, photographie puis dispose minutieusement les spécimens de moules qu’il analysera ensuite en laboratoire afin de comprendre les effets de ces particules sur leur taille ou leur composition.

Mais sa quête des microplastiques ne s’arrête pas là. A l’aide d’une pompe artisanale, composée d’un générateur et de quelques tuyaux, placée à l’avant du bateau, il récupère également l’eau de surface et les sédiments des fonds marins.

Sensibiliser d’autres publics

Avec cette mission, l’Organisation Bleue souhaite offrir une vision complète du « cycle du plastique » dans les aires protégées comme le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent.

Mais pour protéger ces écosystèmes, la solution est « aussi de provoquer des changements de comportements », estime Anne-Marie Asselin, qui appelle les créateurs sonores et littéraires à « sensibiliser d’autres publics ».

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PHOTO SÉBASTIEN ST-JEAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

« C’est une chose de légiférer pour protéger un territoire, d’en faire une aire protégée, mais ensuite comment l’entretenir ? », s’interroge la biologiste canadienne Anne-Marie Asselin.

Qu’il s’agisse de créer de la musique à partir de sons naturels ou de réaliser une « traduction littéraire » de ces recherches scientifiques, l’idée est de « toucher les gens différemment » tout en laissant une marque indélébile pour les générations futures.

« Avec les changements climatiques, les paysages sonores associés à certains territoires sont appelés à évoluer », explique l’artiste Emilie Danylewick, juste avant de plonger son hydrophone dans l’eau.

Cette mission est aussi une « manière de conserver la mémoire actuelle du territoire au niveau sonore », confie-t-elle.

 
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