on vous l’explique en cinq minutes

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Au Luxembourg, la réforme du système de retraite est une sorte de serpent de mer. Elle revient ainsi régulièrement sur la table, le plus souvent au rythme des projections réalisées par des économistes alertant sur la pérennité du système en place. Ainsi, en avril 2022, un avis de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) – qui effectue des travaux de projection pour le ministère de la Sécurité sociale – a eu son petit effet.

Les échéances de 2027 et 2048

L’IGSS a établi que le système de retraite luxembourgeois des salariés – les fonctionnaires et employés de l’Etat disposent de leur propre système – basculerait en déséquilibre à partir de 2027. Il deviendrait ensuite déficitaire à partir de 2032, dépensant plus en un an que ne lui rapporteraient les cotisations collectées.

L’IGSS explique également dans le même document qu’au rythme du système actuel, toutes les réserves accumulées – environ 27 milliards, de quoi financer les dépenses de retraite pendant environ quatre ans sans recevoir un centime de cotisations – seraient épuisées d’ici 2044-2048 (selon les différents scénarios).

Ce rapport de 75 pages s’appuie sur les projections de la Commission européenne sur le vieillissement de la population et ses conséquences économiques, l’UE elle-même établissant que le budget des retraites du Luxembourg devrait passer de 9,2% du PIB luxembourgeois en 2019 à 13,9% en 2045 et 18% en 2070. Des chiffres qui n’ont guère de sens pour le commun des mortels, mais qui ont au moins le mérite de mettre en lumière une dynamique que l’OCDE et le FMI ont également pointée.

Un système très généreux

Considéré comme l’un des plus généreux au monde (certaines pensions peuvent dépasser les 10.000 euros par mois), le système de retraite luxembourgeois a notamment été mis en avant par Eurostat, en 2021, comme le seul de l’Union européenne où les résidents retraités ont des revenus plus élevés que les résidents actifs.

Une statistique (parmi d’autres du même genre) où la valeur absolue des chiffres importe certainement moins que le problème qu’ils mettent en lumière. Celui d’un pays où, actuellement, plus de 500 000 travailleurs financent quelque 225 000 retraites. Tout le problème est évidemment de savoir comment on financera les pensions de ces 500 000 futurs retraités…

Une croissance économique irréaliste

Ces dernières décennies, ce système a été rendu possible par une dynamique économique et démographique extrêmement favorable. Mais, pour les économistes, la croissance économique qui serait nécessaire pour le maintenir à long (ou même moyen) terme paraît irréaliste. Notamment sur le plan démographique, avec des infrastructures chargées d’accueillir les travailleurs déjà largement sous pression aujourd’hui. Il suffit de jeter un œil sur les autoroutes ou les trains venant de Moselle le matin pour s’en convaincre…

C’est ainsi que l’idée d’une nouvelle réforme des retraites – la précédente datait de 2012 – a refait surface dans certains esprits il y a quelques mois. Pas dans ceux de la plupart des élus politiques. Du moins pas publiquement jusqu’à ce que l’échéance du double scrutin électoral de 2023 soit derrière eux. D’ailleurs, lors de ces (deux) campagnes, les partis n’ont évoqué ce problème qu’à demi-mot, sans nier le problème, mais sans non plus fixer d’agenda pour tenter de trouver une solution.

Une réforme impopulaire

Il est vrai qu’une telle réforme risque d’être très impopulaire. Comment pourrait-il en être autrement dans un pays d’un peu plus de 650 000 habitants où près de 225 000 retraites ont été versées en 2023, dont près de la moitié à des résidents qui sont donc autant d’électeurs potentiels ? Sans compter qu’un salarié part (en moyenne) à la retraite à 60 ans, alors que l’âge légal de départ à la retraite est fixé à 65 ans…

Or, dans l’accord de coalition signé par le gouvernement CSV-DP en novembre 2023, on retrouve trace de cette fameuse échéance de 2027. Elle est accompagnée de la phrase « une large consultation sera organisée avec la société civile sur la viabilité à long terme de notre système de retraite, afin de trouver un consensus sur ce sujet ». C’est donc cette « large consultation » qui est prévue pour début octobre.

Le gouvernement ne veut pas fracturer le pays

Cela mènera-t-il à des réformes ? Dans une interview avec VirguleMartine Deprez, la ministre en charge de la Santé et de la Sécurité sociale, avait laissé entendre au début de la législature qu’il faudrait agir « dans les cinq ans qui viennent », mais le moment n’est peut-être pas encore venu. En coulisses, dans les rangs du gouvernement, on explique que le débat à venir sera mené « afin de voir si un consensus est possible » entre les différents partis. Et qu’une éventuelle réforme en dépendra. « Nous ne voulons pas fracturer le pays comme cela a été le cas en France » a-t-on également entendu.

Or, ce consensus semble aujourd’hui compliqué à trouver. Entre deux arguments en faveur du maintien (voire du renforcement) du système actuel à court ou moyen terme, Nora Back, la présidente de l’OGBL, premier syndicat du pays, a déjà annoncé que « si le gouvernement persistait dans sa réforme des retraites, ce serait la fin de la paix sociale », sous-entendant que, si la coalition gouvernementale s’attaquait à l’âge de la retraite ou au niveau des pensions, des manifestations pourraient être organisées dans les rues. Une chose rare au Luxembourg.

Dans l’autre camp, celui du patronat, emmené par l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), on réclame avec force la mise en place d’une réforme au plus vite. Comme l’expliquait son nouveau directeur, Marc Wagener, dans nos colonnes il y a quelques jours.

Toute la question est de savoir si un compromis entre ces deux camps est possible aujourd’hui…

 
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