
Depuis plusieurs semaines, la presse de tous bords ne cesse de nous parler d’une crise migratoire avec le déferlement de pirogues sur les côtes des îles Canaries, en provenance des côtes sénégalaises avec toutes les conséquences en pertes de vies humaines restant au fond. des océans. Selon les derniers chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur, 12 704 migrants sont arrivés illégalement en Espagne au premier semestre 2023, la majorité (7 213) aux Canaries ; même si l’on parle de chiffres en baisse de 11,35% par rapport à la période correspondante de 2022.
Dans le même temps, plus de 130 000 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes depuis le début de l’année, soit presque le double par rapport à la même période en 2022. Depuis janvier, plus de 2 000 migrants sont morts en tentant de traverser la Méditerranée. Voir le ministère italien des Affaires étrangères à travers la presse européenne
Rien que ce week-end, l’île de Lampedusa aurait accueilli près de 800 migrants qui y ont débarqué entre le 16 et le 17 septembre 2023.
Par ailleurs, en Tunisie, les forces de sécurité ont évacué dimanche matin une place où étaient rassemblés environ 500 migrants dans le centre de Sfax, a indiqué à l’AFP Romdane Ben Amor, porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et économiques. social (Ftdes), une ONG qui suit de près la question des migrations en Tunisie et membre du forum social mondial avec qui nous partageons des réseaux sur le sujet.
Ces chiffres déjà très lourds ne prennent pas encore en compte ce qui s’est passé récemment en Libye où des inondations ont causé la mort de nombreuses personnes, dont sans doute des migrants, ni ce qui se passe au Niger, près d’Agadez, après l’incident. État militaire contre le président Bazoum.
Les États-Unis d’Amérique, qui font également face à une vague migratoire en provenance du Nicaragua, ont rapatrié jeudi dernier 140 migrants, pieds et poings liés, qui auraient débarqué à Dakar.
Mais nous nous concentrerons sur la situation à Lampedusa où seulement 400 places sont disponibles pour presque le double du nombre de migrants arrivés ce dimanche 17 septembre 2023. Cette situation a contraint la présidente de la Commission de l’Union européenne, Mme Ursula Von der Leyen , à se rendre sur place, accompagné d’une forte délégation dont fait partie Mme Giorgia Meloni, chef du gouvernement italien. Le Hotspot est saturé à Lampedusa.
Le journal Le Monde de ce dimanche nous apprend qu’après avoir visité, avec le chef du gouvernement italien, le centre d’accueil des migrants de la petite île, Mme Von der Leyen a détaillé un plan d’aide en dix points, destiné à gérer la situation actuelle, pour mieux répartir les candidats entre les pays européens et éviter la répétition d’épisodes d’arrivées massives, qui mettent à rude épreuve les capacités logistiques et administratives de la péninsule. Depuis cette île, le président de l’UE a lancé un plan d’urgence de l’Union européenne qui en a fait un défi européen ; donc qui a besoin d’une réponse européenne, a-t-elle ajouté. Que retenir de ces propos mais aussi de ce week-end diplomatique très mouvementé pour les responsables de l’Union européenne ?
On constate d’emblée que Bruxelles a déplacé son Président de l’Union et annoncé un plan d’urgence en 10 points, comprenant :
Le transfert des migrants vers des destinations autres que Lampedusa ;
L’organisation des retours forcés de certains demandeurs d’asile ;
Réadmission dans les pays d’Afrique du Nord d’où ils sont éventuellement partis comme la Tunisie, la Libye, etc. ;
La mobilisation d’un budget d’appui pour soutenir ces pays de départ et de transit du pourtour méditerranéen ;
Renforcer la force maritime pour une meilleure surveillance des mers et un meilleur contrôle des forces navales (Frontex ?) ;
La nécessité d’un devoir de solidarité des pays européens envers l’Italie ;
Meilleure collaboration avec les pays de départ en Afrique et en Asie ;
Etc.
En analysant ce plan d’urgence, on constate aisément que l’Europe continue de privilégier une réponse sécuritaire qui est son option depuis 2015. « Toute sécurité ».
Cependant, il faut reconnaître à l’Europe le mérite d’avoir réagi et d’agir de manière urgente et d’avoir proposé un plan de réponse tout en affirmant que la crise migratoire nécessite une réponse européenne. Personne ne peut nier la rapidité avec laquelle l’Europe réagit dans ce dossier, même si la forme de sa réponse peut être ambiguë. Pendant ce temps, où sont l’Afrique et l’Union africaine face à ce désastre avec des milliers de morts, des jeunes en détresse, dans les eaux et dans le désert du Sahel ? Pourquoi l’Afrique ne réagit-elle pas ? Pourquoi n’y a-t-il pas de Plan d’urgence africain malgré les nombreuses victimes, dont la plupart sont des Africains, parmi lesquels des enfants mineurs, des femmes, de jeunes intellectuels ou des ouvriers qualifiés ?
---Si l’on sait que l’on se dirige de plus en plus vers des cataclysmes et catastrophes naturelles liées au changement climatique, comme celles qui viennent de se produire en Libye, il faut aussi se préparer à accueillir davantage de migrants et de personnes déplacées du fait de ces changements climatiques. C’est ce que nous appelons les migrants climatiques.
Dans le cas contraire, les causes endogènes des migrations dites irrégulières pourraient s’accroître avec des phénomènes climatiques qui pourraient pousser beaucoup plus de populations en Afrique vers des déplacements forcés qui s’ajouteraient aux déplacements liés à la monopolisation des ressources et des richesses dans de nombreux pays africains. , sans parler de l’insécurité avec la montée des guerres, des conflits et du terrorisme comme ce qui se passe actuellement au Sahel.
Tout se passe comme si le continent africain ne mesurait pas bien la question des migrations et des mouvements de population, notamment des jeunes !
L’Union européenne annonce un sommet spécial la semaine prochaine à Bruxelles après ce qui vient de se passer à Lampedusa ! Mais qu’attend l’Union africaine, qui a une double raison d’agir et de parler ? Une raison sécuritaire (le Sahel sous le terrorisme et les conflits), une raison de développement et de gestion des mouvements de populations majoritairement jeunes qui tombent entre les mains des passeurs parce qu’elles fuient le sous-développement, le chômage, la pauvreté, les guerres et les conflits, etc.
Il est urgent que l’Afrique tienne une rencontre afro-africaine avec tous les groupes d’acteurs qui interviennent sur la question afin d’avoir son propre agenda à partir duquel le continent pourra dialoguer, échanger et parler avec d’autres parties du monde. vers laquelle se dirigent ses enfants dans des conditions inhumaines. Nous n’insisterons pas ici sur quels pourraient être les termes et le contenu de cet agenda africain. Le moment venu, nous pourrions le faire sous forme de propositions aux intéressés.
Mais en attendant, nous voudrions réitérer ce que nous disons depuis le Sommet de La Valette entre l’Europe et l’Afrique (2015), mais aussi tout au long des négociations du Pacte Mondial sur les Migrations qui parlaient de migration sûre, ordonnée et régulière. Personne ne peut arrêter la mer avec ses armes, et rien ne peut arrêter les départs des jeunes sans arrêter le manque de confiance dans leurs dirigeants et sans leur ramener l’espoir d’une Afrique meilleure où le Tékki fi est possible. On ne peut pas parler de migrations sûres, ordonnées et régulières sans aborder avec les pays du Nord la question des visas et celle des contrats d’exploitation de nos ressources halieutiques, minières, énergétiques, forestières, etc. Nous l’avions souvent dit aux parlementaires européens en Bruxelles que « l’Europe nous a retiré le poisson de la bouche avec les accords de pêche et nous refuse l’entrée ».
Par ailleurs, nous renouvelons notre appel à la tenue d’urgence d’un sommet afro-africain qui pourrait se tenir à Dakar, sous la coprésidence du chef de l’Etat sénégalais et de l’actuel président de l’Union, son homologue. des Comores, avec la participation d’acteurs étatiques et non étatiques, de chercheurs en migration, d’associations de migrants de retour et/ou vivant hors d’Afrique. Une telle rencontre est devenue une urgence et une revendication sociale et politique. Dakar est une porte d’entrée vers l’Europe avec les canoës.
Avant de terminer mon propos, permettez-moi de m’incliner pieusement devant la mémoire des migrants morts sur les routes de la mer comme sur terre dans le désert ; ces lieux sont devenus des cimetières de migrants morts inconnus comme les soldats inconnus pendant les guerres mondiales. Dieu a pitié de leurs âmes et les accueille au Paradis éternel. Amine.
Le drame et toutes les hémorragies peuvent cesser car la vie de demain sera en Afrique, de l’avis de nombreux prévisionnistes ! La question qui reste est de savoir si cette vie de demain en Afrique se fera avec les Africains ou sans Africains ? La réponse dépend évidemment de nous tous !
Mamadou Mignane Diouf
Coordonnateur du Forum Social Sénégalais et de la Plateforme Citoyenne Migration-Développement-Liberté de circulation-Droit d’asile-
Membre du Réseau Ouest Africain sur les Migrations et les Mouvements de Population