Il y a 50 ans, la Mauritanie et Madagascar sortaient de la zone franc, après la Guinée et le Mali

Il y a 50 ans, la Mauritanie et Madagascar sortaient de la zone franc, après la Guinée et le Mali
Il y a 50 ans, la Mauritanie et Madagascar sortaient de la zone franc, après la Guinée et le Mali
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Par Ilyes Zouari, Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur la francophonie).

Chose si ancienne qu’elle a été presque complètement oubliée, la Mauritanie et Madagascar ont décidé de quitter la zone franc en 1973, quelques années après la Guinée et le Mali, respectivement en 1960 et 1962. Cinquante ans plus tard, ces pays n’ont guère fait mieux que ceux restant dans la zone franc, et notamment Madagascar, autrefois le pays le plus développé de toute l’Afrique de l’Est, et aujourd’hui l’un des six pays les plus pauvres du continent.

Environ une décennie après la sortie de la Guinée et du Mali, matérialisée par la création du franc guinéen en 1960 (que les autorités avaient fabriqué au Royaume-Uni) et du franc malien en 1962 (fabriqué en Tchécoslovaquie), la Mauritanie et Madagascar se sont quittés à leur tour. la zone franc en 1973, sur simple demande adressée aux autorités françaises, comme le prévoient les accords de coopération signés avec la France. A Madagascar, le franc malgache, qui fonctionnait comme le franc CFA (et aujourd’hui appelé ariary), coupe ainsi tout lien avec la Banque de France en mai 1973, tandis que le franc CFA est remplacé fin juin par l’ouguiya en Mauritanie. (aujourd’hui produit en Allemagne). Sur la Grande Île, plus grande que la France et occupant une position stratégique dans l’océan Indien, les autorités « révolutionnaires » qui avaient pris le pouvoir en 1972 avaient également mis fin à la présence militaire française dans le pays (comme récemment au Mali, au Burkina Faso). , en Centrafrique, et peut-être aussi bientôt au Niger), notamment en fermant la grande et ancienne base militaire de Diego Suarez, à l’extrême nord du territoire.

Ainsi, il est intéressant de constater que cela fait désormais cinquante ans que les deux pays les plus riches en minerais connus à l’époque pour toute l’Afrique de l’Ouest francophone, à savoir la Guinée (notamment deuxième producteur mondial de bauxite, dont elle possède les plus grandes réserves) et la Mauritanie (entre autres, deuxième producteur africain de fer, après l’Afrique du Sud), ne font plus partie de la zone franc. Quant à Madagascar, cinquième plus grande île du monde, elle recèle également de nombreuses richesses, ce qui en fait par exemple le premier producteur mondial de saphir, le troisième de graphite, ou encore le deuxième producteur africain de nickel. , après l’Afrique du Sud. De même, le pays est aussi le premier producteur mondial de vanille, entièrement introduite par la France sur le territoire et qui constitue la deuxième épice la plus chère au monde, après le safran.

Par ailleurs, il est également intéressant de noter qu’aucun des dirigeants politiques qui ont été à l’origine de la sortie de la zone franc de ces trois pays stratégiques, la Mauritanie, la Guinée et Madagascar, n’a été assassiné, même si c’est le cas du Mali. Ce qui contredit très clairement les affirmations de certains propagandistes qui manipulent les foules africaines et déstabilisent le continent, qui accusent régulièrement la France d’empêcher pendant des décennies toute sortie d’un pays de la zone franc, en assassinant tout Président africain qui le souhaiterait…

50 ans après… des objectifs loin d’être atteints

Un demi-siècle après leur sortie de la zone franc, période si longue que la grande majorité des Africains ignore aujourd’hui totalement ce double fait, force est de constater que les résultats obtenus ont été largement inférieurs aux promesses initialement faites. Alors que Madagascar était en 1973 le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Est, devant notamment le Kenya, la Grande Île est aujourd’hui le quatrième pays le plus pauvre de la région et le sixième du continent. Avec un PIB par habitant de seulement 505 dollars début 2023, selon les dernières données de la Banque mondiale, il devance la Somalie et le Soudan du Sud (le pays le plus pauvre d’Afrique, au point où les données économiques sont souvent indisponibles). ), la Sierra Leone (pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest), le Burundi, autre pays francophone situé hors de la zone franc, et la République centrafricaine, pays de la zone franc connaissant de sérieuses difficultés depuis plusieurs années et passé sous le contrôle de Russie dans des proportions inquiétantes (cas unique en Afrique, le pays ne contrôle même plus ses douanes, et a ainsi fait un bond de plusieurs décennies en arrière en termes de souveraineté, revenant à une situation similaire à celle de l’époque de la colonisation).

Dernière illustration de cette extrême pauvreté, Madagascar, et malgré son gigantesque potentiel agricole, a connu fin 2021 une importante famine dans le sud du territoire. Une tragédie qui a suscité l’émotion de la communauté internationale, notamment avec des images de très jeunes enfants. des enfants squelettiques essayant de manger le cuir de leurs chaussures…

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Quant à la Mauritanie, elle n’a heureusement pas connu la même trajectoire dramatique que Madagascar, parvenant même à poursuivre tranquillement son développement économique. Mais force est de constater, là encore, que le pays n’a pas fait mieux que le Sénégal voisin, ni même que la Côte d’Ivoire et le Cameroun, malgré des richesses naturelles considérables (fer, cuivre, or…) et une population très réduite. Par exemple, et selon les dernières données de la Banque mondiale, le taux d’accès à l’électricité n’atteignait que 47,7% de la population en Mauritanie à fin 2021, contre 68,0% au Sénégal, ce qui le place presque exactement au même niveau. niveau comme la Guinée (46,8%) ou encore le Rwanda, l’un des pays les plus pauvres et les moins industrialisés d’Afrique (seulement 48,7%, soit moins de la moitié de la population malgré un territoire 7,5 fois plus petit que celui du Sénégal, et le pillage désormais incontesté des les richesses de l’est du Congo-Kinshasa).

La zone franc CFA, la zone économiquement la plus dynamique du continent

Ces différentes trajectoires, ainsi que celles de la Guinée et du Mali (sorties en 1962, avant de revenir au franc CFA en 1984, soit 22 ans plus tard, suite à de graves difficultés résultant de la mauvaise gestion économique du pays), sont l’occasion de rappeler que la zone franc est globalement et historiquement la partie du continent économiquement la plus dynamique, la moins touchée par l’inflation et la mieux gérée. En effet, ce vaste groupe qui couvre 54% de la population de l’Afrique subsaharienne francophone, et regroupe 14 des 22 pays (dont la Guinée équatoriale, partiellement francophone, et les Comores, avec leur franc comorien), ainsi que ainsi que la Guinée-Bissau, ont réalisé en 2022 les meilleures performances économiques du continent pour la neuvième année consécutive et la dixième fois en onze ans, affichant un taux de croissance annuel de 3,3% en moyenne sur la décennie 2013-2022 (et même 4,3% en moyenne). 0% hors cas très particulier du pétrolier Guinée équatoriale), contre seulement 2,3% pour le reste de l’Afrique subsaharienne (moyenne globale tirée à la baisse par les niveaux de croissance des zones anglophone et lusophone). Quant à l’inflation, les 15 pays de la zone franc (soit les 14 pays dont la monnaie est le franc CFA + les Comores) n’ont enregistré qu’un taux d’inflation annuel de 1,9% sur cette même décennie, contre pas moins de 15,1% pour le reste. de l’Afrique subsaharienne (7,6% pour la partie francophone de ce groupe).

Grâce à leur dynamisme, la Côte d’Ivoire est récemment devenue le pays le plus riche de l’Afrique de l’Ouest continentale en termes de PIB par habitant, malgré une richesse naturelle très modeste, en comparaison avec le Ghana et le Nigeria (ce dernier a produit ces dernières années entre 40 et 60 fois plus de pétrole que la Côte d’Ivoire, et le Ghana a extrait six fois plus de pétrole et trois à quatre fois plus d’or), tandis que le Gabon continue d’affirmer son statut de pays le plus riche d’Afrique continentale, devant le Botswana, deuxième producteur mondial de diamants. producteur depuis des décennies, après la Russie. A titre de comparaison, seulement 8,2% de la population gabonaise n’est pas encore raccordée au réseau électrique, contre pas moins de 26,3% pour le Botswana, soit plus du quart de la population de ce pays, présentés par certains, dont la connaissance de l’Afrique est assez limité, comme modèle de développement pour le continent…

La Côte d’Ivoire est même devenue le seul pays africain, relativement modestement doté en matières premières non renouvelables (et hors très petits pays de moins de 1,5 million d’habitants), à surpasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par par habitant a atteint 2 255 dollars début 2023 (contre 2 486 dollars). La Côte d’Ivoire devrait aussi bientôt dépasser le Honduras (3 040 dollars par habitant). De son côté, le Sénégal est devenu le pays le plus industrialisé d’Afrique de l’Ouest (devant le Nigeria, selon le dernier rapport de la Banque africaine de développement, publié en novembre 2022), a mis en service en décembre 2021 le train le plus rapide d’Afrique subsaharienne. , à égalité avec le Gautrain sud-africain (160 km/heure), et devrait bientôt, lui aussi et avec le Cameroun, dépasser le pétrole et le gaz du Nigeria en termes de richesse par habitant, grâce à des taux de croissance bien plus élevés (et dont la valeur de la monnaie a été divisée par plus plus d’un millier depuis sa création, entraînant une forte dollarisation du pays, ainsi qu’un usage croissant du franc CFA dans les zones frontalières).

Quant au Niger, ce pays enclavé n’est plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ayant récemment dépassé la Sierra Leone (533 dollars par habitant, contre 461 dollars). Le dynamisme économique observé ces dernières années se manifeste notamment par la construction en cours d’un grand barrage hydroélectrique sur le fleuve Niger, qui devait entrer en service en 2025. Attendu depuis des décennies, et enfin en cours de construction grâce à la détermination des Autorités nigériennes avant le putsch, ce gigantesque projet, aujourd’hui au point mort, devrait permettre d’accélérer considérablement le développement du pays tout en réduisant fortement sa dépendance à l’égard de l’étranger. Et ce, en augmentant significativement sa production d’électricité, en la libérant de sa dépendance dans cette zone vis-à-vis du Nigeria, et en offrant à son agriculture pas moins de 45 mille hectares de nouvelles terres irriguées et très fertiles (ce qui réduira également les importations de produits alimentaires). .

Si la politique de développement, aujourd’hui interrompue par le coup d’État militaire, devait reprendre, le Niger quitterait bientôt la liste des dix pays les plus pauvres du continent. A noter également que le Niger dépasse désormais pas moins de neuf pays africains en termes de développement humain, selon le dernier classement de la Fondation Mo Ibrahim, publié en janvier 2023. Un classement plus fiable que celui de l’ONU, qui recense de nombreuses incohérences, et qui a longtemps et étrangement systématiquement placé le Niger, avec le taux de fécondité le plus élevé au monde, en dernière position du classement (même derrière un pays comme le Soudan du Sud, réputé comme le moins développé du monde). continent – ​​avec la Somalie, non classé…).

La supériorité économique de la zone franc CFA est également à l’origine de l’adhésion de deux pays n’ayant aucun lien historique avec la France, à savoir la Guinée équatoriale en 1985 (ancienne colonie espagnole devenue partiellement francophone) et la Guinée-Bissau en 1997 ( ancienne colonie portugaise). Deux pays dans lesquels il n’y a pas d’hostilité populaire ou médiatique à l’égard du franc CFA, ni d’accusation farfelue de pillage et de domination contre la France… D’ailleurs, cela explique sans doute aussi pourquoi le Mali, le Burkina Faso, la Centrafrique et le Niger sont toujours ne demande pas à sortir du franc CFA…

 
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