L’expérience du handicap à l’école – .

L’expérience du handicap à l’école – .
L’expérience du handicap à l’école – .
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“L’avantage est de faire croire aux enseignants que chaque élève est éducable”. Abdeljalil Akkari (Université de Genève) et Jean-Claude Kalubi (Université de Sherbrooke) livrent un numéro de la Revue internationale de l’éducation de Sèvres (n°92) qui s’intéresse aux pratiques des enseignants en matière d’éducation inclusive et « montre que le chemin à suivre prises pour que l’expérience scolaire des enfants et des jeunes en situation de handicap soit positive est semée d’embûches ». Dominique Momiron, spécialiste de l’éducation inclusive, analyse cette question « intéressante » où il relève deux thèmes absents, notamment celui des finalités.

La détresse des enseignants

Pas moins de huit pays (Italie, France, Canada, RDC, Japon, Zambie, Bulgarie, Mexique) font l’objet d’articles dans ce numéro 92 de la revue de Sèvres. Il traite de la formation des enseignants spécialisés italiens, des pratiques pédagogiques dans la voie professionnelle en France et dans la scolarisation des jeunes sourds au Canada, de la transformation des pratiques scolaires en Bulgarie et aussi des pratiques dans les pays très pauvres comme la RDC, la Zambie et le Mexique rural.

« Nous avons fait des progrès presque partout », nous dit Abdeljalil Akkari, « y compris dans les régions les plus pauvres comme la Zambie. Mais l’absence de bonnes pratiques généralisées découle de la complexité de la question. Cela suppose des moyens qui ne sont pas toujours présents“.

Il ne nie pas la détresse des enseignants face à l’insuffisance des moyens offerts au système scolaire“. Pour les deux coordonnateurs nous sommes dans une période d’adaptation pour une éducation inclusive. Pour Abdeljalil Akkari, « la législation a été mise en place. Nous avons expérimenté l’intégration… Nous nous rendons compte que certains types de handicap ne peuvent être pris en charge en classe ou nécessitent des moyens démesurés. On se rend compte des dysfonctionnements et on revient à une posture plus pragmatique. Mais ce débat est miné par la question des moyens“.

Un exemple de cet écart entre les objectifs législatifs et le manque de ressources est la question de l’AESH. Pour les deux coordonnateurs, il s’agit d’un problème propre à la France. Dans d’autres pays développés, des spécialistes formés sont utilisés.

Un dossier intéressant

Pour Dominique Momiron, « ce dossier est intéressant dans la mesure où il montre plusieurs éléments majeurs qui caractérisent la problématique de l’inclusion scolaire appliquée au système scolaire.

C’est un mouvement international contemporain relativement récent qui s’appuie sur des textes internationaux largement ratifiés (Convention internationale des droits de l’enfant, Déclaration de Salamanque, Convention internationale des droits des personnes handicapées).

Les huit exemples présentés dans le dossier concernent des pays très différents par leur géographie, leur histoire, leur culture et leur niveau socio-économique. L’engagement de ces pays est progressif et contrasté selon les contextes, mais il existe des invariants.

Une question idéologique

Les enjeux des concepts de handicap, d’inclusion et de participation des personnes en situation de handicap sont connus et appréhendés différemment par les acteurs, alors que les références internationales sont plutôt claires en la matière : le poids des cultures et des préjugés collectifs ou individuels est encore très fort du tout niveaux : institutions locales, personnel enseignant, parents. Les stratégies de mise en œuvre des principes sont différenciées selon les pays avec ici et là une persistance encore importante des tendances ségrégatives traditionnelles (le cas du Japon est intéressant à cet égard), en particulier lorsque les élèves présentent des troubles complexes.

De nombreux pays et acteurs de ces pays restent fixés sur une conception catégorique et nosologique du handicap sans vraiment percevoir la dimension systémique de cohérence inclusive pour le système scolaire concerné : il n’est pas compris partout et par tous les acteurs que l’école inclusive n’est pas une école pour les élèves en situation de handicap, mais une école pour tous les élèves, y compris les élèves handicapés parmi les élèves à besoins éducatifs particuliers de manière temporaire ou à plus ou moins long terme.

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La question des moyens alloués au système éducatif pour qu’il soit pleinement inclusif reste prégnante partout, quelle que soit l’idéologie qui sous-tend ce système. À cet égard, la formation des enseignants continue d’être un défi. Dans le même temps, la question du partenariat des acteurs apparaît partout souhaitable et recherchée, mais encore imparfaitement appréhendée et engagée.

Enfin, aucun des pays, y compris l’Italie qui était précurseur, n’a encore atteint un stade qui semble satisfaisant à ses propres observateurs. L’école n’est encore nulle part pleinement inclusive : elle tend à le devenir sans jamais l’être. C’est un projet en construction plus ou moins avancé.

Deux thèmes manquants

Enfin, je note deux thèmes absents de ce dossier, ou à peine effleurés :

La question de l’accompagnement humain non pédagogique et non thérapeutique des élèves en situation de handicap n’est pas au cœur des préoccupations, alors qu’en France toute la question de l’école inclusive est engloutie par la question des AESH qui ne sont jamais assez nombreuses. et encore mal payé. Ailleurs, on ne se crispe pas comme chez nous sur ce thème qui semble propre à la France.

La question des visées idéologiques des systèmes scolaires concernés n’est pas abordée. On sait que la grande difficulté de la transformation politique d’un système scolaire traditionnel en un système scolaire inclusif relève de cette question. L’école française, par exemple, peine encore à sortir de son modèle traditionnel basé sur la sélection progressive par l’échec scolaire jusqu’à la distillation d’une élite dite méritante, parée des vertus de l’excellence et du sens spontané de l’effort individuel. Dans cette conception, la logique de rendre accessible l’éducation a peu de place. C’est à l’étudiant de s’élever au niveau des maîtres. Vouloir emmener les étudiants là où ils sont est encore largement soupçonné d’être l’expression d’un renoncement aux exigences salutaires de l’élitisme républicain. Pour beaucoup, l’école inclusive n’est qu’un prétexte démagogique pour s’engager dans une course vers le bas ».

Interview de François Jarraud

L’expérience du handicap à l’école, Revue internationale de l’éducation de Sèvres, n°92

La table des matières

Articles de D Momiron

Que faudrait-il pour que l’école soit vraiment inclusive?

L’école inclusive et ses freins

L’éducabilité dans le débat idéologique

 
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