Depuis que les tubes cathodiques, les chambres noires et les romans de gare existent, le « sujet FBI » fait fantasmer plus d’un. Et s’il y a une industrie qui a fait de l’argent avec le Federal Bureau of Investigation (FBI), c’est bien Hollywood qui l’aura servie à saturation. Depuis des années, combien d’enquêtes a-t-on vu menées par des agents de pacotille ? Des histoires parfois si improbables, si caricaturales… Bien sûr, les amateurs du genre pourront objecter que ces films et séries mettent en lumière la fine fleur de la police judiciaire mais aussi du service de renseignement intérieur des États-Unis. Mais la propagande aussi a parfaitement fonctionné. Des millions de jeunes ont un instant rêvé d’être Keanu Reeves dans point de rupture ou comme Jodie Foster dans Le silence des agneaux.
Seulement voilà, alors que le monde du spectacle avait choisi de divertir, Marc Ruskin a plutôt cherché à protéger la population américaine. Il peut en témoigner, la main sur le cœur : pendant plus de 27 ans, dont sept comme agent « infiltré » : ce Franco-Américain né avec du sang argentin a été l’un des agents du FBI les plus actifs sur le terrain. Un coup d’œil aux états de service de cet ancien agent spécial – puisqu’il est aujourd’hui à la retraite – montre combien de fois ce policier d’élite a agi au péril de sa vie. Dans son livre Caméléon : Mémoires d’un agent infiltré du FBI (Hugo Doc, 488 pp., 19,95 €) disponible depuis peu, cet homme de 68 ans raconte son destin hors du commun et, surtout, comment en empruntant une dizaine d’identités différentes – appelées « légendes » dans le métier –, il a réussi à tromper et enfermer les criminels de la pire espèce. Au fil des pages, on apprend comment cet ancien assistant du procureur de Brooklyn a décidé, du jour au lendemain, de postuler à Quantico en Virginie. C’est là, au sein de ce camp d’entraînement, que les recrues du FBI se battent de toutes leurs forces – épreuve d’endurance physique, cours de tir, maîtrise de l’art de l’enquête – pour intégrer la police. fédéral. Beaucoup de prétendants mais, au final, très peu d’élus Voici l’interview déclassifiée d’une légende du FBI.
Comment définiriez-vous la fonction d’agent infiltré ?
C’est un agent qui, sous couvert de plusieurs identités, noue des relations avec des criminels de toutes sortes. Le but est avant tout de gagner leur confiance. Pour ensuite recueillir des preuves qui permettront au FBI de les placer en détention.
Vous avez une formation d’avocat. Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir agent du FBI ?
J’ai toujours eu un goût prononcé pour l’aventure. Je voulais être dans la meilleure organisation, et faire des enquêtes compliquées et parfois dangereuses. Je ne voulais pas non plus rester derrière un bureau toute ma vie. J’ai ciblé le FBI sans vraiment croire que j’allais être accepté dans ce corps d’élite. C’est une organisation de 10 000 agents. Et parmi eux, pour faire de l’infiltration, il y en a une centaine.
Quels sont les critères requis pour être enrôlé dans le FBI ?
Il existe deux types de mandataires. Les cols blancs qui sont derrière les ordinateurs et qui font des recherches ; et des cols bleus, comme moi, qui travaillent sur le terrain. La première qualité requise pour un agent d’infiltration est sa capacité à s’adapter à toute situation et à tout individu. Bien sûr, il faut être physiquement et psychologiquement au top. Lorsque j’ai postulé, il y avait 60 000 candidats. Après un examen plus approfondi, seuls 12 000 sont restés après l’examen écrit. L’écrémage se poursuit alors avec seulement 20% retenus sur ces 12 000 candidats. Entre 10 et 20% quitteront encore l’Académie avant l’obtention de leur diplôme parce qu’ils n’ont pas répondu correctement aux questions approfondies du FBI.
---Deux libéraux belges étaient des espions pour la Pologne dans les années 1950
Comment se passe cet interrogatoire ?
Pendant deux heures, trois agents du FBI vous posent toutes sortes de questions auxquelles vous devez apporter des réponses spontanées. La pression est énorme. Par la suite, vous passez des tests médicaux, puis d’endurance physique et enfin, le FBI fait une enquête approfondie sur vous. Des agents interrogent vos anciens camarades de classe, vos professeurs, votre ancienne équipe de football, votre ex-petite amie… Ils recherchent votre passé pendant environ six mois et enchaînent avec des enquêtes de quartier dans tous les lieux où vous avez vécu. Rien n’est laissé au hasard. Et ce n’est qu’alors que vous serez autorisé à vous rendre au centre de formation de Quantico, en Virginie.
Ces méthodes de recrutement du FBI sont-elles fiables à 100 % ? Serait-il possible, par exemple, qu’un agent bipolaire, comme celui joué par Claire Dane dans la série Homeland, ne soit pas détecté ?
Nous nous assurons évidemment que les personnes qui postulent ne sont pas des membres de la Cosa Nostra ou des terroristes. En cas de doute, l’enquête peut durer deux ans. La procédure est si avancée que la sélection d’agents détraqués, instables ou ingérables est difficile à imaginer. Cela dit, il y a des agents qui sont devenus des criminels et qui se sont retrouvés en prison. Nous avons également connu des collègues qui se sont suicidés à cause du stress lié à ce travail.
Charles J. Bonaparte, petit-neveu de Napoléon Bonaparte, fut le premier à créer un service d’enquêteurs spécialisés contre le crime organisé aux États-Unis, le « Bureau of Investigation » (BOI), en 1908, qui deviendra le FBI en 1935. Le fait d’être d’origine française a-t-il facilité votre recrutement ?
Le FBI aime recruter des analystes financiers, des informaticiens et des avocats. Mais si vous parlez une langue rare, c’est aussi un plus. Le français n’est pas considéré comme une langue « critique ». En principe, pour être admis au FBI, il suffit d’être de nationalité américaine. Mais dans mon cas, j’ai aussi la nationalité française. Sauf que le FBI a mis 20 ans à s’en apercevoir. Lorsque j’ai rempli le formulaire pour devenir agent fédéral, on m’a demandé si j’avais un passeport d’un pays autre que les États-Unis. J’ai répondu par la négative car, à l’époque, je n’en avais pas. Si la question avait été : « Êtes-vous citoyen d’un autre pays ou êtes-vous né dans un autre pays ? », cela n’aurait pas été pareil. En tant qu’avocat, on m’a toujours appris à ne jamais répondre à une question qui ne vous a pas été posée.